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Les magistrats de la Cour des comptes se sont dits "consternés" vendredi par les accusations de partialité

Le gouvernement et la majorité ont très vivement réagi après la publication, jeudi, d'un rapport de la Cour sur la gestion des forces de l'ordre.Le document met en doute la baisse de la délinquance depuis 2002, date de l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur.
Article rédigé par France2.fr avec AFP
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Le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, présentant le rapport à l'origine de la polémique (AFP - FRANCOIS GUILLOT)

Le gouvernement et la majorité ont très vivement réagi après la publication, jeudi, d'un rapport de la Cour sur la gestion des forces de l'ordre.

Le document met en doute la baisse de la délinquance depuis 2002, date de l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur.



Elle s'est attirée une réponse cinglante du ministre de l'Intérieur Claude Guéant, qui a dénoncé un document "truffé", selon lui, d'"inexactitudes", d'"erreurs d'analyse" et
d'"oublis", et qui manque "d'objectivité".

"La Cour des comptes n'est pas infaillible", a-t-il déclaré vendredi matin sur RTL. "J'ai le plus grand respect pour elle", a-t-il ajouté. "Mais lorsqu'elle avance des faits qui sont inexacts, lorsqu'elle se livre à des approximations dans le raisonnement, lorsqu'elle raisonne de façon contestable, je conteste", a-t-il poursuivi.

En plus de réfuter l'exactitude factuelle du rapport, Claude Guéant a dit contester l'appréciation de la Cour des comptes : "ce que je conteste le plus dans (son) appréciation, c'est une appréciation de caractère général sur le fait que les résultats de la politique de sécurité entre 2002 et 2010 seraient, je cite, 'contrastés'". "En 2010, il y a 500.000 victimes de mois qu'en 2002. Est-ce un résultat contrasté ?", a-t-il conclu.

Dans une lettre adressée au premier président de la Cour des comptes, le socialiste Didier Migaud, 106 députés de l'UMP et du Nouveau centre condamnent une "forme insidieuse de politisation" de cette institution. Ils disent avoir de "lourdes interrogations" sur les liens des auteurs du rapport avec le PS (voir plus loin).

La réponse des magistrats de la Cour des comptes
"L'association des magistrats de la Cour des comptes a pris connaissance avec consternation de certaines réactions", affirme-t-elle dans un communiqué. "Ces réactions mettent en cause l'impartialité de certains magistrats et rapporteurs et n'hésitent pas à évoquer une politisation des travaux de la Cour", ajoute l'association, qui "s'élève contre ces assertions de nature à jeter un doute sur l'indépendance" de la juridiction financière.

Une telle prise de position de la part des magistrats est "exceptionnelle", a souligné le président de l'association, Jean-Luc Lebuy.

"Je peux comprendre la réaction d"un ministre mais peut être que ses collaborateurs lui ont donné une lecture de notre rapport qui ne correspond pas à la réalité", avait réagi un peut plus tôt le président Didier Migaud sur . "Ce rapport est exact et objectif", a-t-il affirmé.

Le premier président de la Cour des Comptes a rappelé les méthodes de travail de l"institution, basées sur la confrontation des analyses et un travail collectif. "La Cour a 200 ans d"histoire et ses procédures remontent aussi à très longtemps. Ces procédures c"est la contradiction et la collégialité. Parmi nos règles de déontologie, il y a l"impartialité", a-t-il indiqué.

Autres réactions
Le député PS Manuel Valls, candidat à la primaire de son parti, a demandé la démission de Claude Guéant. "On ne peut pas accepter qu'un ministre de la République mette ainsi en cause l'institution qui est là (...) pour juger l'action" de l'Etat.

Même demande de la part de son collège François Loncle, lui aussi socialiste: "après ses déclarations exécrables sur les enfants d'immigrés, le ministre de l'Intérieur a franchi à nouveau la ligne jaune". Il y voit, de la part de celui qui n'a jamais "affronté" le suffrage universel, une nouvelle expression de sa "méconnaissance des institutions de la République et (de) ses usages".

A droite, certains parlementaires ne partagent pas l'avis de ceux qui ont écrit à Didier Migaud. "C'est toujours dangereux que le Parlement s'oppose à un rapport voté par une institution de la République, majeure et souveraine. Aujourd'hui, la Cour des comptes, demain le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat... C'est pour moi une dérive que je ne peux cautionner", a déclaré le député UMP "villepiniste" Jean-Pierre Grand.

La majorité, vent debout contre Didier Migaud

Quelque 106 députés UMP et Nouveau Centre ont écrit jeudi soir au premier président de la Cour des Comptes, Didier Migaud, pour "condamner" une politisation de cette institution, après la publication d'un rapport critique sur la gestion des forces de sécurité.

Dans cette lettre, les signataires -dont Eric Ciotti, les ex-ministres Christian Estrosi et Alain Marleix, Michel Hunault (NC), le vice-président de l'Assemblée, Marc Le Fur, et plusieurs membres du collectif de La Droite populaire- affirment que ce rapport comporte "un nombre important d'inexactitudes, de raccourcis hâtifs, d'erreurs d'analyse, d'oublis et d'appréciations", qui amène à "s'interroger sur son objectivité".

Valérie Pécresse, la nouvelle porte-parole du gouvernement, a regretté mercredi que le rapport de la Cour des comptes, qui dénonce la politique de sécurité depuis 2002, "ne mette pas suffisamment en perspective les résultats de la politique du gouvernement".

Rapport sévère sur la période 2002-2010

Le rapport met en doute la baisse de la délinquance depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur, se basant sur une enquête dans une cinquantaine de villes.

Dans
son rapport de 250 pages, la Cour des comptes a passé au crible les forces de sécurité et a enquêté dans plusieurs dizaines de villes d'Ile-de-France, Rhône-Alpes ou Paca.

Sur la période 2002-2010, écrivent les rapporteurs, l'Etat lui "a consacré des moyens croissants budgétaires, technologiques et humains". Mais, ajoutent-ils, les résultats sont "contrastés" au regard des statistiques qui ont montré un "recul des atteintes aux biens" mais une "hausse" des violences aux personnes.

Cette "exigence d'une plus grande efficacité de la lutte contre la délinquance", ajoute la Cour en référence implicite à la politique sécuritaire impulsée par Nicolas Sarkozy dès 2002, "doit être satisfaite" depuis 2009 "avec des moyens en diminution" et une "hausse des dépenses de rémunérations".

Elle met aussi en cause le "développement rapide mais coûteux" de la vidéosurveillance, mesure phare de l'Intérieur, allant jusqu'à mettre en doute les chiffres de celui-ci qui avançait le nombre de 20.000 caméras dans la rue en 2008 quand elles n'étaient que 10.000 pour la Cour.

Celle-ci plaide pour réformer l'organisation des forces "en profondeur". Il faut aussi un "nouveau partage territorial".

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