Le rapport de la fondation fait un focus cette année sur les victimes collatérales du mal-logement: les enfants
Le rapport de la fondation est rendu public ce lundi 1er février, date anniversaire de l'Appel de l'Abbé Pierre à l'hiver 1954, à la Grande Halle de La Villette à Paris.
Le rapport met cette année l'accent sur la situation des enfants, "victimes collatérales du mal-logement" selon les termes de Raymond Etienne, président de la Fondation Abbé Pierre.
La fondation se montre une nouvelle fois alarmiste. "L'intensité de la crise et sa dimension nous indiquent que le problème de société est de retour, avec une infinie violence pour nombre de ses victimes", prévient Raymond Etienne. Un chiffre résume la situation: 3,5 millions. C'est le nombre de non-logés ou de mal-logés (1) en France aujourd'hui. Dans le détail, cela donne: 100.000 sans-abri, 500.000 sans logement personnel, deux millions en situation de surpeuplement ou dans des logements dégradés et 860.000 dans une précarité extrême. Une "situation catastrophique", résume Christophe Robert, délégué général adjoint de la fondation Abbé Pierre.
Mais ce qui est vraiment "intolérable", souligne Patrick Doutreligne, délégué général adjoint de la fondation, c'est qu'un mal-logé sur six est un enfant mineur. Ils sont donc 600.000 à souffrir directement des difficultés liées au logement dans le pays. Et les conséquences peuvent être graves. Le saturnisme, "la maladie du pauvre" comme la surnomme Patrick Doutreligne, dont 80.000 enfants sont victimes. Des infections respiratoires, des problèmes de sommeil ou d'alimentation. "Alors on va au McDo ou on mange des boîtes de conserve froides. Et pour avoir goûté c'est franchement dégueulasse", constate le délégué général. Pour couronner le tout, ces enfants rencontrent également des problèmes de scolarité. "La plupart décroche, ils n'ont pas cette égalité des chances. C'est une double peine et une injustice sociale intolérable", s'insurge-t-il.
"L'Etat s'est désengagé sur le front du logement"
La fondation condamne explicitement une "politique du logement aveugle". "Une politique en démocratie doit pallier aux plus défavorisés, c'est son rôle", tance sèchement Patrick Doutreligne. Lui et son adjoint reprochent notamment au gouvernement de ne pas vouloir prolonger le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo qui s'achève cette année, mais qu'ils ne manquent pas de critiquer.
Ce plan avait pour objectif de créer 120.000 logements sociaux par an entre 2005 et 2009. Au final, le contrat n'est pas tout à fait rempli et l'Etat a fait des tours de passe-passe pour retomber sur ses pattes. En cinq ans, le plan de cohésion sociale a permis la création de 497.600 logements -au lieu des 600.000 promis- mais un tiers d'entre eux sont des logements intermédiaires (2) et non sociaux. Ils sont donc inaccessibles aux ménages les plus modestes. Ce qui fait dire à Patrick Doutreligne que "l'Etat s'est désengagé sur le front du logement".
Quelles solutions?
La fondation propose de prendre exemple sur l'Allemagne en défiscalisant les loyers et en maîtrisant le prix du m2. "En Allemagne, le logement n'est pas un produit comme les autres. En France on est beaucoup plus libéral là-dessus", souligne Patrick Doutreligne. Autre idée, appliquée la taxe sur la vacance, inscrite dans la loi. Cette taxe vise les propriétaires qui n'ont pas loué leur logement après deux ans de vacance. Elle peut être payée pendant trois ans. Au-delà, le bien immobilier est réquisitionnable, mais ce n'est que très rarement le cas. Or, il existe aujourd'hui plus de deux millions (3) de logements vacants exploitables. Enfin, la fondation voudrait qu'en cas de relocation, l'augmentation du loyer soit cadrée sur l'indice de référence des loyers (4) afin d'éviter des hausses successives sans freins.
L'Abbé Pierre avait un souhait: "Sur ma tombe, à la place de fleurs et de couronnes, apportez-moi la liste des milliers de familles auxquelles vous aurez donné la clé d'un vrai logement...".
(1) La notion de "mal-logé" regroupe: les personnes privées de domicile personnel, celles vivants dans des conditions de logement très difficiles (surpeuplement, insalubrité), et celles en situation d'occupation précaire (sous-locataires, sans droit ni titre suite à une décision de justice prononçant l'expulsion).
(2) Des PLS = Prêt locatif social. Les chiffres cités émanent du ministère de l'Equipement. Infocentre SISAL.
(3) Les chiffres oscillent entre 1,8 million (gouvernement) et 2,5 millions (Insee).
(4) La revalorisation du loyer qui ne peut être qu'annuelle, ne peut excéder la variation annuelle de l'indice de référence des loyers.
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