Nicolas Sarkozy a annoncé lundi qu'un texte de loi sera déposé par le gouvernement au Parlement "début septembre"
Il s'est dit favorable à un dialogue "tout le temps nécessaire", excluant de "passer en force" sur ce dossier.
Une des pistes favorisées par le gouvernement: le recul de l'âge légal de départ à la retraite, soutenu par la N.1 du Medef Laurence Parisot, sur France 2 lundi, mais rejeté par les syndicats qui appellent à une journée d'action le 23 mars.
Lundi, le président de la République n'a rien dit sur le fond du dossier et a fait le lien entre le calendrier annoncé et la remise des travaux du Cor (conseil d'orientation des retraites), prévu en avril. "Je veux un débat approfondi, qui ne s'enlise pas, qui ne s'éternise pas, mais qui prendra le temps qu'il faut. Il n'est pas question de passer en force", a insisté Nicolas Sarkozy, excluant une adoption "par le Parlement en juillet", au coeur de l'été, comme le craignent les syndicats.
Hostile à toute hausse des prélèvements obligatoires, Nicolas Sarkozy a laissé entendre jusqu'à présent qu'il n'était pas favorable à une baisse des pensions. Ce qui ne laisserait alors que deux curseurs pour agir : la durée de cotisation pour bénéficier d'une pension à taux plein, actuellement fixée à 41 ans, et l'âge légal de départ à la retraite (60 ans).
Les syndicats appellent à une journée d'action
A l'issue du sommet social de l'Elysée, cinq syndicats ont décidé lundi soir d'organiser une journée d'action interprofessionnelle le 23 mars, avec "des grèves et manifestations", un mot d'ordre auquel FO ne s'est pas associé.
Ces cinq organisations - CGT, CFDT, FSU, Solidaires (dont les syndicats Sud) et Unsa - appellent ce jour là à "une mobilisation interprofessionnelle unitaire" avec "des grèves et des manifestations dans tout le pays". Cette journée portera sur la défense de l'emploi, du pouvoir d'achat, des retraites et des services publics. FO n'a pas signé ce texte car "il n'évoque pas explicitement les retraites, ce qui est démobilisateur", a expliqué son représentant René Valladon. Force Ouvrière "est pour la clarté, les retraites sont une question fondamentale et il ne faut pas commencer sur des bases ambiguës comme en 2003", lors de la dernière réforme des retraites, lorsque les syndicats, au départ unis, s'étaient ensuite divisés.
La position du patronat
La présidente du Medef, Laurence Parisot, estime que le problème des retraites "est bien connu mais n'a jamais été pleinement traité". Elle demande que la réforme ne soit "pas un bricolage" car il s'agit "de retrouver enfin confiance en l'avenir".
Parmi les pistes, Laurence Parisot est persuadée qu'"il faut changer l'âge légal de départ à la retraite"."Nous avons été les premiers à le dire et cette idée a irrigué le départ politique", se félicite la patronne des patrons. A ses yeux, ce relèvement "entraînera une hausse du taux d'activité des seniors". Elle répète être "pour le maintien du régime par répartition mais complété par un système de retraite par capitalisation".
Par ailleurs, elle est d'accord pour parler de la pénibilité, en étant "d'accord pour tenir compte des situations les plus pénibles, à condition de les évaluer sur des critères individuels et objectifs".
En revanche, l'idée avancée par les syndicats de taxer les profits des entreprises pour financer le système de retraites "est une illusion", a-elle estimé redit lundi matin sur France 2 à deux heures de l'ouverture du sommet. "Dans les 10, 20 prochaines années, les besoins de financement du système de retraite se chiffrent en centaines de milliards d'euros (...) On pourra bien taxer les profits : on va tuer les entreprises et on n'aura même pas assez d'argent pour financier les retraites donc c'est une vue de l'esprit."
L'avis des Français
Seulement un Français sur cinq (21%) fait confiance au gouvernement pour sauvegarder le système des retraites, selon une enquête réalisée par OpinionWay et publiée lundi dans Métro.
A la question de savoir à qui ils font "le plus confiance pour sauvegarder le système des retraites", seulement 21% des Français répondent "le gouvernement", 45% "les salariés eux-mêmes", 24% "les syndicats de salariés" et 14% "l'opposition de gauche". 19% répondent "aucun" de ces acteurs, précise l'étude.
Selon un autre sondage BVA pour La Matinale de Canal Plus, près de la moitié des personnes interrogées, soit 48%, pensent qu'elles partiront à la retraite entre 60 et 64 ans, 40% au-delà de 65 ans et seulement 11% avant 60 ans. La moyenne pronostiquée s'établit à 62 ans.
La question des chômeurs en fin de droits
Nicolas Sarkozy a renvoyé lundi la question des chômeurs en fin de droits à une nouvelle concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux gérant l'assurance chômage, notamment pour examiner "toutes les solutions possibles" et en évoquant "un financement commun". Il a donné son accord à un "financement partagé" de nouvelles mesures spécifiques" entre Etat et Unedic. Il en a exclu toute "allocation d'assistance de plus" et donné sa préférence à une "formation rémunérée".
Patronat et syndicats ont échoué pour l'instant à se mettre d'accord sur des propositions communes alors qu'il y a urgence. Selon des données de Pôle emploi, le nombre de chômeurs arrivant au bout de leur indemnisation chômage atteindrait un million en 2010, dont environ 400.000 qui se retrouveront sans aucun revenu.
Négociation sur la pénibilité et maintien exceptionnel de l'AER
En marge de la négociation sur les retraites, le président de la République a annoncé "une négociation sur le thème de la pénibilité". "Les réformes vont continuer parce que la France en a besoin", a déclaré le chef de l'Etat après le sommet social à l'Elysée.
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy "a donné son accord de principe pour reconduire exceptionnellement l'allocation équivalent retraite (AER)" cette année, a annoncé lundi à l'AFP le secrétaire d'Etat à l'Emploi Laurent Wauquiez, rappelant que c'était une demande de plusieurs syndicats, CFTC, FO entre autres. L'AER est versée aux seniors au chômage qui ne peuvent pas partir en retraite malgré tous leurs trimestres de cotisation, parce qu'ils n'ont pas encore 60 ans. 25 à 30.000 personnes sont concernées.
Destinée à des chômeurs ayant suffisamment cotisé pour une retraite à taux plein mais ne pouvant pas la liquider faute d'avoir 60 ans, cette allocation s'élève à 32,69 euros par jour, soit 980,70 euros pour un mois de 30 jours. Supprimée par le gouvernement début 2009, cette allocation avait été rétablie temporairement en "réponse à la crise" jusqu'à fin 2009.
Le président a également demandé aux partenaires sociaux de "démarrer le plus tôt possible" des négociations sur le partage de la valeur dans l'entreprise.
Réactions politiques
- Pour Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, le débat engagé sur les retraites "constitue une esoquerie absolue" car "il n'y est fait aucune référence au chômage et aux modes de financement" des régimes de retraites".
"Contrairement à la droite, nous préconisons une approche globale qui passe par une remise en cause de notre modèle de développement et une contestation radicale d'un système qui produit des chômeurs", a encore dit Mme Duflot à l'issue d'une rencontre avec les syndicats du groupe sidérurgique ArcelorMittal.
- Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) a estimé lui que la date de "début avril" pour le début des discussions sur les retraites était "le signe" que Nicolas Sarkozy "battait en retraite" à un mois des régionales.
- Marie-Georges Buffet, secrétaire nationale du PCF : "La droite a annoncé la couleur, elle cherche à présenter la facture aux seuls salariés en épargnant le patronat. Face à cette offensive, le PS a engagé un pas de deux préoccupant qui n'augure rien de bon pour le mouvement social. Sortons du travailler plus ou du moins de pension ! Il existe d'autres solutions.
Dans un communiqué, le PCF propose de faire cotiser les entreprises en taxant les revenus financiers des entreprises en fonction de leur politique en matière d'emploi et d'investissement. Même modérément, cette cotisation est susceptible de financer les 70 ou 100 milliards d'euros manquants".
- Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche (PRG) : "Les radicaux de gauche veulent croire les engagements du président de la République de prendre le temps qu'il faudra et de mener une vraie concertation sur la question des retraites". "Le sujet est un enjeu national et s'il n'y a pas de solutions miracles, la gauche ne pourra pas accepter pour autant que ce soit seulement aux salariés de porter tout le poids de la réforme" (communiqué).
- Jean-Marie Le Guen (PS/président du conseil d'administration de l'AP-HP) : "Le parti socialiste doit peser sur le cours des négociation et ne pas laisser au gouvernement le monopole des solutions. Le premier recul de Nicolas Sarkozy qui exclut désormais de légiférer cet été doit inciter la gauche à passer à l'offensive.
Le financement des retraites est une question incontournable qui ne doit pas entraîner le déclin de notre modèle social mais au contraire sa refondation".
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