Choléra à Mayotte : on vous explique où en est l'épidémie qui a fait un premier mort
L'épidémie de choléra a fait sa première victime à Mayotte. Un enfant de 3 ans est mort mercredi 8 mai, ont annoncé la préfecture et l'Agence régionale de santé (ARS) dans un communiqué. Ce cas mortel est intervenu à la veille de la visite du ministre de la Santé Frédéric Valletoux. Les premiers cas de cette maladie ont été recensés mi-mars sur l'île, chez des personnes revenant des Comores voisines, où l'épidémie flambe avec 98 décès, selon le dernier bilan officiel. Voici ce que l'on sait de la situation sanitaire dans le 101e département français.
Un enfant de 3 ans est mort mercredi
Il s'agit du premier décès enregistré sur le territoire depuis la détection d'un premier cas, le 19 mars. L'enfant habitait dans le quartier de Koungou, où "plusieurs cas de choléra avaient été identifiés ces dernières semaines", explique le communiqué des autorités locales, et où l'ARS avait déployé un centre de dépistage et des unités mobiles de vaccination. "Les équipes d'intervention se sont rendues sur place pour procéder au traitement de l'entourage de l'enfant", précisent-elles.
Au micro de France Inter, la députée Liot de la première circonscription de Mayotte, Estelle Youssouffa, a déclaré mercredi qu'il est "tragique de se dire qu'un enfant est mort du choléra dans un bidonville dans un département français en 2024. Ce qui est encore plus grave, c'est qu'on l'a vu venir", déplore-t-elle. "On est toujours face à des autorités qui sont avec un temps de retard, qui minimisent", regrette l'élue. Elle a rappelé la situation sur place : "On a toujours des coupures d'eau" et "un seul hôpital avec cinq urgentistes". Un constat qui met "toute la population en danger", selon elle.
Le choléra est une maladie provoquée par l'absorption d'aliments ou d'eau contaminés par une bactérie. Les trois quarts des personnes infectées n'expriment aucun symptôme. Mais quand elle se manifeste, la maladie peut être redoutable pour 10 à 20% des cas, avec des diarrhées sévères et des vomissements qui provoquent une déshydratation accélérée. En l'absence de traitement (sels de réhydratation et antibiotiques), le choléra est l'une des maladies infectieuses les plus rapidement fatales : la mort peut survenir en un à trois jours.
Au moins 58 cas ont été répertoriés sur l'île depuis mi-avril
A ce stade, 58 cas ont été identifiés sur l'île, selon un bulletin d'information de l'ARS établi lundi, avant l'annonce de la mort de l'enfant. Ils n'étaient que 10 répertoriés le 15 avril, après un premier cas détecté le 19 mars. Cette flambée intervient alors qu'une importante épidémie est en cours dans l'archipel voisin des Comores, où l'on comptabilise 98 décès et plus de 4 900 cas depuis le début de l'année.
Si au départ, les cas mahorais étaient ceux de personnes revenant des Comores, désormais, les autorités sanitaires font désormais état de cas "autochtones", c'est-à-dire diagnostiqués chez des patients n'ayant pas quitté Mayotte. La situation sanitaire de l'île inquiète : le ministre de la Santé Frédéric Valletoux s'y rend jeudi et vendredi, une visite prévue depuis plusieurs jours.
Dans l'Hexagone, le choléra est devenu une maladie rare, essentiellement rapportée par des voyageurs de retour de pays ou de zones infectés. On compte en moyenne zéro à deux cas par an depuis le début des années 2000, selon le ministère de la Santé. Mais, effet du changement climatique et de la multiplication des conflits, le nombre de cas rapportés – une partie seulement des cas avérés – explose actuellement dans le monde, souligne l'OMS. Ils ont plus que doublé entre 2021 et 2022 pour atteindre 473 000, puis ont encore grimpé à plus de 700 000 en 2023.
Les problèmes sanitaires à Mayotte sont mis en lumière par l'épidémie
Un protocole, élaboré en février par l'ARS pour éviter la propagation de la maladie, prévoit la désinfection du foyer du malade, l'identification et le traitement des cas contacts et une vaccination "en anneaux", c'est-à-dire en élargissant progressivement la zone concernée autour de l'habitation du patient atteint de choléra. Plus de 4 000 personnes "contacts" ont été vaccinées à ce jour, selon l'ARS. Mais des élus plaident pour que la campagne de vaccination soit plus massive. Problème : les stocks de vaccins sont limités, et ce partout dans le monde, conduisant les autorités sanitaires à réduire le nombre de doses administrées. En février, l'ARS de Mayotte ne disposait que de 1 800 doses.
La députée Estelle Youssouffa a évoqué mercredi sur le réseau social X une "urgence". "Je demande à Gabriel Attal une vaccination massive et des pastilles pour désinfecter l'eau ainsi que du gel hydroalcoolique, une distribution d'eau en bouteille". La parlementaire demande par ailleurs la "fermeture de la frontière en mer pour empêcher l'entrée de malades clandestins des Comores". Mansour Kamardine, député LR de Mayotte, a lui aussi réclamé fin avril "un plan de vaccination générale (vaccination volontaire) accessible à tous, notamment aux enfants et aux personnes fragiles".
Si deux cellules de prise en charge des cas de choléra ont été mises en place dans des centres médicaux à Mamoudzou et Dzoumogné, les effectifs habituels ne permettent pas de faire face à l'afflux de patients. Pour pallier cette pénurie de soignants, une vingtaine de personnes, issues de la réserve sanitaire, sont arrivées de l'Hexagone le 2 mai, en renfort, avait appris franceinfo auprès de l'ARS. Enfin, l'inaction de l'Etat à Mayotte concernant l'accès à l'eau potable est dénoncée par certains, comme l'épidémiologiste Antoine Flahault. Sur l'île, un tiers des habitants n'a pas accès à l'eau potable.
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