Hollande en Chine : le président sera-t-il aussi critique que le candidat ?
En tant que candidat, François Hollande estimait que la Chine était un "adversaire" comparable à la finance. Le président qui se rend aujourd'hui à Pékin se montrera probablement plus pragmatique.
"Le problème, il est chinois. Ils trichent sur tout. Sur la monnaie, en matière de recherche..." En pleine campagne électorale, le candidat François Hollande ne ménage pas la Chine. "J'en suis arrivé à un moment où je pense qu'il faut nommer l'adversaire. Je l'avais fait pour la finance, il faudra le faire pour les Chinois", confie-t-il au journaliste Eric Dupin, auteur du livre La victoire empoisonnée (Seuil), en mars 2012.
Jeudi 25 avril, le président de la République française a rendez-vous avec "l'adversaire" du candidat : François Hollande est à Pékin pour y rencontrer son homologue, Xi Jinping. Il se rendra ensuite à Shanghai. Si l'objectif officiel est la normalisation des relations bilatérales après un précédent quinquennat compliqué, il s'agit également, comme l'a expliqué Martine Aubry, représentante spéciale du Quai d'Orsay en Chine au Journal du Dimanche, "d'aider nos entreprises à gagner et à développer des parts de marché en Chine". Le président va-t-il se montrer aussi offensif que le candidat ?
Les propos de campagne du candidat, très "tactiques"
Prononcés en mars 2012, les mots de François Hollande sont avant tout des propos de candidat. Tout au long de la campagne, il s'est inquiété du déséquilibre des relations avec la Chine lorsqu'il en a eu l'occasion. En octobre 2011, lors de la signature de l'accord sur la restructuration de la dette grecque, qui prévoit des investissements chinois, il s'inquiète d'une participation "particulièrement troublante" et dénonce "une dépendance de fait", comme le raconte Le Monde.fr. Quelques mois plus tard, il demande que la monnaie chinoise, le yuan, "puisse devenir une monnaie convertible", rapporte Le Figaro.
"Il y a une part de vérité dans ce qu'il a dit [...] La Chine a su profiter de son accession à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), pour renforcer sa position en utilisant tous les moyens à sa disposition, rappelle pour francetv info Jean-Pierre Cabestan, professeur à l'université baptiste de Hong Kong. Les barrières non-tarifaires [fiscalité, réglementations bancaires, normes sanitaires, faible protection des brevets, etc] placent les entreprises chinoises et étrangères sur un pied d'inégalité manifeste."
Mais la dureté des propos de François Hollande surprend. "Il y a une volonté tactique de rallier une part de l'électorat, qui voit deux boucs émissaires : la finance et la Chine, qui rafle tous les marchés", analyse pour francetv info Emmanuel Lincot, directeur de la chaire des études chinoises contemporaines à l'Institut catholique de Paris.
Pour les chercheurs interrogés par francetv info, ces déclarations de campagne, notamment celle sur "l'adversaire", auront peu d'impact sur les relations entre les deux pays. "Ce n'est pas une déclaration officielle qu'il a faite dans le cadre de ses fonctions de président de la République", minimise Jean-Pierre Cabestan, auteur du livre La politique internationale de la Chine : entre intégration et volonté de puissance (Les Presses de Sciences Po, 2010).
Les premiers pas du président, très pragmatiques
Une fois élu, François Hollande s'est montré plus conciliant. Dès le lendemain de sa victoire, il a reçu l'ambassadeur de Chine en France à son QG de campagne, quelques minutes après l'ambassadeur américain, raconte Europe 1.
Alors que Nicolas Sarkozy avait nommé un ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis comme conseiller diplomatique, le nouveau président a choisi Paul Jean-Ortiz, un diplomate sinophone passé par Pékin et Canton. "Cela va lui éviter de faire des bêtises, contrairement à d'autres présidents", explique Jean-Pierre Cabestan, qui connaît personnellement Paul Jean-Ortiz. "Jacques Chirac était un peu trop naïf et bienveillant par rapport aux entorses aux droits de l'homme du régime", pointe le chercheur, qui reproche à l'ancien président de ne pas en avoir fait assez sur cette question.
A l'inverse, la présence d'un fin connaisseur des relations franco-chinoises laisse présager une approche réaliste et pragmatique de la question. "A l'Elysée, ils sont conscient de l'asymétrie de la relation France-Chine et de l'écart inquiétant de la balance commerciale" en faveur de la Chine (21 milliards d'euros en 2012, selon les chiffres du ministère du Commerce extérieur), observe Emmanuel Lincot.
Comme sa ministre du Commerce extérieur en janvier, le président se préoccupera d'abord de rééquilibrer les échanges économiques, en signant de gros contrats et en attirant les investisseurs chinois, des objectifs peu compatibles avec le discours musclé du candidat. "Nous n'allons pas commencer à brandir des menaces de rétorsions au moment où nous cherchons à accueillir davantage d'investissements chinois", souligne Jean-Pierre Cabestan, qui espère néanmoins que François Hollande se montrera ferme sur les droits de l'homme.
La France en position de faiblesse
La tâche s'annonce compliquée. Le déficit commercial entre les deux pays, creusé par les importations de biens manufacturés chinois, est structurel. "La France ne produit plus ce qui sert l'économie chinoise, contrairement à l'Allemagne avec ses machines-outils et ses voitures", rappelle Valérie Niquet. Les entreprises françaises ont certes de belles cartes à jouer en matière d'aéronautique, d'énergie – les PDG d'EDF et d'Areva sont d'ailleurs du voyage – ou d'agroalimentaire, mais le rapport de force commercial ne s'inversera pas de sitôt.
La mauvaise passe que traverse François Hollande sur le plan intérieur n'arrange pas les choses. "Cette relation asymétrique est renforcée par le fait que la France traverse des problèmes majeurs, observe, depuis Hong Kong, Jean-Pierre Cabestan. Quand on voit ça depuis l'étranger, on a l'impression que le président n'a pas beaucoup de temps à consacrer à son activité extérieure."
La presse chinoise, contrôlée par les autorités, ne s'y trompe pas. "Les commentaires publiés avant la visite insistent sur sa faible popularité et sur la faiblesse économique de la France", remarque Valérie Niquet.
La France aura donc du mal à faire pression sur la Chine pour changer les règles du jeu commercial, obtenir une revalorisation du yuan et rééquilibrer les échanges. Seule une action concertée des pays de l'Union européenne peut modifier le rapport de force bilatéral. François Hollande le sait bien, comme le montre la suite de sa déclaration fracassante de mars 2012 :"Il faudra ouvrir le conflit en ayant le soutien d'un certain nombre de pays européens", expliquait-il alors.
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