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Le chef de l'Etat annonce "une pause" dans les réformes "au 2e semestre 2011", à quelques mois de la présidentielle

Cette "pause" aura pour but de permettre au Parlement d'"améliorer" les réformes déjà entrées en vigueur, affirme-t-il dans une interview publiée vendredi dans Le Figaro Magazine.Le journal a avancé sa publication d'une journée.
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Nicolas Sarkozy dans "Le Figaro" (12 mars 2010) (France 2)

Cette "pause" aura pour but de permettre au Parlement d'"améliorer" les réformes déjà entrées en vigueur, affirme-t-il dans une interview publiée vendredi dans Le Figaro Magazine.

Le journal a avancé sa publication d'une journée.

Il faut que "le Parlement puisse, s'il le souhaite, délégiférer ", explique-t-il. "'Nul n'est censé ignorer la loi', dit-on. Mais la complexité est souvent telle que personne ne s'y retrouve plus. Il sera grand temps de s'attaquer au chantier de la simplification législative et administrative".

Le mot "pause" a une forte connotation dans le vocabulaire politique français car il évoque souvent un tournant politique majeur. En février 1937, le président du Conseil socialiste Léon Blum estimait qu'"un temps de pause" était "nécessaire" dans l'application du programme du Front populaire. Et à l'automne 1981, six mois après l'élection du socialiste François Mitterrand à l'Elysée, son ministre de l'Economie et des Finances, Jacques Delors, demandait "la pause dans les réformes".

"Attentif à ce que diront les Français"
Dans son entretien au "Figaro Magazine", Nicolas Sarkozy se défend d'avoir fait campagne pour la majorité, comme ses adversaires de gauche l'en accusent. "Ces polémiques permanentes font perdre un temps précieux à la France", affirme-t-il. "Le scrutin des 14 et 21 mars est régional, leurs conséquences seront donc régionales", affirme le président, tout en assurant qu'il sera "attentif à ce que diront les Français". Il répète ce qu'il a déjà dit à Pontarlier : "élections régionales, conséquences régionales".

Le chef de l'Etat réaffirme qu'il n'y aura pas de remaniement important juste après les régionales même s'il n'écarte pas "quelques adaptations gouvernementales".

Il confirme également qu'il s'attaquera "à l'automne 2010", après les retraites, au problème de la dépendance. Sur la réforme des retraites, le chef de l'Etat dit qu'elle concernera salariés du privé comme du public. "Dans le courant 2010, le chômage va baisser" et "la croissance de la France sera supérieure à 1,5 %", estime-t-il encore.

Vers la TVA sociale ?
Il promet de ne pas augmenter les impôts, mais dit ne pas avoir renoncé à la TVA sociale pour financer la protection sociale sans taxer le travail. Il réaffirme que la taxe carbone verra aussi le jour. Enfin, il exclut toute remise en cause du bouclier fiscal.

Concernant une éventuelle candidature en 2012, il explique: "Je prendrai position à la fin de 2011, en tenant compte d'un certain nombre de critères collectifs et personnels".

Insécurité et ouverture
Nicolas Sarkozy défend par ailleurs sa politique d'"ouverure politique" de plus en plus critiquée dans son camp : "Je suis prêt à créer un léger sentiment d'incompréhension momentanée pour inscrire (...) la démocratie française dans l'exemplarité", affirme-t-il.

Il flatte en revanche l'opinion de droite en assurant ne pas avoir enterré le débat controversé sur l'identité nationale française et en promettant des "mesures importantes" dans ce domaine en avril. Il annonce également son intention de "passer à la vitesse supérieure" en matière de lutte contre l'insécurité, notamment par la généralisation de la vidéo-surveillance.

-> Lire aussi sur Le Figaro.fr :
Sarkozy : pas de remaniement avant la réforme des retraites

Réactions
- Benoît Hamon, porte-parole du PS, a jugé jeudi que l'annonce d'une "pause" dans les réformes fin 2011 est, "à trois jours des régionales", "une manoeuvre électorale pour limiter la portée d'un vote sanction des Français dimanche".

- Martine Aubry, première secrétaire du PS, a estimé vendredi matin sur France Info que la pause des réformes que Nicolas Sarkozy annonce pour fin 2011 s'impose dès à présent. "C'est maintenant qu'il faut faire la pause. De qui se moque-t-on ? Nous annoncer que fin 2011 on arrêtera des réformes qui auront cassé notre modèle social, qui auront encore accru les injustices ?"

- Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre UMP, juge assez
responsable" la décision de Nicolas Sarkozy de marquer une pause
après la réforme des retraites. Dans le même temps, il considère que François Fillon "peut très bien rester" à Matignon jusqu'au terme du quinquennat.

Revue de presse
De nombreuses éditorialistes sont revenus vendredi sur la "pause" annoncée par Nicolas Sarkozy dans Le Figaro Magazine.

Certains s'en étonnent. "Nicolas Sarkozy qui programme une 'pause' dans les réformes, c'est un peu comme si le pape prononçait un blasphème", écrit Didier Pobel dans Le Dauphiné Libéré. "L'annonce de la pause dans les réformes (...) surprendra peut-être venant d'un 'hyperprésident' qui nous a habitués à dire que rien ne pouvait l'arrêter dans son action", explique Rémi Godeau, dans L'Est Républicain. "Jamais, au grand jamais, le président de la République n'avait évoqué de pause durant son mandat", constate de son côté André Schlecht dans L'Alsace.

"Qu'est-ce qui a pu ainsi pousser le chef de l'Etat à envisager ce qu'il faut bien appeler une révolution, sinon dans sa politique, du moins dans sa terminologie ?", poursuit Didier Pobel.

Les réponses à cette question varient. "Il faut croire tout de même que le président a pris la mesure de la grogne du pays", analyse Hervé Fabre dans La Voix du Nord pour qui "la dimension nationale de ces élections est évidente".

Nicolas Sarkozy pense peut-être aussi à son propre avenir, pense Bruno Dive dans Sud-Ouest. Il s'agit pour "lui-même de se donner un peu de temps avant de décider de se représenter ou non en 2012", estime l'éditorialiste. Cette annonce "n'est en vérité que la gestion normale du calendrier à quelques mois de l'élection présidentielle que Nicolas Sarkozy semble d'ores et déjà préparer", explique, quant à lui, Daniel Ruiz dans La Montagne.

"Sous des airs de Matamore inconséquent", Nicolas Sarkozy "préside la France comme un maire conduit sa ville", écrit Francis Brochet dans Le Progrès. 'Il bâtit son bilan pierre à pierre, avec en tête un calendrier : ouverture des chantiers dans l'euphorie du début de mandat, accélération des chantiers sous les huées de la mi-mandat, et inaugurations la dernière année sous les applaudissements des administrés. C'est exactement ce qu'il nous a dit hier (...): nous aurons une petite année, à partir de la mi-2011, pour contempler l'ampleur de la transformation de notre ville - pardon : de notre pays", ajoute l'éditorialiste lyonnais.

Certains de ses confrères n'arrivent pas à se faire une idée. "L'entretien au Figaro soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses", estime ainsi Jacques Camus dans La République du Centre. Et d'ajouter: "Il s'en dégage une impression d'inhabituelle perplexité élyséenne".

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