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Kalachnikovs : "Il faut arrêter de fantasmer sur des centaines d'armes"

Spécialiste du crime organisé, le journaliste Jérôme Pierrat revient sur les récentes fusillades de Marseille et sur le trafic de kalachnikovs en France.

Article rédigé par Thomas Baïetto - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des policiers sur les lieux de la fusillade du 28 novembre 2011, à Marseille (Bouches-du-Rhône). (GERARD JULIEN / AFP)

Deux fusillades mortelles dans les Bouches-du-Rhône lundi 28 et mardi 29 novembre ont relancé le débat autour de l'accès aux armes de guerre en France. Dans les deux cas, les malfaiteurs étaient équipés de fusils mitrailleurs kalachnikov.

Pour FTVi, Jérôme Pierrat, journaliste spécialisé dans le crime organisé, revient sur le trafic de ces armes en France.

A combien estimez-vous le nombre de kalachnikovs en France ?

Jérôme Pierrat : C’est impossible de quantifier, il en circule régulièrement dans les banlieues mais il n'y en a pas des wagons entiers. On en trouve quelques-unes par an dans les départements sensibles, généralement pour des affaires de stupéfiants. Mais il faut arrêter de fantasmer sur des centaines d’armes, ils ne sont pas tous armés de kalachnikovs dans leurs chambres.

Combien coûte une kalachnikov en France ? Les syndicats policiers parlent de 500 euros.

J.P. : Ce n’est pas 500 euros. Pour la simple et bonne raison que personne ne gagnerait d'argent à ce prix-là. Ils l’achètent 200 euros en ex-Yougoslavie. Après, il y a prix de l’essence dans la camionnette…

Il faut déjà commencer à partir du 2 000 euros pour une arme qui n’a pas servi en France. A titre de comparaison, une arme de poing, c’est 1 500 euros. Je ne vois pas pourquoi la kalachnikov serait trois fois moins chère. A 500 euros, vous avez celle qui a déjà tué quatre vigiles. 

D'où viennent ces armes ?

J.P. : Elles viennent des Balkans. Ils se sont fait la guerre pendant dix ans et il y a des stocks d’armes qui traînent. Ce sont celles-là qui arrivent chez nous. C’est un trafic de fourmis, fait par des ressortissants d’ex-Yougoslavie qui vivent en France. Ils retournent au pays, en prennent 2 ou 3 et les vendent à l'unité. Ils les transportent démontées dans les voitures et les bus.

Ils fonctionnent en flux tendu, à la commande, cela ne sert à rien de les stocker. De fait, elles n'arrivent pas par container et ne sont pas dans le circuit du crime organisé. C'est pour cela qu'elles arrivent dans de petites mains.

Quels malfaiteurs les utilisent ?

J.P. : Ce sont les mecs de quartier, des gens biberonnés au cinéma américain avec des films comme Scarface. Pour eux, la kalachnikov, c'est impressionnant et à la mode. En fait, c'est une arme inadaptée pour faire le voyou. Cela n’a aucun intérêt parce que c'est énorme et que ce n'est pas précis. Même pour un réglement de comptes, vous prenez un flingue. Dans le grand banditisme classique, ils ne règlent pas leurs comptes à coup de rafales de kalachnikovs. C'est fait pour la guerre.

Avant, l'accès aux armes de guerre correspondait à une montée en gamme dans le banditisme. Aujourd’hui, les gens en bas de l’échelle y ont accès et c'est ce qui explique les accidents. C’est difficile à manier, ils ne s'entraînent pas beaucoup et ils font les cons. C’est la première génération où les petits délinquants ont accès aux armes de guerre. Avant, les gens qui avaient accès à ce genre d’armes ne faisaient pas n’importe quoi.

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