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Que deviennent les papiers d'identité volés ?

Ils peuvent servir à usurper votre identité. C'est déjà arrivé à 8% Français, selon un sondage. 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Chaque année des centaines de milliers de documents officiels disparaissent. Les pièces d'identité s'échangent parfois très cher sur le marché noir. (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

SOCIETE - Le syndrome de la poche vide. En un clin d'œil, ou après un gros sommeil dans les transports, vous réalisez que vous n'avez plus vos papiers. Débute alors une longue procédure administrative pour les récupérer. Mais pendant ce temps, que deviennent vos passeports et cartes d'identité volés ? 

Ils pourraient bien servir à usurper votre identité, à en croire un sondage CSA (pdf) publié mercredi 10 octobre. Selon cette étude, 8% des Français âgés de plus de 15 ans disent avoir été victimes d'un fraudeur lors des dix dernières années. FTVi revient sur ce commerce juteux. 

Quelle est l'ampleur de l'usurpation d'identité ?

Difficile à dire, car on assiste à une véritable bataille de chiffres entre les institutions. Selon le CSA, le nombre de ces usurpations d'identité a augmenté ces dernières années puisque 8% des Français de plus de 15 ans affirment en avoir été victimes depuis 2002, soit plusieurs millions de citoyens. Ils n'étaient que 4,2% en 2009, quasiment deux fois moins. Mais les parlementaires, qui se sont déjà penchés sur la question évoquent un chiffre moins important de 80 000 usurpations chaque année, obtenu à partir du "fichier automatisé des empreintes digitales". Quant à l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP), il adopte, lui, un chiffre beaucoup plus faible, avec 14 193  "fraudes documentaires et à l'identité" en 2011. Cependant, ce dernier ne recense que les personnes qui ont porté plainte, qui sont minoritaires.

Ces usurpations sont dues soit à des faux, soit à des vols. Contacté par FTVi, le ministère de l'Intérieur n'a pas su indiquer le nombre de pièces d'identité dérobées chaque année en France. "Faute de chiffres, il est difficile de parler ou non de recrudescence des vols", confirme à FTVi Michel Marrec, délégué du syndicat de police SGP-FO. En 2010, 36% des documents saisis par la Police aux frontières (PAF) avaient été dérobés.

Toujours selon le sondage CSA, les Français sont bien conscients des risques lliés à l'usurpation, et une majorité d'entre eux (58%) surveillent leur papiers d'identité avec une plus grande attention que le reste de leurs biens. Une chose est sûre, si vous vous êtes fait voler vos papiers, "il faut absolument conserver le dépôt de plainte toute sa vie. La découverte d'une usurpation peut prendre entre deux et vingt ans après le commencement d'exécution de l'infraction", explique à FTVi Christophe Naudin, spécialiste en criminalité de l'identité. Le petit papier sera d'un grand secours pour prouver votre bonne foi.

A quoi servent les papiers d'identité volés ?

Muni d'originaux ou de quelques photocopies, le fraudeur pourra obtenir une carte d'identité ou un passeport. C'est ce qu'on appelle un cas de "délivrance indue".

Le fraudeur peut également retirer de l'argent au guichet d'une banque et surtout, ouvrir des comptes bancaires ou des lignes téléphoniques. Il faut savoir que la déclaration de perte ou de vol ne bloque aucune formalité administrative ou commerciale. Faute d'être informée, la Banque de France ne peut pas empêcher d'éventuelles ouvertures de compte. Christophe Naudin "a calculé que 7% des documents présentés en 2011 pour ouvrir un compte en banque étaient frauduleux, une tendance conforme aux calculs du ministère de l'Intérieur"

Grâce à ces comptes, le fraudeur peut également toucher des indemnités sociales à la place du titulaire. La fraude d'identité aurait ainsi coûté 20 milliards d'euros aux administrations, rapportait Le Point l'an dernier.

Combien peuvent rapporter ces papiers officiels ?

"Nous ne sommes plus au temps de l'artisanat des années 1970, où ces vols étaient le fait de cas isolés", assure Christophe Naudin. "On assiste à une industrialisation de la pratique. Communauté par communauté, des réseaux criminels organisent la revente."

La pratique du "pack identitaire" est apparue sur le marché noir il y environ cinq ans. Il s'agit d’une formule clé en main, qui permet d'obtenir "plusieurs documents cohérents  pour tromper l'administration" et obtenir un document officiel, explique Christophe Naudin. Comme dans la téléphonie mobile, il existerait plusieurs forfaits :

Le "pack de base", entre 2 000 et 4 000 euros : copie de carte nationale d'identité ou de carte de séjour, carte Vitale appartenant à une personne existante.

Le "pack plus", au minimum 3 000 euros : les pièces précédentes avec la copie d’un permis de conduire et celle d’un RIB.

Le "pack premium", à partir de 5 000 euros : les originaux des pièces précédentes, avec des fiches de paie ou des quittances de loyer.

Un passeport français se négocie entre 1 500 et 2 500 euros sur le marché noir. Mais le titre d'identité peut être proposé moins cher, entre 300 et 500 euros, s'il expire dans les deux ans. C'est également le prix des cartes de séjour, très prisées. 

Que fait le gouvernement ?

Les futures cartes d'identité seront équipées de deux puces, dont l'une rassemblera l'ensemble des données biométriques (empreintes rétiniennes et digitales) de son détenteur. C'est ce que prévoit la loi sur la protection de l'identité.

A l'origine, elle prévoyait également la mise en place d'un immense fichier de données biométriques à l'échelle du pays, qui aurait permis "d'identifier n'importe quel demandeur de titre de manière certaine", comme l'expliquait Claude Guéant en novembre 2011. Il aurait suffi de comparer ce fichier avec les empreintes du demandeur pour signaler l'anomalie. 

Mais au nom du respect des libertés individuelles, "ce fichier des gens honnêtes" a été censuré par le Conseil constitutionnel trois semaines après l'adoption du texte par le Parlement, en mars 2012. 

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