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Parti socialiste : la rocambolesque succession de Martine Aubry

Après trois mois de tractations, coups de bluff et marchandage, c'est Harlem Désir qui a été proposé par le duo Aubry-Ayrault pour la tête du parti. Retour sur une interminable bataille interne.  

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
(De G à D) Jean-Christophe Cambadélis, Martine Aubry, Jean-Marc Ayrault et Harlem Désir, lors de la clôture de l'université d'été du PS à La Rochelle (Charente-Maritime) le 26 août 2012. (NOSSANT / DUPUY / SIPA)

POLITIQUE - "Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup !" Martine Aubry aurait aussi bien pu appliquer cette citation désormais célèbre de sa grand-mère à l'organisation de sa succession, largement dominée par les tractations internes, et inaccessible à qui n'est pas tombé dedans quand il était petit, ou n'est pas un camarade capable d'appeler les élus par leurs prénoms. 

La direction du Parti socialiste a finalement annoncé, mercredi 12 septembre, le choix d'Harlem Désir, actuel numéro 2 du parti, comme premier signataire de la motion présentée conjointement par Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault. FTVi revient sur les trois étapes déterminantes de ce psychodrame interne étouffé dont l'issue vient d'être annoncée.

1Martine hésite

Elle s'est débrouillée pour avoir la main, Martine. Quitte à ne plus savoir quoi en faire. Elle a bien réussi la constitution d'une contribution ultra-majoritaire avec Jean-Marc Ayrault en co-signataire, et n'a pas hésité à demander le soutien exclusif des membres du gouvernement. Oui mais. La première secrétaire veut être sûre de partir par la grande porte sur la forme, et que son action de rénovation du parti soit poursuivie sur le fond.

Bref, elle attend "que les conditions de (sa) succession soient réunies". Elle le dit à demi-mot le 18 juillet, et un peu plus clairement le 17 août. Depuis le fiasco du congrès de Reims en 2008, la règle est claire, les contributions s'allient en motions, les militants votent pour l'une d'entre elles, le premier signataire de la motion élue devient premier secrétaire. Reste à trouver le premier signataire en question.

2Harlem et Jean-Christophe se débattent

Il est dans les starting-blocks. Numéro 2 du PS depuis 2008, Harlem Désir l'a toujours dit, si Martine Aubry ne se représente pas, il est candidat. Il le répète à qui veut l'entendre, souligne son expérience du poste, dont il a assuré l'intérim quelques mois, entre juin 2011 et la fin des primaires citoyennes en octobre de la même année. En embuscade, on trouve Jean-Christophe Cambadélis, pilier du parti et interlocuteur des alliés de la gauche plurielle du gouvernement Jospin. Fin stratège, il mène "une campagne de bouton de veste", rencontrant militants et responsables en petits comités. 

A La Rochelle, le grand raout qui marque la rentrée socialiste, ces deux-là ne lâchent pas Martine Aubry d'une semelle. Chacun se dit "serein", jure qu'il sera plus aubryste que Martine. Tour à tour, ces deux nouveaux chantres de la rénovation, défenseurs du non-cumul des mandats, se chipent la place de favori. Alors que le député de Paris Cambadélis semble tenir la corde et obtient le soutien de Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, l'eurodéputé Harlem Désir engrange celui de nombreux ministres et proches de Hollande. Et de savourer un sondage Ifop-Paris Match dans lequel il apparaît comme le candidat préféré de 72% des sympathisants PS interrogés. 

3Le fantôme d'un troisième homme s'incruste

Les esprits commencent à s'échauffer. Il y a ceux qui craignent un processus "à la nord-coréenne". Et Harlem Désir qui en profite pour demander un vote "libre et ouvert" des militants. Niet. Gaëtan Gorce, sénateur et candidat potentiel, regrette sur son blog : "Qu'attendre d'un favori qui ne pourra s'appuyer que sur les ambiguïtés d'un accord au sommet ?"

"Ce qu'elle voudrait vraiment, c'est Guillaume Bachelay premier secrétaire", décrypte un parlementaire pour Libération. Le jeune député de Seine-Maritime a été sa plume durant la primaire avant de rejoindre l'équipe Hollande. Mais il est l'auteur de "la gauche molle", trop difficile à avaler pour l'Elysée, qui estime que cela ferait désordre.

Du coup, "elle cherche dans quel tandem Bachelay, qui pourrait être le futur numéro 2, passe le mieux", poursuit l'élu dans le quotidien. "Lundi, tard dans la nuit, les tensions étaient telles que, selon nos informations, l'hypothèse d'un troisième homme ou d'une troisième femme est même revenue pour tenter de débloquer la situation", raconte de son côté le journaliste du Monde envoyé sur le front de Solférino.

L'enjeu réside en fait dans la répartition des postes au conseil national et au bureau national. Chaque sous-courant veut ses représentants et négocie ardemment. Tant et si bien que le bureau national censé dévoiler le nom du dauphin mardi soir est tout bonnement annulé.Mercredi 12 septembre, c'est finalement à l'issue d'un conseil à huis clos que Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault annoncent soutenir Harlem Désir pour la tête du parti. 

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