Mélenchon vu par quatre jeunes non-encartés du Blanc-Mesnil
Le candidat du Front de gauche séduit de plus en plus de jeunes, selon les observateurs. FTVi a cherché à savoir ce qui les attire et a suivi son meeting en Seine-Saint-Denis avec quatre d'entre eux jeudi.
20 heures, jeudi 9 février. Le gymnase Auguste-Delaune au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) se remplit. Les éclairages se tamisent. Devant la scène, quatre jeunes sourient mais ont l'air un peu perdus. "Je suis venu parce que j'habite juste derrière et qu'on m'a dit qu'il y avait Mélenchon ce soir", explique l'un d'entre eux. "Ouais, pour voir ce qu'il propose", renchérit son voisin. Tous vont voter pour la première fois à une élection présidentielle. Ils savent qu'ils vont choisir la gauche, "c'est sûr", mais n'ont pas encore arrêté leur choix.
Entre textos et révolution
Ils n'ont "que la carte du PSG" et ne sont "pas très branchés politique". Mais quand ils aperçoivent le candidat du Front de gauche à la présidentielle arriver par un côté du gymnase, ils se précipitent. "Il m'a souri", "il a une bonne tête", rigole Simon, 20 ans, infographiste à la recherche d'un emploi depuis six mois.
D'emblée, Jean-Luc Mélenchon s'adresse à eux, "ceux qui viennent pour la première fois dans une réunion de gauche, qui ne connaissent pas nos discours". Et explique : "Nous sommes les résistants, (...) nous tenons tête aux puissants, nous sommes le rouge du drapeau." Une tirade qui n'inspire pas vraiment ses jeunes spectateurs. Ils avaient été plus réceptifs au "nous allons mettre la bande du Fouquet's dehors" de Marie-George Buffet en introduction.
Sami et Yanis envoient des textos à tout-va, mais écoutent quand même. Ils lèvent la tête quand Jean-Luc Mélenchon parle Front national, immigration et islamophobie. "Là il a raison", souligne Sami, de mère algérienne et de père italien."Moi, je suis musulman mais l'islam, ça n'a rien à voir avec la politique, mais rien à voir." "Il ne faut pas remettre la crise sur le dos de l'immigré parce qu'il n'a pas de porte-parole", renchérit Jugurtha, 21 ans, intérimaire dans l'évènementiel.
Les ouvriers oui, "mais il n'y a pas qu'eux"
Quand Jean-Luc Mélenchon s'adresse aux ouvriers, "au peuple industrieux des banlieues", et déroule son "discours de classe", Simon, K-way kaki sur un polo rayé noir et blanc, grimace : "Il réduit les banlieues aux ouvriers et ça ...", il apprécie moyennement signifie-t-il en faisant un geste approximatif des mains. Le jeune homme comprend que le candidat du Front de gauche vise cet électorat dans lequel il ne se reconnaît pas. "C'est la masse, mais, c'est pas juste, il n'y a pas qu'eux."
Sami, conseiller accueil à la BNP, prend le mot "ouvrier" au sens large : "Il s'adresse aux personnes entre le point de rupture et le bien-être", explique-t-il. Et avec ses 1 200 euros net par mois, il s'inclut dedans. Il ne veut pas se plaindre mais pense surtout à sa mère "qui bosse depuis 20 ans et gagne 150 euros de plus que [lui] par mois. C'est inadmissible, lamentable !"
Traité européen, convocation d'une assemblée constituante, parité, ces sujets ne les accrochent pas. Par groupe de deux, ils vont même fumer une cigarette ou chercher un verre d'alcool. En revanche, quand Jean-Luc Mélenchon lance : "On fait le bon pouvoir d'achat pour faire la bonne consommation pour faire la bonne économie", Jugurtha se retourne : "Ça, ça me plaît", "parce que c'est logique". Mais quand Simon entend : "Voilà pourquoi, quand on augmente le smic, c'est écologique", il reste circonspect. "J'ai du mal à voir la différence majeure avec Eva Joly, dit-il. Il propose les mêmes choses en gueulant plus fort."
Sensibles aux phrases d'accroche
Ce côté "grande gueule" du candidat du Front de gauche leur plaît. "Il est génial", répète à plusieurs reprises Jugurtha. Notamment quand Jean-Luc Mélenchon s'adresse aux "puissants" et stigmatise "messieurs les têtes d'œufs", des "Dalton où c'est toujours le plus petit le plus méchant" ou encore invite Sarkozy "à venir débattre", tout en mimant un "approche" avec ses mains.
"Pour la France, il faut quelqu'un qui ait un charisme", estime Sami qui assène : "Hollande, j'ai l'impression que c'est un pantin, il sert à rien, alors que Mélenchon, ça va". "Je l'ai vu sur plusieurs plateaux télé et il en a", renchérit Yanis 20 ans, chargé d'études chez GRDF, pas déçu d'avoir vu le candidat en vrai.
"C'est de l'enfer des pauvres que naît le paradis des riches"
Qu'est-ce qui a retenu leur attention au sortir de la réunion publique ? "L'école délaissée" pour Sami ; "l'exemple de l'infirmière qui a fait cinq ans d'études et à qui Pôle emploi propose un emploi à 5 euros de l'heure dans une boulangerie" pour Simon. La citation de Victor Hugo "c'est de l'enfer des pauvres que naît le paradis des riches" a bien plu aussi, comme "à mort la précarité", qui les a tous fait avancer d'un pas vers l'estrade, comme fascinés.
Quand retentissent La Marseillaise puis L'Internationale, Sami et Yanis sont déjà partis depuis vingt bonnes minutes "parce qu'ils travaillent très tôt demain". Jugurtha est conquis, il est "sûr qu'il votera pour lui". Simon hésite : "Par conviction", il voterait bien "Eva Joly", mais "parce qu'il a plus de chance de passer", son "vote utile, c'est Mélenchon". Du coup, il a soigneusement noté le rendez-vous de rassemblement du Front de gauche le 18 mars à la Bastille.
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