Une trentaine d'agents de l'Office national des forêts (ONF) ont manifesté lundi à Besançon, dans le Doubs
Ils répondaient à l'appel à la grève des deux principaux syndicats de l'ONF - Snupfen (Solidaires) et CGT -, après le suicide d'un de leurs collègues le 11 juillet, le 4e suicide en un mois.
Le suicide du cadre de Haute-Saône reste inexpliqué. Le Comité hygiène, sécurité et conditions de travail de l'ONF Franche-Comtéva ouvrir une enquête interne.
24 suicides ont été recensés à l'Office national des forêts depuis 2005.
Snupfen (Solidaires) et CGT entendent notamment dire "non (...) aux suppressions de postes, aux conditions de travail dégradées, aux augmentations de prélèvements" d'arbres dans les forêts domaniales. Syndicats comme direction évoquent le "malaise social" de l'établissement.
L'ONF , qui compte 9.500 agents, a prévu de supprimer 700 postes d'ici 2016, alors que plus de 1.000 emplois ont disparu au cours des dix dernières années, selon le syndicat.
Conséquence: le gouvernement a demandé jeudi 20 juillet que les agents soient "mieux accompagnés". Il a souligné "leurs conditions de travail particulières", notamment une "forme de solitude" et des "situations d'isolement". Les deux ministres de tutelle, Bruno Le Maire (Agriculture) et Nathalie Kosciusko-Morizet (Environnement), ont assuré "porter la plus grande attention" à la situation sociale des 9500 agents de l'ONF.
Parmi les raisons du malaise ambiant, la ministre de l'Ecologie évoque la fluctuation des prix du bois, qui représentent une partie des revenus de l'organisme. "Pour les agents, bien qu'ils soient dans un cadre de service public, c'est assez angoissant d'avoir une partie de leurs revenus soumis aux cours", estime-t-elle.
L'Office, qui produit chaque année plus de 14,5 millions de m3 de bois, a enregistré un déficit de 14 millions d'euros en 2010 pour un budget de 700 millions. Son site internet montre propose des dizaines de maisons forestières à vendre.
Perte d'un tiers des effectifs en 25 ans
L'annonce du 4e suicide est intervenue mercredi 20 juillet, jour où le conseil administration de l'ONF examinait le contrat d'objectifs 2012-2016. Lequel prévoit plus de 600 nouvelles suppressions de postes. En 25 ans, l'Office a perdu plus du tiers de ses effectifs. En 1986, il employait 15.000 employés.
Le directeur général, Pascal Viné, se dit "conscient des difficultés liées aux suppressions de postes", qui "engendre des contraintes nouvelles, des dysfonctionnements, des imperfections". "Mais les réformes menées depuis 10 ans étaient nécessaires et maintenant mon objectif est de corriger les problèmes que nous avons", ajoute-t-il.
De leur côté, les syndicats demandent "un moratoire immédiat" sur les baisses d'effectifs.
"Privatisation" ?
Dans le même temps, ils redoutent une privatisation de l'ONF. "L'Etat sacrifie les forêts publiques sur l'autel du libéralisme", dénonce la CGT. Ces craintes sont nourries par la divulgation d'une note de Bercy, datée de décembre évoquant la possibilité de "déléguer la gestion des forêts communales à des prestataires privés". Le gouvernement a assuré à plusieurs reprises être opposé à une telle idée.
Pour les gardes forestiers, c'est la nature même du travail qui a changé dans la mesure où la surface à leur charge a augmenté depuis une réforme de 2002, selon Jean-Noël Schmidt (FO).
"Le travail n'a plus aucun sens"
Pour François Sittre (Snupfen), le travail des forestiers, "garants d'un fragile équilibre entre la production de bois et son renouvellement", "n'a plus aucun sens". "La réforme de 2002 nous a basculés dans la marchandisation. On essaye de faire de nous des commerciaux. Du coup, on n'est plus en forêt", regrette ce quinquagénaire qui gère près de 14.000 hectares en Franche-Comté.
"C'est un métier qui fout le camp. On oublie nos missions de forestiers, de police et de surveillance, pour faire du chiffre", renchérit Claude Ammerich (CGT), agent dans le Val-d'Oise.
Réactions
Pour le PS, "face au drame humain que constituent les cas de suicides au sein de l'ONF", "le fait d'éluder et de volontairement ignorer les effets déterminants de la RGPP (Révision générale des politiques publiques, NDLR) tels que la suppression d'un emploi sur cinq depuis 10 ans, la dégradation sans précédent des conditions de travail ou bien encore l'annonce de la suppression de 700 postes d'ici 2016, est tout bonnement scandaleux".
Pour le Parti de gauche, la "baisse drastique des effectifs, et à terme" la "privatisation larvée" du secteur forestier français, sont à l'origine d'un "mal être grandissant" parmi
le personnel de l'ONF. "Malaise qui n'est évidemment pas étranger à cette vague de drames humains", ajoute la formation de Jean-Luc Mélenchon
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