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Lac du Chambon : isolé, le village de La Grave est "en état de dépression"

Depuis le 10 avril, le village de La Grave (Hautes-Alpes) tourne au ralenti. Désespérés, les habitants n'attendent qu'une chose : que le pan de montagne s'effondre dans le lac du Chambon et que l'accès à la commune soit rétabli. Il en va de sa survie. 

Article rédigé par Florian Delafoi - Envoyé spécial à La Grave (Hautes-Alpes)
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Depuis le 6 juillet 2015, des hélicoptères amènent les ouvriers de La Grave (Hautes-Alpes) aux Deux Alpes (Isère), où ils rejoignent leurs chantiers. (FLORIAN DELAFOI / FRANCETV INFO)

L'hélicoptère se pose dans un nuage de poussière. Un groupe de cinq ouvriers se précipite à l'intérieur. L'appareil prend de la hauteur avant de disparaître derrière les montagnes. Il est 7 heures du matin ce mardi 7 juillet. Depuis une heure, le pilote enchaîne les allers-retours entre La Grave (Hautes-Alpes) et Les Deux Alpes (Isère). Une soixantaine de personnes doivent monter à bord pour se rendre sur leur lieu de travail. Un dispositif mis en place dans l'urgence, la veille, par la mairie de La Grave. Depuis trois mois, ce village d'à peine 500 habitants est comme coupé du monde.

La D1091, la route qui mène jusqu'à la commune, est interdite d'accès dans l'attente de l'effondrement d'un pan de montagne situé au-dessus du lac du Chambon (Isère), qui la borde. 

"On tourne en rond"

Posté derrière les barrières, Georges Barros attend son tour pour grimper dans l'hélicoptère. Se rendre au travail est devenu un vrai casse-tête pour ce maçon, comme pour ses collègues. "On a dû marcher pendant 45 minutes pour aller sur les chantiers pendant une semaine, après on a pris le bateau sur le lac et maintenant on prend l'hélico. On tourne en rond", lâche-t-il, dépité. Quand la route est accessible, il faut compter une petite quinzaine de minutes en voiture pour rejoindre le barrage du Freney (Isère), environ trois heures avec la déviation en place. 

 

L'hélicoptère qui file dans le ciel des Alpes a un coût – environ 2 000 euros par jour – que ne peut supporter le village. La municipalité a obtenu une aide de 30 000 euros de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Une somme qui sera bientôt doublée après l'intervention de l'Etat. De quoi tenir entre vingt et trente jours, espère le maire, Jean-Pierre Sevrez. Mais la solution est temporaire et l'élu est très inquiet pour son village : "Si on perd l'activité de l'été, c'est déjà très difficile, mais si on perd aussi la saison d'hiver, on ne s'en remettra pas." Des habitants ont décidé de déménager pour s'installer près de leur lieu de travail. Une catastrophe pour la commune. Face à cette situation, le personnel de la mairie tente tant bien que mal d'organiser les choses, à coups de "journées de seize heures".

La Grave est logée au pied du grand pic de la Meije, le dernier sommet emblématique qui a été gravi dans les Alpes. Le téléphérique construit au pied de la montagne, qui culmine à presque 4 000 mètres d'altitude, est le poumon économique du village. Sauf que l'installation tourne au ralenti en raison du blocage de la route. 

Le téléphérique des Glaciers de la Meije, poumon économique de La Grave, photographié le 25 août 2013. (CAMILLE MOIRENC / HEMIS.FR / AFP)

Des commerces au bord du gouffre

Ce lieu grandiose attire habituellement de nombreux alpinistes, sans compter les milliers de cyclistes qui font une pause dans le village avant de s'attaquer au col du Galibier. Juste en face du téléphérique, une boutique de matériel de montagne est désespérément vide. Fred Julliard, gérant de Objectif Meije, est exaspéré par la situation. "D'habitude, je vois passer 1 500 cyclistes devant mon magasin. Aujourd'hui, si j'en vois 5, c'est le maximum", lâche celui qui a vu son chiffre d'affaires quotidien chuter de moitié par rapport à l'année dernière.

Tous les commerçants souffrent du blocage de la route. Autour d'un café, Fred Julliard fait le point sur la catastrophe avec Nathalie Romagne, native du village et gérante du camping. "Des vacanciers annulent leur réservation à cause du détour à faire en voiture. Certains ont calculé que ça leur coûterait 200 euros de plus", assure-t-elle. Résultat : le taux de remplissage a baissé de 60% par rapport à la saison dernière. Les saisonniers ont eux aussi déserté le village. 

Une cellule psychologique pour les villageois

Isolés, les habitants de La Grave n'ont plus le moral. "Le village est en état de dépression, il y a des tensions", regrette Fred Julliard. Au cœur de la commune, le restaurant Les Glaciers ne nourrit plus grand-monde. Il a même fermé ses portes durant une quinzaine de jours en mai. "On a dû jeter de la nourriture. On a le sentiment d'être abandonnés", souffle Brigitte Pelletier. Dix-sept ans qu'elle est à la tête de cette affaire qui menace de couler si la paralysie se poursuit. "C'est très dur psychologiquement."

Brigitte Pelletier gère le café-restaurant Les Glaciers à La Grave (Hautes-Alpes).  (FLORIAN DELAFOI / FRANCETV INFO)

Pour soulager la détresse des Gravarots, une cellule psychologique a été mise en place. "Les montagnards sont des taiseux. Ils n'expriment pas leur souffrance. Lors des réunions publiques, on est dans l'affect plutôt que dans le raisonnement", concède Jean-Pierre Servez. Les habitants ne comptent pas baisser les bras. Ils ont mis sur pied le collectif Les naufragés du Chambon. Celui-ci rassemble un peu plus de 900 personnes sur sa page Facebook. "On a mené plusieurs petites actions pour alerter les pouvoirs publics. Peut-être qu'on doit étendre une grande banderole sur le glacier ou bloquer le Tour de France pour marquer les esprits", imagine un membre du collectif. 

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