La communauté arménienne a manifesté pour le 95e anniversaire du déclenchement du génocide de 1915-1917
Plusieurs milliers d'Arméniens de France -5000 selon les organisateurs, 2.600 selon la Préfecture de Paris- se sont réunis samedi, place du Canada à Paris, avant de converger vers les Champs-Elysées, pour réclamer la reconnaissance du génocide.
Les Arméniens attendent que la Turquie reconnaisse enfin comme un génocide les massacres commis.
Ils ont également demandé au Sénat français de voter la loi pénalisant la négation de ces événements.
Lors de la cérémonie, place du Canada, à Paris (8e arrondissement), des représentants des communautés religieuses, dont Monseigneur Norvan Zakarian, primat du diocèse arménien de France, ont prononcé une prière et des gerbes de fleurs ont été déposées au pied de la statue de Komitas, ecclésiastique rescapé du génocide mort en 1935.
"C'est un moment fort pour nous, pour se souvenir de nos parents, de nos grands-parents", a confié à l'AFP Arsène Kalaidjian, 73 ans. "Mon père, qui a survécu mais pas son frère, avait neuf ans quand il est parti dans les convois de déportation", a-t-il raconté, les larmes aux yeux. Venus de Reims en train avec un ami pour assister aux commémorations de la journée, Roman Khoudhaverdian, 17 ans, un drapeau arménien sur les épaules, s'est dit "là pour défendre (son) peuple". "On sait qu'il y a eu des massacres par les Turcs, que beaucoup de personnes sont mortes et on veut montrer par notre présence que ça ne s'oubliera pas", a ajouté Levon Hakobian Abdoulov, 19 ans, qui l'accompagnait. "L'objectif de cette journée, c'est de se recueillir en mémoire des victimes mais aussi de rappeler à l'état turc que nous attendons que le génocide soit reconnu", a dit à l'AFP Alexis Govciyan, président du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France ( CCAF).
En fin d'après-midi, les manifestants sont arrivés en haut des Champs-Elysées, où Charles Aznavour a ravivé la flamme du soldat inconnu à l'Arc de Triomphe. Auparavant, le gros du cortège s'était dispersé en haut de l'avenue Georges-V, à quelques mètres des Champs-Elysées, à l'issue d'allocutions de représentants d'associations, journalistes et hommes politiques parmi lesquels les maires d'Alfortville et d'Issy-les-Moulineaux René Rouquet et André Santini, ou le député de l'Essonne Nicolas Dupont-Aignan.
Un appel a été lancé à un prochain rassemblement devant le Sénat le 18 mai à 18h00.
Une entrevue au Sénat
Des représentants de la communauté arménienne de France ont été reçus vendredi matin au Sénat, où la proposition de loi socialiste, votée par l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006, est toujours en suspens. "Je pense que les choses vont avancer", a estimé samedi auprès de l'AFP Alexis Govciyan, président du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France ( CCAF), au lendemain d'un entretien avec le président du groupe d'amitié France-Arménie au Sénat, Serge Lagauche (PS). "Nous lui avons dit que nous sommes très pressés parce que nous sommes très inquiets par les actes et les écrits négationnistes", a ajouté Alexis Govciyan. "Monsieur Lagauche nous a dit qu'il allait examiner la faisabilité d'un examen du texte à la rentrée parlementaire."
"C'est le 95e anniversaire, nous approchons inexorablement du 100e et la question de la reconnaissance du génocide par la Turquie n'est toujours pas réglée", a rappelé vendredi, à l'AFP, Alexis Govciyan. Le CCAF veut "relancer le débat", déplorant le fait que la loi pénalisant la négation du génocide arménien par la Turquie, soit toujours en suspens au Sénat, plus de trois ans après avoir été votée par les députés. "Nous attendons des autorités françaises que cette loi, qui est partie intégrante de la cause arménienne, soit votée par le Sénat."
La France "encourage les autorités arméniennes et turques à maintenir le dialogue" et à "redoubler d'efforts", a indiqué pour sa part l'Elysée jeudi soir, alors que la coalition en place à Erevan venait de geler le processus de réconciliation avec Ankara qui campe sur ses positions.
Le programme de la fin des manifestations
Dimanche, le collectif Van (Vigilance arménienne contre le négationnisme) organise sur le parvis de Notre-Dame de Paris sa sixième "Journée annuelle de sensibilisation aux génocides et à leur négation" avec le soutien de nombreuses associations des droits de l'homme. Neuf stèles de trois mètres de haut seront exposées sur le parvis de la cathédrale en hommage aux victimes des génocides, arméniennes, juives, tutsi et darfouries.
D'autres cérémonies ont également été planifiées ce week-end dans plusieurs villes de province.
La France héberge la plus forte communauté arménienne d'Europe occidentale avec plus de 500.000 personnes, essentiellement en région parisienne (notamment à Alfortville, Issy-les-Moulineaux, Clamart, Gonesse...), à Lyon, Valence, ou à Marseille.
La France a reconnu le génocide arménien en 2001
La loi reconnaissant le génocide arménien de 1915, a été adoptée le 18 janvier 2001 par le Parlement français, promulguée le 29 janvier de la même année par le président de la République Jacques Chirac, et publiée le 30 au Journal officiel.
Le texte, issu d'une proposition parlementaire, est constitué d'un article unique qui stipule que "la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915", sans toutefois désigner les Turcs comme responsables des massacres survenus sous l'empire ottoman. Après son adoption à l'unanimité à l'Assemblée nationale, la Turquie avait vivement protesté et rappelé sur le champ son ambassadeur en consultations.
Le Premier ministre turc Bulent Ecevit avait qualifié "d'inacceptable" et "très injuste" la décision du Parlement français.
Cette loi ne prévoit pas de sanctions en cas de négation, objet d'une proposition de loi votée à l'Assemblée nationale mais qui attend encore d'être soumise au Sénat. Une proposition de loi socialiste punissant d'un an de prison et de 45.000 euros d'amende la négation du génocide arménien a été votée le 12 octobre 2006 par une large majorité de députés, tous partis confondus. Pour espérer entrer en vigueur, le texte doit être voté en termes identiques par l'Assemblée et le Sénat.
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