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Impôts : comment gauche et droite trompent les classes moyennes

Alors que l'Assemblée a voté la partie recettes du budget 2013, gouvernement et opposition rivalisent d'arguments pour gagner la bataille de la communication. Sans succès.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le 2 octobre 2012 à l'Assemblée nationale. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

BUDGET – Combien de Français seront-ils touchés par les hausses d'impôts et de taxes décidées par le gouvernement ? Alors que la partie recettes du budget 2013 a été votée, mardi 23 octobre à l'Assemblée nationale, majorité et opposition s'écharpent, s'accusant mutuellement de vouloir cacher la réalité. Francetv info tente d'y voir plus clair.

A gauche, le mensonge du "9 Français sur 10 épargnés"

Plusieurs semaines après avoir développé l'argument contesté selon lequel "9 contribuables sur 10" ne seront pas touchés par les hausses d'impôt, la majorité persiste et signe.

Dans ce graphique présenté par rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, Christian Eckert (PS), sont indiquées les conséquences des mesures contenues dans le projet de loi de finances mis aux voix mardi. On se rend compte que les huit premiers déciles (c'est-à-dire 80% des foyers français) verraient leurs impôts baisser, tandis que ceux du dernier décile (les 10% les plus riches) subiraient une explosion de leurs contributions. Avec, à l'intérieur de cette catégorie, une imposition accrue des 1% les plus aisés, et plus encore pour les 0,1% les plus riches.

Sauf que cette présentation est incomplète. Elle omet un élément important qui touchera plusieurs millions de contribuables : le gel du barème de l'impôt sur le revenu. Comme le montre le tableau suivant, cette mesure ferait perdre 55 euros en moyenne aux 13 millions de Français qui gagnent entre 11 900 et 26 400 euros par an.

Grâce à un complexe mécanisme de décote, la note sera toutefois adoucie. Les 3,5 millions de contribuables les moins aisés ne devraient pas souffrir du gel du barème, et une petite partie des 13 millions précités seront moins pénalisés.

Reste que ce gel du barème touchera tous les autres, soit bien davantage que les 10% des Français les plus fortunés. Pourquoi, alors, avoir "oublié" cet élément dans le graphique présenté plus haut ? S'il n'est pas intégré dans cette simulation, c'est parce qu'il a été "décidé par la précédente majorité", explique Christian Eckert, le rapporteur général du budget. Mais la nouvelle majorité aurait très bien pu décider de supprimer ce gel, ce qu'elle n'a pas fait.

Ce n'est pas tout. L'argument du "9 Français sur 10" ne tient pas compte des impôts et taxes contenues dans des textes autres que le projet de loi de finances (PLF) 2013. Or c'est le cas de mesures parmi les plus pénalisantes pour les classes moyennes, comme la refiscalisation des heures supplémentaires ou le relèvement des taxes sur le tabac et la bière. Certaines ont été votées pendant l'été, d'autres s'apprêtent à l'être dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

A droite, les mauvais calculs de Wauquiez et Carrez

S'insurgeant contre l'argument brandi par le gouvernement, les députés UMP Laurent Wauquiez, chantre des classes moyennes, et Gilles Carrez, président de la commission des finances, ont tenu une conférence de presse, lundi à l'Assemblée (voir leur document PowerPoint). Objectif : démontrer par a + b que les mesures du gouvernement touchent davantage les classes moyennes que les classes aisées.

En préambule, Gilles Carrez et Laurent Wauquiez expliquent qu'il faut raisonner "en additionnant les efforts demandés dans le cadre de la remise en cause de la réforme des retraites (par décret), dans le collectif de juillet dernier, dans le PLF et le PLFSS pour 2013", car "les Français se moquent de savoir dans quel texte le gouvernement leur prélève des impôts supplémentaires".

"Au total, sur un effort demandé aux ménages de 15,8 milliards d'euros, 10,25 milliards d'euros auront été prélevés sur les classes moyennes, soit plus des deux tiers, calculent-ils. Inversement, 5,5 milliards d'euros l’auront été sur les plus aisés." Conclusion, qui coule de source : "Quand le gouvernement Ayrault prend 1 euro aux plus aisés, il en demande 2 aux classes moyennes". Un raisonnement qui prête à confusion.

Premier écueil : Gilles Carrez et Laurent Wauquiez ne donnent pas de définition de "classes moyennes". Dommage, car on peut voir tout et n'importe quoi à travers cette notion floue et mal définie, comme le souligne Le Monde.fr.

Pire : en affirmant que le Premier ministre demande 2 euros aux classes moyennes contre 1 euro aux plus aisés, les deux députés UMP font mine d'ignorer que les 5,5 milliards d'euros évoqués portent sur un très petit nombre de riches contribuables (quelques centaines de milliers tout au plus) tandis que les 10,25 milliards s'appliqueraient aux autres, soit plusieurs millions de personnes. Au final, un contribuable aisé sera largement plus mis à contribution qu'un contribuable moyen, contrairement à ce que laissent entendre les parlementaires.

Enfin, le chiffre de 10,25 milliards touchant les classes moyennes utilisé par Gilles Carrez et Laurent Wauquiez est lui-même sujet à caution. Pour parvenir à cette somme, les deux députés ont additionné les recettes issues de plusieurs mesures. Parmi elles, la fin de la défiscalisation et des exonérations de charges sur les heures supplémentaires (4,2 milliards d'euros), le relèvement du forfait social sur l'intéressement et la participation (1,2 milliard), le gel du barême de l'impôt sur le revenu (1,4 milliard), l'alourdissement des charges sur les travailleurs indépendants (1,1 milliard), etc.

Certes, toutes ces mesures vont toucher les classes moyennes à des degrés divers. Mais avec un tel calcul, les députés UMP présument que chacune d'elles pèsera entièrement sur les classes moyennes, ce qui est loin d'être le cas. Par exemple, sur 1,4 milliard de recettes liés au gel du barême de l'impôt sur le revenu, plus du tiers (529 millions d'euros) concerne des revenus supérieurs à 58 000 euros par an.

La même démonstration pourrait être reproduite pour chaque mesure invoquée. La fin de la défiscalisation des heures supplémentaires touchera les classes moyennes, mais aussi des contribuables aisés. Idem pour la hausse des charges sur les professions indépendantes ou la contribution sur les retraités. Ce que Gilles Carrez et Laurent Wauquiez se gardent bien de relever.

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