Une revenante de Syrie va être jugée en France pour "génocide", une première depuis la Seconde guerre mondiale

La femme, née dans le sud de la France et âgée de 35 ans, est soupçonnée d'avoir, au printemps 2015, réduit en esclavage une adolescente yézidie en Syrie.
Article rédigé par franceinfo
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Un homme cagoulé tient un drapeau de l'État islamique dans un désert en Irak ou en Syrie en 2015. (PICTURES FROM HISTORY / UNIVERSAL / GETTY IMAGES)

Un juge d'instruction a ordonné, mardi 24 septembre, un procès notamment pour "génocide" et "crimes contre l'humanité" à l'encontre de Sonia M., revenante de Syrie et ex-épouse d'un émir du groupe Etat islamique, a appris franceinfo auprès du parquet national antiterroriste (Pnat), confirmant une information de l'AFP. Il s'agira du premier procès pour génocide en France depuis la Seconde guerre mondiale.

La femme, née dans le sud de la France et âgée de 35 ans, est soupçonnée d'avoir, au printemps 2015, réduit en esclavage une adolescente yézidie en Syrie, alors qu'elle vivait avec son ex-mari Abdelnasser Benyoucef, considéré comme l'un des créateurs de la cellule opérations extérieures de l'Etat islamique. Présumé mort depuis 2016, il est toutefois visé par un mandat d'arrêt.

De nombreuses jeunes femmes capturées en 2014

Sonia M., citoyenne française originaire de Grenoble, était mariée à Abdelnasser Benyoucef, jihadiste algérien ayant grandi en France, est considéré comme l’un des commanditaires de l’attentat de l’Hyper Cacher et de l’attentat manqué de Villejuif. Sonia M. partageait la vie d'Abdelnasser Benyoucef dans un appartement de Raqqa en Syrie et attendait un enfant de lui au printemps 2015 quand ce dernier a "acheté" une esclave yezidie âgée de 16 ans.

Pour recueillir le témoignage de cette jeune yezidie surnommée Roza (selon un nom d’emprunt), aujourd'hui âgée de 25 ans et qui vit dans un camp de réfugiés proche d’Erbil (Kurdistan irakien), les magistrats français sont allés sur place en février dernier.

Au cours de son audition, Roza a expliqué avoir été capturée, enlevée avec ses deux sœurs et de nombreuses autres jeunes femmes yezidies le 3 août 2014, quand le groupe État islamique a lancé une attaque coordonnée dans sa région de Sinjar dans le nord de l’Irak, territoire de la minorité yezidie, une ethnie kurdophone, non musulmane. Au moins 3 000 yezidis sont morts au cours de cet assaut qualifié par les Nations Unies de génocide.

Un quotidien de maltraitance

Roza se souvient avoir été embarquée dans un camion par un marchand d’esclaves qui l’a vendue à Raqqa à Abdelnasser Benyoucef au printemps 2015, puis elle raconte être restée enfermée à clef pendant un mois et dix jours au domicile conjugal de celui-ci, où se trouvait donc Sonia M., enceinte. La jeune yezidie raconte un quotidien de maltraitance, dit avoir été violée quasi chaque jour par le jihadiste et explique que son épouse ne pouvait l’ignorer, l’appartement n’étant qu’un deux-pièces.

Esclave domestique dans ce logement, Roza décrit un calvaire, obligée de faire toutes les tâches exigées, obligée de demander l’autorisation pour boire, manger, se doucher. Elle confie avoir été maltraitée y compris par Sonia M., frappée au moins à deux reprises avec une chaussure. La jeune yezidie décrit la femme de son tortionnaire comme dominante, portant un pistolet et non comme une femme soumise qui aurait été victime, elle aussi, de cet homme.

De son côté, Sonia M., incarcérée dans la région Rhône-Alpes depuis janvier 2020, conteste fermement avoir été violente avec la jeune yezidie. Elle explique que Roza était l’esclave de son mari, pas la sienne, et que c’est à sa demande qu’il avait fini par s’en séparer. Roza avait alors été "revendue" à un jihadiste belge. Une enquête a d’ailleurs aussi été ouverte par la justice belge.

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