Polémique autour d'un viticulteur bio poursuivi pour avoir refusé de traiter ses ceps
Emmanuel Giboulot doit comparaître lundi devant le tribunal de Dijon pour avoir refusé de traiter ses ceps contre une grave maladie, la flavescence dorée.
Un vigneron de Côte-d'Or doit comparaître lundi devant le tribunal de Dijon pour avoir refusé de traiter ses ceps contre une grave maladie, la flavescence dorée. Vendredi 21 février, cette affaire divise militants écologistes et profession viticole.
Francetv info revient sur cette affaire en cinq actes.
Acte 1 : le préfet de la Beaune impose un traitement
Après la découverte de foyers de la maladie près de Beaune, le préfet a imposé en juin 2013 de traiter tous les vignobles du département contre la cicadelle, l'insecte qui répand la flavescence dorée. "Cette campagne avait un but préventif car cette maladie de la vigne avait été détectée depuis quelques années dans le département voisin de Saône-et-Loire", précise France 3 Bourgogne. Selon la préfecture de Bourgogne, "une seule parcelle de 0,20 hectare a été fortement touchée" par la flavescence dorée en 2013 et devait être arrachée. En 2012, la maladie de la vigne avait ravagé 11,3 hectares.
Viticulteur en biodynamie qui exploite dix hectares en Côte de Beaune et Haute-Côte de Nuits, Emmanuel Giboulot refuse. Même à la pyréthrine, un pesticide naturel. Il estime que tous les traitements vont à l'encontre des "équilibres biologiques", principe fondamental de la biodynamie qu'il applique depuis les années 1970.
Acte 2 : le vigneron est convoqué devant la justice
Après un contrôle en juillet de la Direction régionale de l'agriculture, Emmanuel Giboulot est finalement convoqué devant la justice. Il encourt six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Et pour cause : "Pour que le traitement soit efficace, il faut que les vignes aient été traitées par tous", fait valoir le chef du Service régional de l'alimentation, Olivier Lapôtre.
Ce dernier rappelle que la flavescence dorée est "une maladie mortelle et très contagieuse." "C'est pour cette raison que ces mesures sont obligatoires. (...) Nos craintes étaient fondées, puisque des cas ont été trouvés à quelques kilomètres de Beaune", souligne-t-il.
"Presque tout le vignoble français est touché, hormis le Jura, la Champagne et l'Alsace", précise pour sa part Denis Thiéry, directeur de recherches à l'Institut national de recherche agronomique de Bordeaux, cité par l'AFP. Ne pas respecter le plan de lutte, "c'est comme refuser de se vacciner quand c'est obligatoire", plaide-t-il.
Acte 3 : le vigneron se défend
Pour Benoist Busson, l'avocat du vigneron, le préfet n'est pas compétent pour agir, "seul le ministre" l'étant, en l'absence d'urgence motivée dans son arrêté. L'avocat estime donc que le préfet a fait du zèle.
Il rappelle qu'en 2003, le ministère avait déjà pris un arrêté contre la flavescence dorée : ce texte limitait géographiquement l'action à mener en cas de maladie. Revu récemment, il précise que lorsqu'un cep est contaminé sur une parcelle, le périmètre de lutte inclut la commune où elle se trouve et éventuellement ses voisines, "mais pas tout le département".
"Je n'ai jamais dit qu'il ne fallait rien faire concernant la flavescence dorée", assure le vigneron, cité vendredi par France 3 Bourgogne. "Mais il faut raison garder. On ne va pas sortir la bombe nucléaire parce qu'on a trouvé trois cicadelles dans le vignoble."
Acte 4 : les écologistes se mobilisent
Côté politique, les écologistes font valoir, "la liberté de choix", selon le terme employé par Sandrine Bélier, députée européenne Europe Ecologie-Les Verts du Grand Est. Aux cotés du NPA, de Greenpeace ou encore d'Attac, le parti écologiste fait en effet partie d'un comité de soutien qui réclame l'arrêt des poursuites judiciaires envers tous les viticulteurs "engagés dans une procédure alternative".
Un rassemblement est prévu lundi devant le tribunal et des pétitions de soutien circulent sur internet, notamment sur Facebook : elle a déjà recueilli des dizaines de milliers de signatures.
Acte 5 : les producteurs montent au créneau
Vendredi, le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) réagit. Il dénonce des "contre-vérités" véhiculées autour du cas, isolé, d'Emmanuel Giboulot, dont il refuse de faire un martyre du bio. "Il n'est pas l'unique défenseur de la nature en Bourgogne", argumente l'organisme. "Dire qu'il suffit de mettre des pièges orange et un peu d'argile [pour lutter contre ses maladies], ce n'est pas vrai", affirme Pascal Lambert, directeur du Service d'écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne.
"Si l'on constate, par une analyse fine comme nous l'avons fait, qu'il n'y pas d'autres choix, il faut traiter", défend-il, faisant référence à une vidéo lancée par l'Institut pour la protection de la santé naturelle, association basée à Bruxelles, qui promeut des "solutions alternatives" pour lutter contre la flavescence dorée et la cicadelle.
"Non, la Bourgogne ne pollue pas" en traitant ses vignes, insiste pour sa part Claude Chevalier, président du BIVB. Quelle que soit l'issue de la polémique, il estime de toute façon que cela "n'est pas bon" pour la filière.
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