Gaza. Pourquoi Israël hésite à lancer une offensive terrestre
Alors qu'une incursion terrestre dans la bande de Gaza semblait imminente, Israël a provisoirement repoussé l'option, mardi. Francetv info détaille les raisons de cette indécision.
GAZA - Israël face à deux choix. Pendant près d'une semaine, l'Etat hébreu a mobilisé des dizaines de milliers de réservistes et déployé des transports de troupes blindés, des bulldozers et des chars à sa frontière avec la bande de Gaza, dans la perspective d'une éventuelle opération terrestre. Mais au septième jour de son opération "Pilier de défense", mardi 20 novembre, Israël a décidé de repousser cette offensive terrestre.
L'Etat hébreu "doit maintenant décider laquelle des deux mauvaises options est la meilleure : un cessez-le-feu difficile ou une sale guerre terrestre", analyse un éditorialiste du quotidien Haaretz (article payant en anglais), Ari Shavit. Francetv info vous détaille pourquoi Israël hésite à choisir la seconde possibilité.
Pour contourner un risque politique interne
"Il ne sera pas facile de vendre à l'opinion israélienne un cessez-le-feu qui comporte des résultats significatifs pour le Hamas", relève aussi Ari Shavit. "Mais amplifier l'opération 'Pilier de défense' comporte un important risque politique, régional et moral", souligne-t-il. Et le Premier ministre Benyamin Netanyahu ne peut pas prendre de risque inutile, à l'approche des élections législatives du 22 janvier.
D'autant plus que, selon un sondage publié lundi dans Haaretz (article payant en anglais), si 84% des Israéliens (juifs et arabes selon le quotidien) soutiennent l'opération en cours, seulement 30% des personnes interrogées approuvent une incursion terrestre à Gaza. "On observe un très fort soutien de la population à cette opération. (...) Toutefois, si des soldats israéliens venaient à mourir, en cas d'opération au sol dans Gaza, la question se poserait autrement. Le doute pourrait rapidement se substituer à l'adhésion", soulignait vendredi Jérôme Bourdon, maître de conférences au département de communication de l'université de Tel Aviv, sur Le Monde.fr.
"Il y a des questions troublantes sur la logique d'une opération terrestre actuellement", remarque Amos Harel, expert militaire de Haaretz, dans un article (payant en anglais) intitulé "Les dirigeants israéliens devraient y réfléchir à deux fois avant de lancer une offensive terrestre à Gaza". "Le danger consiste à se laisser embarquer dans la rhétorique exprimée par quelques politiciens et commentateurs, qui risque de se terminer en sérieux désastre stratégique", poursuit-il.
"Quand vous intervenez militairement au sol, vous prenez le risque de subir des pertes importantes, de devenir très vite impopulaire", analyse Pierre Razoux, directeur de recherche à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire, interrogé par RFI. Or, Benyamin Netanyahu n'aime pas prendre de risque politique. Il pourrait donc "aller en position de force aux élections, mais en même temps, de prendre des risques considérables, qui pourraient éventuellement se retourner contre lui".
Pour laisser une chance au cessez-le-feu
Israël souhaite une trêve afin que les parties puissent élaborer un cessez-le-feu durable, selon des médias israéliens. Benjamin Netanyahu a déclaré mardi qu'Israël tendait "une main vers ses voisins désireux de faire la paix avec lui" et de l'autre main brandissait une "épée" vers ceux qui veulent sa destruction. "Une décision a été prise de suspendre provisoirement tout projet d'offensive terrestre pour donner des chances à un succès des efforts diplomatiques", a déclaré à l'AFP un haut responsable gouvernemental.
Conséquence : la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton sera mardi dans la soirée en Israël, en Egypte et à Ramallah, au siège de l'Autorité palestinienne, en Cisjordanie. Sans s'emparer du rôle de médiatrice, elle doit souligner l'intérêt américain pour une solution pacifique. Au Caire (Egypte), le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé mardi toutes les parties en conflit à Gaza "à cesser le feu immédiatement".
Mais avant tout accord de cessez-le-feu, le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007, devra faire ses "preuves", estime Charles Enderlin, le correspondant de France 2 à Jérusalem. "Avant de faire des concessions majeures au Hamas (...) Benyamin Netanyahu veut avoir la certitude que l'organisation islamiste est capable d'imposer sa volonté aux autres groupes qui opèrent dans la bande de Gaza", a-t-il expliqué mardi matin.
"Maintenant il y a une course contre la montre : entre la voie d'une escalade militaire et celle menant à un accord", pronostique de son côté Alex Fishman, expert militaire du quotidien israélien Yediot Aharonot.
Pour éviter d'être isolé sur la scène internationale
Après l'opération israélienne "Plomb durci", menée pendant l'hiver 2008-2009, le rapport Goldstone (résumé en français, PDF), mandaté par l'ONU, a accusé l'armée israélienne d'avoir agi au mépris de la vie des civils et d'avoir fait un usage disproportionné de la force. L'opération avait commencé par des raids aériens, avant une attaque terrestre dans la bande de Gaza, faisant 1 400 morts côté palestinien, sans toutefois parvenir à mettre un terme aux tirs de roquettes de Gaza. Israël s'était alors retrouvé isolé sur la scène internationale.
Le président américain Barack Obama et la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton ont par exemple déclaré tenir le Hamas pour responsable de la crise actuelle. Mais ils pourraient lâcher l'Etat hébreu en cas d'incursion terrestre. Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, lui, a déjà prévenu : "Une invasion terrestre de Gaza coûterait à Israël une grande partie du soutien international qu'il a dans cette situation."
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