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EuropaCity : pourquoi ce projet de complexe de loisirs et de commerces était si controversé

L'Elysée a décidé d'abandonner ce projet avant le troisième Conseil de défense écologique. Ce dossier provoquait des oppositions de tous bords contre l'urbanisation des terres fertiles du triangle de Gonesse, mais les emplois prévus suscitaient l'espoir chez les élus locaux et une partie de la population.

Article rédigé par franceinfo
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Une vue artistique du complexe diffusée le 27 septembre 2017 par Alliages et Territoires, la société porteuse du projet EuropaCity.  (ALLIAGES ET TERRITOIRES / AFP)

Le projet pharaonique EuropaCity est bel et bien abandonné, a annoncé l'Elysée, jeudi 7 novembre, confirmant une information du Monde. Vaste de 430 000 mètres carrés, ce complexe de loisirs, d'hôtels et de commerces devait ouvrir en 2027 à Gonesse (Val-d'Oise) et attirer 31 millions de visiteurs gratuits et payants par an. Les oppositions conjuguées des écologistes, des commerçants et des habitants ont finalement scellé son sort. Pour justifier sa décision, l'Elysée explique au Monde que ce projet était fondé sur "une consommation de masse d'objets et de loisirs" et que ce modèle est celui "d'une autre époque".

Nous souhaitons éviter autant que possible ce genre d’équipements, qui concentrent l’activité à l’écart des villes, dévitalisent les centres historiques et créent d’importants besoins de transports.

L'Elysée

au "Monde"

Ce point final a été décidé lors du Conseil de défense écologique (qui réunit le président de la République, le Premier ministre et les ministres concernés), mais les promoteurs du projet avaient senti le vent tourner depuis déjà plusieurs semaines. "L'Etat nous a fait progresser pour rendre une copie exemplaire", déclarait fin octobre Vianney Mulliez, président de Ceetrus, la filiale immobilière d'Auchan, dans un entretien aux Echos. "Mais il est vrai que, depuis l'été, nous avons senti que ce soutien a tiédi à mesure qu'est monté le débat sur l'artificialisation des terres."

Un symbole de l'urbanisation des terres agricoles

Au fil des mois, en effet, EuropaCity est devenu malgré lui le symbole de l'urbanisation des surfaces agricoles, un thème important du combat contre le projet. "C'est irresponsable de vouloir bétonner les terres les plus fertiles d'Ile-de-France", alors qu'elles sont déjà entourées par l'autoroute A1 et la D317, estimait en août le président du Collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG), Bernard Loup. Le CGPT défend un projet alternatif, Carma, afin que les terres agricoles du triangle de Gonesse deviennent à terme le réservoir alimentaire du Grand Paris en circuits courts, avec des cultures bio et du maraîchage.

Dans un contexte plus global de mobilisation autour des questions d'environnement, les promoteurs avaient verdi leur copie début octobre, présentant une nouvelle version du projet, "zéro carbone dès 2027", qui prévoyait 4 000 arbres plantés et 80 hectares d'espaces naturels recréés en compensation. Plusieurs personnalités – de José Bové à la présidente de la FNSEA Christiane Lambert – avaient cosigné une lettre ouverte "contre la folie EuropaCity" dans Libération.

Des milliers d'emplois devaient être créés

A l'inverse, d'autres habitants du Val-d'Oise avaient défendu le projet, en considérant qu'EuropaCity était "le fer de lance de l’aménagement du triangle de Gonesse et de la construction de la seule gare du Grand Paris Express dans le Val-d'Oise". Le projet promettait des milliers d'emplois dans une zone où les taux de chômage et de pauvreté sont supérieurs à la moyenne francilienne. Une étude de la Commission nationale du débat public (CNDP) estimait en 2016, en chiffres bruts, à plus de 10 000 les emplois à pourvoir lors de la phase d'exploitation, plus quelque 3 300 par an pendant la construction des infrastructures.

Nous avons besoin du métro pour désenclaver nos villes de banlieue (...), nous avons besoin d’emplois locaux pour contribuer à lutter contre le chômage de masse qui mine nos quartiers.

Jean-Pierre Blazy, maire PS de Gonesse

lors d'une manifestation, le 26 octobre 2019

Mais ce projet avait également des conséquences dans la zone : le centre commercial O'Parinor, situé à un kilomètre, évoquait par exemple la possible fermeture de commerces. Mi-août, Bernard Loup faisait également part de ses inquiétudes pour les commerces urbains. Il dénonçait alors "un projet absurde, à contresens de la tendance de la grande distribution qui revient dans les centres-villes".

Une manifestante opposée au projet EuropaCity lors d'un rassemblement, le 19 mai 2019 à Gonesse (Val-d'Oise). (ALAIN JOCARD / AFP)

En définitive, l'étude de la CNDP tablait donc sur une création nette de 7 400 à 8 100 emplois liée au futur projet. Christian Lema, de l'équipe de développement du complexe, avait indiqué que "trois quarts des emplois [seraient] pourvus par les habitants du territoire". Cet été, les promoteurs avaient d'ailleurs créé une structure, EuropaCity Compétences, pour travailler à de futurs recrutements dans le bassin d'emploi du Grand Roissy. Cette initiative ne verra pas le jour.

Un nouveau projet à l'étude

Et maintenant ? Emmanuel Macron a confié "la mission à Francis Rol-Tanguy, ancien directeur de l'Atelier parisien d'urbanisme, de travailler avec les élus à l'élaboration d'un nouveau projet", a précisé l'Elysée à l'AFP. "L'idée n'est plus un centre commercial et de loisirs mais un morceau de ville, qui donne envie", avec du commerce diversifié, "du résidentiel, du logement, une partie d'activité agricole, peut-être de la petite industrie, du circuit court, pourquoi pas du loisir, mais pas un grand pôle".

A court terme, l'abandon du projet est doublé d'une incertitude sur le sort réservé à la station de métro Triangle de Gonesse sur la future ligne 17, la seule du Val-d'Oise, prévue pour desservir le complexe dans le cadre du Grand Paris Express. Les premiers coups de pioche ont déjà été donnés, mais le chantier va-t-il se poursuivre dans ces conditions ? En octobre, l'Association des usagers des transports d'Ile-de-France (Fnaut-IDF) avait estimé que "la gare du 'Triangle de Gonesse' resterait au milieu des champs et [que] la ligne n'aurait pas d'utilité si EuropaCity devait ne pas se faire".

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