Patrice de Maistre dit avoir reçu Florence Woerth à la demande de son mari, qui était alors ministre du Budget
Le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, l'avocat fiscaliste Fabrice Goguel, le photographe François-Marie Banier et Carlos Vejarano, gérant de l'île d'Arros ont été libérés vendredi à l'issue de 36 heures de garde à vue.
L'audition de Patrice de Maistre a confirmé un possible conflit d'intérêts.
Le parquet de Nanterre, dirigé par Philippe Courroye et soumis à un lien hiérarchique avec la Chancellerie, a choisi à ce stade de ne pas déferrer les quatre hommes, comme il en avait la possibilité, en vue de l'ouverture d'une information judiciaire confiée à un juge d'instruction.
Les quatre proches de Liliane Bettencourt ont été entendus par les policiers dans le cadre d'une enquête préliminaire sur le contenu des écoutes clandestines réalisées chez elle entre mai 2009 et mai 2010.
Ces enregistrements suggèrent notamment des opérations de fraude fiscale, ainsi qu'un possible conflit d'intérêt lié aux fonctions de Florence Woerth au sein du "family office" chargé de faire fructifier la fortune de Mme Bettencourt.
Le nom d'Eric Woerth de nouveau cité par Patrice de Maistre
Au cours de sa garde à vue, Patrice de Maistre a reconnu qu'Eric Woerth, qui était alors à la fois ministre du Budget et trésorier de l'UMP, lui avait "demandé de recevoir sa femme".
Il s'agissait de "la conseiller sur sa carrière alors, me disait-il, qu'elle n'était pas entièrement satisfaite", selon un extrait de procès verbal d'audition publié samedi par .
MM.Woerth et de Maistre se seraient rencontrés "deux ou trois fois" début 2007 avant que la société Clymène de M.de Maistre embauche en novembre de la même année Florence Woerth en CDI. Elle y était rémunérée 140.000 euros annuels, plus une prime de 60.000 euros et une voiture de fonction. Elle a démissionné de son poste en juin lorsque l'affaire a éclaté.
M.Woerth avait pourtant assuré le 21 juin ne pas être intervenu pour faire embaucher son épouse.
Durant ses récentes perquisitions dans les sociétés de M.de Maistre, la police a saisi en outre un curriculum vitae de Mme Woerth avec une mention sibylline en bas de page: "rémunération environ 200.000 euros (...) je suis obligé d'en parler à LB vu le mari 120.000 euros", indique Le Monde.fr
Dans les enregistrements clandestins, Patrice de Maistre expliquait le 23 avril à Mme Bettencourt qu'il avait engagé Mme Woerth pour "faire plaisir" à M.Woerth. "J'avoue que quand je l'ai fait, son mari était ministre des Finances (en réalité du Budget, ndlr)", ajoutait-il.
"Il n'y a pas d'affaire Woerth", rétorque son avocat
L'embauche en 2007 de Florence Woerth par le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt ne "résultait pas d'une pression" du ministre, a assuré samedi l'avocat d'Eric Woerth Me Jean-Yves Leborgne.
"Je constate que M. de Maistre était en 2007 à la recherche d'un candidat, qu'il avait même engagé un chasseur de têtes et que Mme Woerth, ancienne de HEC alors employée dans une grande banque, avait le profil", a fait valoir l'avocat.
"On ne parvient pas à abandonner cet état d'esprit de scandale", a déploré Me Leborgne, pour qui "il n'y a pas d'affaire Woerth".
Me Leborgne se dit par ailleurs défavorable à l'ouverture d'une information, confiée à un juge d'instruction indépendant du pouvoir politique, du fait des durées "souvent très longues des instructions".
Banier "ne veut pas" de l'île des Seychelles
Les policiers ont également demandé des explications aux quatre gardés à vue concernant un blanchiment présumé de fraude fiscale, via l'île d'Arros (Seychelles), non déclarée au fisc, et deux comptes en Suisse détenus par Mme Bettencourt.
Evaluée à 500 millions d'euros, cette île, actuellement détenue par une fondation basée au Liechtenstein, deviendrait la propriété de François-Marie Banier après le décès de Mme Bettencourt, a expliqué Me Goguel aux policiers. Mais le photographe aurait assuré aux enquêteurs, selon Le Parisien, ne pas vouloir de l'îlot "à cause des moustiques et des requins".
Ce dernier fait l'objet d'un procès distinct engagé par la fille de Liliane Bettencourt, Françoise Meyers, pour "abus de faiblesse", en raison de dons d'un milliard d'euros qu'il a reçus de la milliardaire entre 2002 et 2007.
Tensions au palais de justice de Nanterre
Plusieurs voix s'étaient élevées ces derniers jours pour réclamer que la conduite de l'enquête soit confiée à un juge d'instruction indépendant du pouvoir politique et non plus au parquet, soumis à un lien hiérarchique avec la Chancellerie.
La mainmise du parquet sur ces enquêtes ne contribue pas en outre à apaiser le climat au palais de justice de Nanterre, dégradé par les tensions qui règnent entre le procureur Courroye et la juge Isabelle Prévost-Desprez, en charge d'un supplément d'information sur les soupçons d'abus de faiblesse.
Le parquet de Nanterre aurait ainsi refusé vendredi de fournir à la juge la retranscription des enregistrements pirates, selon Médiapart.
15.000 signatures pour une instruction confiée à des juges indépendants
Un appel pour une "justice indépendante et impartiale dans les affaiers Bettencour", lancé le 14 juillet sur le site Mediapart, avait recueilli dimanche plus de 15.000 signatures.
Parmi les cinquante premiers signataires figurent les députés Arnaud ontebourg, Noël Mammère, Yves Cochet et l'ancienne Garde des Sceaux Elisabeth Guigou. Des magistrats comme Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM), des avocats comme William Bourdon et des professeurs comme Evelyne Pisier (Paris I) ont également signé l'appel.
Après avoir observé que "le procureur de la République de Nanterre comme le procureur général de Versailles, du fait de leur lien direct et statutaire avec le pouvoir exécutif, ne peuvent présenter aucune garantie d'impartialité" et que la procédure d'enquête préliminaire est secrète et non contradictoire" les signataires réclament l'ouverture d'une instruction "confiée à un collège de juges indépendants respectant les règles du procès équitable".
Le journal Marianne révèle que l'ex-comptable de la milliardaire aurait effectué un retrait de 100.000 euros fin 2006
L'avocat de l'ancienne comptable, Me Antoine Gillot, a confirmé à l'AFP l'existence de ce retrait, effectué à partir d'un chèque de la banque Dexia, tout en précisant ne pas connaître son affectation.
La somme a été remise "en mains propres" à Mme Bettencourt par son ex-employée selon Marianne. L'hebdomadaire à paraître samedi publie la copie de ce chèque de banque de 100.000 euros libellé à l'ordre de Mme Bettencourt et le fac-similé d'une autorisation délivrée par la milliardaire à sa comptable afin qu'elle retire cet argent.
A la différence des différents retraits que Mme Thibout a assuré avoir effectué à la BNP Paribas, durant plusieurs années, pour le compte de l'héritière de L'Oréal, cette sortie d'argent n'a pas été consignée dans les carnets de caisse dans lesquels la comptable notait ses mouvements financiers, précise l'hebdomadaire.
"A qui ces 100.000 euros étaient-ils destinés, à quatre mois seulement du premier tour de l'élection présidentielle ? Pourquoi cette somme ne figure-t-elle pas dans les carnets de Mme Bettencourt , contrairement à tous les autres retraits en liquide effectués au guichet de la BNP ?", s'interroge ainsi Marianne.
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