Enfants de jihadistes français : "Pour leur sécurité et pour la nôtre, il faut essayer de les ramener et ce peu importe les sondages"
Nathalie Goulet, sénatrice UDI de l'Orne, estime qu'"il faut savoir dépasser les vagues de populisme et avoir des positions".
Des familles d'enfants de jihadistes français qui se trouvent actuellement dans des camps au Kurdistan syrien ont déposé une plainte contre la France auprès du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, dénonçant l'inaction de l'État français. Vendredi 1er mars sur France 2, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a déclaré qu'"aller sur place, prendre les enfants et les rapatrier pour les protéger, ce serait une violation totale du droit de l'enfant".
"Pour leur sécurité et pour la nôtre, il faut essayer de les ramener (...), les sortir de cet enfer qu'ils n'ont pas mérité, et ce peu importe les sondages", affirme sur franceinfo Nathalie Goulet, sénatrice UDI de l'Orne, présidente de la commission d’enquête sénatoriale sur les réseaux jihadistes en France et en Europe.
franceinfo : Est-il impossible d'agir pour ces enfants ?
Nathalie Goulet : Le ministre n'a pas tort. S'il y a des parents, il y a une autorité parentale. Si les parents sont morts, si les enfants sont seuls là-bas, s'ils ont de la famille en France qui souhaite les récupérer, on a des tribunaux pour essayer d'améliorer les choses et de faire rentrer ces enfants qui sont en danger de mort, et courent aussi le danger d'un lavage de cerveau. Pour leur sécurité et pour la nôtre, il faut essayer de les ramener. Il y a environ 400 enfants sur le terrain irako-syrien, 83 ou 85 qui sont rentrés en France. Aux uns et aux autres qui affirment que ces enfants ne sont plus français : ils sont français ! Monsieur Dupont-Aignan n'a pas la capacité de leur faire perdre la nationalité. Je suggère modestement aux familles de ces enfants d'essayer de les ramener le plus vite possible et de les sortir de cet enfer, qu'ils n'ont pas mérité, et ce peu importe les sondages. Les enfants ne sont pas responsables des crimes de leurs parents. Un président de la République a fait abolir la peine de mort indépendamment des sondages. Il faut savoir dépasser les vagues de populisme et avoir des positions.
Politiquement, avez-vous l'impression que la France essaie de faire quelque chose pour récupérer ces enfants ?
On est dans une grande théorie de l'imprévision. Un de vos collègues dans un article brillant de L'Obs parle des 'encombrants'. Les revenants sont revenants, ceux qui sont là-bas, on ne sait pas quoi en faire, on ne sait pas où les juger, s'il faut les ramener, et les enfants sont une déclinaison de ces encombrants. Il va bien falloir régler la question.
Pour le gouvernement aussi, ces enfants sont un peu "encombrants" ?
L'ensemble de la problématique n'a pas été pris en compte. Tout ce qui est lié à une politique de lutte contre la radicalisation - je n'aime pas la déradicalisation, je n'y crois pas beaucoup - a fait l'objet d'une très grande imprévision. On savait très bien qu'à un moment ou à un autre, ce problème se poserait. Or, nos prisons sont surchargées, notre système judiciaire est au bord de la crise de nerfs, ça va poser des problèmes techniques, pas seulement politiques. Le gouvernement a plusieurs fois changé d'avis : d'abord il fallait les laisser là-bas, madame Parly a dit qu'il fallait des frappes ciblées, ensuite c'est un avion américain qui devait aller les chercher, finalement on les emmène en Irak. La jurisprudence n'est pas bien fixée, ce qui n'est pas du tout étonnant car le problème n'est pas simple. Il y a aussi la question du système dans lequel ces gens vont rentrer s'ils rentrent : un système carcéral où il y a déjà une très forte radicalisation. Moi j'avais pensé à un tribunal pénal qui puisse juger ces jihadistes, mais on m'a dit que c'était impossible. Il faudrait que ce soit une solution européenne.
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