Abstention potentielle à 29% : le signe d'un "désenchantement"
Trois électeurs sur dix pourraient bouder les urnes lors du premier tour de la présidentielle, selon un sondage Ifop. Décryptage avec Frédéric Dabi, directeur du département Opinion de l'institut.
Jusqu’à 29% d’abstentionnistes potentiels. Un point de plus que l’abstention constatée au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, presque le double des chiffres de 2007. Le sondage Ifop pour le JDD paru le 18 mars 2012 (ici, en PDF) interpelle. Trois questions à Frédéric Dabi, directeur du département Opinion de l'Ifop, pour tenter de la comprendre.
Qui sont ces abstentionnistes potentiels ?
Frédéric Dabi : Il n’y a pas de grandes surprises, on retrouve les trois grands clivages classiques qui définissent les abstentionnistes. D’abord, plus on est âgé, moins on s’abstient. Près d’un jeune sur deux (47%) chez les 18-24 ans contre 19% chez les 65 ans et plus envisagent de ne pas se rendre aux isoloirs. Notamment parce que l’intérêt pour la politique croît avec l’âge.
La seconde donnée est sociologique, il y a presque dix points d’écart entre l’abstention possible chez les ouvriers et employés (34%) et celle des cadres et professions intellectuelles supérieures (25%). La dernière donnée est politique : plus on est attaché à un parti politique de gouvernement, plus on vote, même s’il faut noter, dans cette enquête, que les proches d’Europe Ecologie-Les Verts risquent de fortement s’abstenir, à près de 46%.
Comment peut-on expliquer cette abstention ?
Ce que l’on sait grâce à une enquête réalisée fin février, c’est que cette campagne électorale plaît moins aux Français que celle de 2007. 70% des personnes interrogées jugeaient notamment que le climat n’était pas serein, ni respectueux.
Mais on sent aussi le poids de la crise. On parle davantage de propositions argumentées, chiffrées et plus personne ne rase gratis. Les grands mots d’ordre, "vivement demain", "changer la vie" ne sont plus d’actualité. Seul un tiers des Français estiment que la campagne apporte des solutions, un tiers qu’elle suscite l’espoir.
Avec la crise, on voit s’amoindrir la capacité du politique à peser sur le cours des choses, à changer la vie des gens, à assurer un primat sur l’économie. C’est ce qui faisait le lien entre les Français et les hommes politiques et c’est un vrai désenchantement.
Est-ce inquiétant ?
Il faut être prudent, c’est une enquête réalisée un mois avant le vote, elle ne prend donc pas en compte la campagne officielle, les clips télévisés, le point culminant de la campagne qui, généralement, suscite l’intérêt des Français. Il peut y avoir un surcroît de mobilisation dans la dernière ligne droite, et même peut-être une surmobilisation du fait de la nature de cette élection. Elle voit notamment s’opposer un président sortant face à un tenant de l’alternance, du "changement".
On peut imaginer un sursaut de participation de la gauche, qui voit le bout du tunnel, et de la droite pour sauver le soldat Sarkozy. Mais c’est vrai que, pour l’instant, c’est une abstention très forte, on est presque à l’étiage de 2002 où l’abstention au premier tour avait atteint 28%, contre 16,23% en 2007. C’est assez inquiétant.
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