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La crise peut-elle jouer en faveur de la gauche ?

En observant les sondages et les difficultés de la majorité, les socialistes pourraient être tentés de se réjouir un peu vite. Mais la crise et ses effets pèseront sur la campagne. Et sur le programme de François Hollande ?

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
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François Hollande lors de la convention d'investiture du PS pour l'élection présidentielle, le 22 octobre à Paris. (JOEL SAGET/AFP)

A qui profite la crise ? Si l'accord européen arraché à Bruxelles jeudi 27 octobre lui laisse un peu de répit, le chef de l'Etat  va encore devoir boucler le budget 2012, avec un probable nouveau plan de rigueur.

Gonflés à bloc par des sondages très favorables, les socialistes essaient de pousser leur avantage en critiquant un accord "nécessaire" mais trop tardif, se targuant d'avoir proposé plus tôt certaines des solutions adoptées à Bruxelles.

"De sommet en sommet, le couple franco-allemand n'a pris que des demi-mesures appliquées chaque fois avec retard", dénonce ainsi le député socialiste Jérôme Cahuzac.

"Nous disions dès le printemps que la participation des acteurs privés dans le sauvetage de la Grèce était trop faible", souligne le député PS Michel Sapin. François Hollande s'était en effet prononcé au mois de juin en faveur d'une restructuration de la dette grecque. Une solution longtemps rejetée par les dirigeants européens avant de faire son chemin, puis d'être entérinée jeudi après d'âpres négociations.

La crise pèsera aussi sur la campagne de François Hollande

Dans un communiqué publié jeudi 27 octobre, François Hollande a également critiqué l'éventuelle participation de grands Etats extérieurs à l'Europe, comme la Chine, dans la mise en œuvre du Fonds européen de stabilité financière (FESF).

"Comme je le demande depuis plusieurs mois, la mise en place d'euro-obligations aurait permis à l'Europe elle-même de prendre en main son destin, plutôt que de le confier à d'autres, regrette le candidat socialiste. Sur ce point, Nicolas Sarkozy porte une grave responsabilité, puisque dès le mois d'août dernier, il a renoncé à défendre cette capacité autonome d'agir s'alignant totalement sur la position d'Angela Merkel."

Mais à y regarder de plus près, la gauche n'est pas si à l'aise avec cette crise, qui va continuer pendant plusieurs mois à produire ses effets sur l'économie. Et amener François Hollande à adapter son programme ?

En agitant le spectre d'une dégradation immédiate de la note AAA de la France en cas de retour à 60 ans de l'âge légal de la retraite, la droite essaie en tout cas de mettre le doigt là où ça fait mal. Car les socialistes savent trop bien qu'ils doivent s'interdire de multiplier des promesses qu'ils ne seront pas en mesure de tenir s'ils arrivent au pouvoir en 2012.

L'argument est balayé par l'opposition. "Le budget 2012 prévoit beaucoup de recettes, notamment en taxant encore les classes moyennes, et un peu d'économies. Et rien pour relancer la croissance, estime le député PS Jérôme Cahuzac. C'est ce constat que font les marchés et les agences de notation, davantage qu’ils ne s’inquiètent de ce que feraient les dirigeants du pays demain."

Enseignants, contrat de génération : le flou subsiste

Reste que sur le sujet des retraites, les déclarations de Pascal Terrasse, député pro-Hollande, dans l'entre-deux-tours de la primaire, qui a dit ne pas croire à un retour de l'âge de la retraite à 60 ans, ont mis a mal la crédibilité du candidat "responsable" qui s'est engagé à ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013, et à 0 % en 2017.

Autre grain de sable dans la campagne du candidat socialiste : le flou autour de sa proposition de "recréer" 60 000 postes en cinq ans dans l'Education nationale (soit 12 000 par an). Il a fallu attendre l'après-primaire pour obtenir des précisions sur son financement. "Bien entendu, [cette mesure] est compensée par des baisses de postes ailleurs", a déclaré Michel Sapin mardi, comme en écho aux contraintes budgétaires de plus en plus pressantes et aux menaces des agences de notation.

Quant à sa proposition phare, le "contrat de génération", dont le coût avait été critiqué par Martine Aubry elle-même, François Hollande ne l'a même pas évoqué dans son discours d'investiture samedi 22 octobre à la Halle Freyssinet. Et dernièrement, ses proches laissent entendre que sa mise en œuvre sera soumise à des négociations avec les partenaires sociaux.

Un défi européen difficile à relever

En cas de victoire en mai 2012, François Hollande risque donc de se trouver dans une position autrement plus inconfortable que celle du candidat favori, face à un président usé et contraint de composer avec l'intransigeance allemande.

Face à la crise des dettes en Europe, "il aurait fallu des hommes et des femmes d’Etat pour faire prévaloir le destin de ces pays sur l’avenir national de ses dirigeants", assène Jérôme Cahuzac. La charge vise Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.

Mais François Hollande est prévenu, y compris par ses proches, de ce qui l'attend s'il parvient à s'installer à l'Elysée. "J'aurai à promouvoir dans les mois et les années à venir une nouvelle donne européenne", promet le député corrézien. Le pari sera-t-il tenu ?

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