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Manuel Valls s'enfonce dans le bourbier corse

Comme celui de ses prédécesseurs, le discours de fermeté du ministre de l'Intérieur passe mal sur l'île de Beauté.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, le 3 juin 2013 à Bastia (Haute-Corse). (PASCAL POCHARD CASABIANCA / AFP)

Manuel Valls s'est-il trompé de stratégie dans la gestion du dossier corse ? Alors que le ministre de l'Intérieur tient un discours de plus en plus ferme contre la violence sur l'île de Beauté, le Front de libération nationale corse (FLNC) menace de reprendre les armes. Dénonçant "un Etat colonisateur" et des élus "spectateurs ou complices", l'organisation indépendantiste exige, mardi 4 juin, "que la France reconnaisse [les] droits nationaux" des Corses. Des déclarations qui laissent penser que Manuel Valls, comme la plupart de ses prédécesseurs, aura bien du mal à s'extirper du bourbier corse.

Depuis les événements d'Aleria en août 1975, qui avaient fait deux morts du côté des forces de l'ordre, tous les ministres passés par la place Beauvau se sont cassé les dents sur ce dossier. Tantôt trop fermes, tantôt trop laxistes... Manuel Valls, lui, a choisi la première option. Là où le chef de l'Etat espérait banaliser le dossier insulaire – il ne l'avait quasiment pas évoqué durant sa campagne –, le nouveau "premier flic de France", lui, a fait savoir qu'il s'attaquerait frontalement à la violence en Corse. Mais depuis, de nombreux homicides et attentats lui ont rappelé la réalité de la situation.

Le mot de trop ?

Manuel Valls, connu pour son franc-parler, n'a pas voulu se laisser impressionner. A la mi-octobre, le ministre de l'Intérieur martèle sa volonté de "s'attaquer à ce qui gangrène la société corse", et appelle les habitants de l'île à "se rebeller". Un mois plus tard, il annonce un renforcement des forces de police et de gendarmerie dans l'île, et répète son "entière détermination à lutter contre le crime" et "l'argent sale". La création d'un "pôle antimafia" est également annoncée. Les déclarations fracassantes se succèdent. Mais au printemps, Manuel Valls a peut-être eu un mot de trop. 

Fin avril, condamnant le meurtre de Jean-Luc Chiappini (président du parc naturel régional de Corse), le ministre de l'Intérieur franchit une ligne, en déclarant que la violence est "culturellement enracinée en Corse". Sur l'île, la petite phrase suscite la colère de nombreux habitants. Mais Valls refuse de s'excuser. Et alors que l'Assemblée régionale de Corse vote la "co-officialité" de la langue corse, le ministre s'y oppose radicalement, en martelant qu'il n'est "pas concevable" qu'il y ait sur une partie du territoire français "une deuxième langue officielle"

"La Corse n'aime pas les coups d'éclat"

Manuel Valls s'est-il trompé de partition ? Mi-novembre, dans le Journal du Dimanche, le député socialiste Daniel Vaillant, passé par la place Beauveau de 2000 à 2002, lui conseillait "un travail de terrain discret mais efficace". "La Corse n'aime pas les coups d'éclat", insistait-il. Autrement dit, mieux vaut éviter les déclarations et les annonces tonitruantes, pour ne pas brusquer la population. Depuis, le climat s'est incontestablement détérioré. Cela n'a pas échappé au ministre.

De retour en Corse, lundi 3 et mardi 4 juin, Valls a multiplié les gestes et les mots d'apaisement. "J'aime la Corse, j'aime les Corses et j'aime leur culture ! s'emballe-t-il dans un entretien à Corse Matin. Les Corses sont les premières victimes de la violence. Ma seule volonté, c'est de rétablir l'ordre républicain." Sera-t-il entendu ? Moins de vingt-quatre heures après cette interview, le FLNC menaçait de reprendre les armes. Réplique immédiate du ministre : "Nous ne nous laisserons jamais impressionner par les menaces. Il n'y aura pas la moindre négociation sous le diktat des menaces et des bombes."

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