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Rentrée scolaire 2022 : comment l'Education nationale s'organise pour recruter et former les 4 000 enseignants qui manquent

L'Education nationale mise sur les contractuels, au recrutement et à la formation express. Des candidats au concours, recalés mais placés sur liste d'attente, vont également être repêchés.

Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un élève marche dans un couloir du collège François-Villon, à Paris, le 14 janvier 2022. (ALINE MORCILLO / HANS LUCAS / AFP)

Pour sa première rentrée scolaire, le ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye, a promis qu'il y aurait "un professeur devant chaque classe dans toutes les écoles de France". Moins de dix jours avant la reprise des cours, le défi est de taille. Plus de 4 000 postes (dans le public et le privé) n'ont pas été pourvus aux concours enseignants, selon les chiffres du ministère. Face à cette crise de recrutement inédite, le successeur de Jean-Michel Blanquer se dit "confiant" en dépit de "difficultés structurelles liées à l'attractivité du métier". Voici comment l'Education nationale compte éviter que des élèves ne se retrouvent sans profs pour leur retour en classe.

Sur 146 500 candidats au dernier concours de recrutement des enseignants, seuls 19 838 prétendants ont été admis, alors que 23 571 postes étaient ouverts dans le public, selon le ministère. Dans certaines disciplines du secondaire, le taux de postes non pourvus dépasse les 30%. En physique-chimie, à peine 66,7% des postes ont été pourvus, contre 80 à 100% lors des trois rentrées précédentes. En mathématiques, seuls 68,5% des postes sont pourvus contre 84 à 92% il y a un, deux ou trois ans. En lettres modernes, 83,5% des postes sont pourvus, bien en deçà des 98 à 100% des trois années précédentes.  

Sur demande des syndicats, une liste complémentaire a donc été ouverte. Pour chaque désistement de candidat ayant été admis, un prétendant sur liste d'attente est repêché pour être titularisé en tant qu'enseignant, explique à franceinfo le syndicat SE-Unsa. Persiste toutefois un déficit de 3 733 postes vacants dans l'enseignement public (et 279 dans le privé sous contrat) à l'issue du concours. Le syndicat a demandé au ministère de repêcher davantage de candidats en liste complémentaire. Une demande qui n'a pour l'instant pas trouvé écho.

Un recours accru aux contractuels

Pour pallier ce manque d'enseignants, le ministère recourt à une solution désormais habituelle : les contractuels. Ceux-ci représentent déjà environ 8% des enseignants dans le second degré, selon le ministère. "Il est vrai que nous avons recours à une proportion d'enseignants contractuels qui est importante", a d'ailleurs reconnu Pap Ndiaye. De nouveaux contractuels ont ainsi été embauchés, dès juin, lors de controversés "job dating", des entretiens d'embauche organisés dans plusieurs académies. D'autres continuent d'être recrutés en catastrophe avant la rentrée. 

Pour la première fois cette année, les contractuels qui ont déjà reçu leur affectation, ont été invités par leur rectorat à une formation de quelques jours avant la rentrée scolaire, sur directive du ministère de l'Education. "A Créteil, les enseignants contractuels vont avoir deux jours de formation sur leur discipline puis deux jours de formation sur leurs droits et leurs devoirs pour savoir comment se comporter face aux élèves", détaille Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU.

Une formation express

Certains contractuels ont aussi été invités à "suivre des modules de formation en visio, sur leur temps libre", ajoute la secrétaire générale du Snes-FSU. Sophie Vénétitay regrette une formation expéditive, symptomatique du "bricolage habituel des rectorats". "Enseigner, c'est un métier qui s'apprend, on ne peut pas se former deux jours avant la rentrée ou entre deux cours", regrette-t-elle. "Ces collègues-là devraient être formés sur leur temps de travail. En leur faisant suivre la formation sur leur temps libre, on ajoute à leur surcharge de travail", pointe-t-elle. 

Dorothée Crespin, déléguée nationale chargée des contractuels à SE-Unsa, encourage certes les intéressés à se rendre à ses formations, mais s'interroge sur le caractère "d'invitation". "La plupart des contractuels n'ont pas encore signé leur contrat, ils ne savent pas s'ils vont être payés pour cette formation", explique-t-elle. "On est totalement favorable à une formation en amont de la rentrée, ce qui nous pose question, c'est de savoir si ces heures seront payées", continue-t-elle.

Un vivier de non titulaires sans affectations

Tous les contractuels ne pourront pas bénéficier de cette formation. Contactée par franceinfo, Stéphanie, professeure contractuelle depuis plusieurs années dans le Grand-Est, n'a reçu aucune invitation à une formation et n'est toujours pas informée de son affectation pour l'année scolaire. Une situation qui n'est pas isolée. D'autres professeurs contractuels témoignent de cette incertitude à quelques jours de la rentrée. "Beaucoup de contractuels ne savent pas dans quel établissement et à quels niveaux ils vont enseigner, quel sera leur emploi du temps", énumère Dorothée Crespin.

Une situation d'autant plus mal vécue que certains de ces contractuels ont passé le concours de recrutement des enseignants. C'est le cas de Stéphanie : "Ces cinq dernières années, j'ai eu des postes à temps plein en tant que contractuelle. L'année dernière, j'ai réussi les écrits du Capes externe, mais n'ai pas été suffisamment 'convaincante' à l'oral. J'ai raté l'admission de quelques points..." Cette enseignante se retrouve dans l'incompréhension : l'Education nationale lui confie des classes, depuis plusieurs années, mais lui refuse le statut d'enseignante titulaire.

"On vit mal ce statut parce que, quand on est en poste, il y a une légitimité qu'on n'a pas dans une salle des profs. On sent qu'on n'est pas adoubé."

Stéphanie, professeure contractuelle

franceinfo

Stéphanie témoigne aussi de la difficulté de préparer les cours pour ses futurs élèves. "On est en flux tendu, je ne serai fixée sur mon niveau que quelques jours avant la rentrée, le 26 ou 28 août. Pourtant, quand vous arrivez, personne ne va vous passer un paquet de cours." De plus, elle regrette de ne pas avoir accès au même niveau d'encadrement et de formation que les enseignants stagiaires. "Il n'y a pas de mise en place de tutorat pour les contractuels. Il faudrait avoir un tuteur, comme les stagiaires. On est dans la débrouille totale, j'aimerais avoir un tuteur, pouvoir aller de temps en temps suivre quelques séminaires."

Le recours aux contractuels "est un pansement sur une jambe de bois", alertait déjà le délégué SE-Unsa, Olivier Flipo, début juillet, au micro de franceinfo. Une position que partage Sophie Vénétitay. "Pour nous, la première solution est de faire en sorte que les concours recrutent, que toutes les places soient promues au concours", déclare la secrétaire générale du Snes-FSU. Cependant, il ne s'agit pas de baisser les critères de recrutement. "Il faut jouer sur le levier du salaire et sur le levier des conditions de travail pour restaurer l'attractivité du métier d'enseignant", explique la syndicaliste, également professeure de SES.

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