"Présider la République" selon François Hollande
Le candidat socialiste à la présidentielle a prononcé son discours au Bourget, pour le premier grand meeting de sa campagne.
"Donne-moi une vie, un espoir, une envie." C'est avec ce tube que Yannick Noah a introduit le discours très attendu de François Hollande, dimanche 22 janvier, dans une salle pleine à craquer au Bourget, en Seine Saint-Denis "qui accumule tant de difficultés" mais "recèle tant d'atouts".
Cette envie, qui se fait attendre sur le terrain, le candidat a tenté de l'insuffler dans la salle à 10 000 militants gonflés à bloc - et aux 15 000 autres qui ont dû se contenter d'écrans géants, faute de place. Au premier rang, ils étaient tous là : les ténors du PS, les anciens premiers ministres Lionel Jospin, Laurent Fabius et Edith Cresson, ceux qui se sont ralliés plus récemment, comme Robert Hue, et toute une brochette de personnalités : Yannick Noah, Mazarine Pingeot, Benjamin Biolay, Pape Diouf, et même le judoka Thierry Rey, l'ex-compagnon de Claude Chirac.
En presque une heure et trente minutes de discours, François Hollande n'a pas une seule fois cité le nom de Nicolas Sarkozy. Et pourtant, c'est bien par rapport à l'image de l'actuel chef de l'Etat qu'il s'est positionné. Une façon habile de dévoiler sa vision de la fonction présidentielle, tout en étrillant le bilan et le style Sarkozy.
"Intérêt général" contre "voracité"
"Présider la République, c'est se dévouer à l'intérêt général", scande le candidat, vantant "la hauteur en tous lieux et dans tous les actes qu'exige la fonction", "l'intégrité de l'Etat face aux puissances de l'argent". François Hollande reconnaît qu'il est ambitieux, qu'il veut "conquérir le pouvoir". "Mais je ne suis pas un vorace", assure-t-il. En somme, il se voit "comme un serviteur, et non comme un maître". Dans la salle, tout le monde comprend à qui il fait référence, et le public applaudit à tout rompre. Et à ceux qui raillent son manque d'expérience il rétorque : "Certains me reprochent de n'avoir jamais été ministre. Quand je vois ceux qui le sont aujourd'hui, ça me rassure."
Le candidat à la présidentielle n'oublie pas non plus de s'en prendre au Front national sans nommer ni le parti, ni sa candidate. "Je ne laisserai pas les ouvriers, les employés, aller vers une famille politique qui n'a jamais rien fait pour servir les intérêts de ces classes-là."
François Hollande l'intime
Mais on attendait aussi de François Hollande qu'il se confie, qu'il "fende l'armure", afin d'enfiler définitivement le costume présidentiel. Il a ainsi brièvement évoqué sa jeunesse normande, vécue au sein d'une famille conservatrice. Son père, dont les idées contraites lui ont permis d'affirmer ses convictions. Sa mère, qui lui a transmis "l'ambition d'être utile". Le tout en revendiquant une certaine pudeur : "C'est vrai que je ne m'exhibe pas, je reste moi-même, c'est ma force, dit-il. Ce que vous voyez ici c'est ce que je suis."
Incarner la fonction, apparaître comme un homme prêt à cette "rencontre avec le peuple" qui définit l'élection présidentielle, telle était la mission du candidat Hollande, qui a donc relégué les aspects programmatiques en seconde partie de discours. Peu d'annonces nouvelles : il les réserve pour la présentation de sa "plate-forme" présidentielle, jeudi, et son grand oral, le même jour dans Des Paroles et des Actes, sur France 2.
La finance pour adversaire
Il attaque bille en tête : "Mon véritable adversaire n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance", lance celui que certains, au PS, accusaient d'incarner la "gauche molle". Puis il promet un quinquennat guidé par la notion d'"égalité". A la droite, qu'il entend déjà agiter le chiffon rouge, il répond par anticipation : "L'égalité, ce n'est pas l'égalitarisme, c'est la justice. L'égalité, ce n'est pas l'assistanat, c'est la solidarité." C'est encore à l'électorat de droite qu'il s'adresse en montrant sa fermeté sur les questions de sécurité : "Je n'accepte pas la délinquance financière, pas plus qu'un petit caïd puisse mettre sa cité en coupe réglée. Le prochain président les prévient : la République vous rattrapera."
François Hollande a aussi dû revenir sur certains points encore flous de son programme. Il a ainsi confirmé la création de 60 000 postes dans l'Education nationale, tout en précisant que le nombre total de fonctionnaires n'augmenterait pas durant son quinquennat et en mettant fin à la "règle aveugle" du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Le candidat socialiste s'engage : à la fin du quinquennat, le nombre de 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification "sera divisé par deux".
"Mesures de fin de mandat"
Son "rêve français", François Hollande y croit dur comme fer. "Je vous appelle à retrouver le récit républicain", clame-t-il, avant de citer Shakespeare : "Ils ont échoué parce qu'ils n'ont pas commencé par le rêve." Alors il promet de le mettre en oeuvre dès le départ, "pas en improvisant des mesures en fin de mandat".
Mais comment faire rêver par les temps qui courent ? François Hollande cite Pierre Mendès-France : "La vérité doit forcément guider nos pas". "Je ne promettrai donc que ce que je suis capable de tenir", assure-t-il. Quelques minutes plus tard, son discours terminé, et après une fervente ovation, François Hollande entonne la Marseillaise. Comme pour montrer qu'il est enfin entré dans la course, qu'il veut "gagner le droit de présider la France".
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