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Imprimer un objet chez soi, un risque encore mal maîtrisé

Après la création d'un pistolet grâce à une imprimante 3D, francetv info analyse les dangers que peut représenter cette technologie.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Démonstration d'une imprimante 3D lors du concours Lépine à Paris, le 30 avril 2013, à Paris. (JOEL SAGET / AFP)

Cliquer, imprimer, tirer : ce "nouvel ordre" est proposé par Cody Wilson. Cet étudiant en droit américain de 25 ans a construit un pistolet avec une imprimante 3D. Copier un objet, Hergé en rêvait dans son Tintin et le lac au requin. La machine est désormais disponible dans le commerce, moyennant 1 500 euros. Quant à l'arme conçue par Cody Wilson, elle révèle tous les menaces, encore mal appréhendées, que représente cette nouvelle technologie.

Le risque sécuritaire

"On fait ça pour donner le pouvoir aux gens (…), pour créer un nouvel ordre", annonce avec provocation Cody Wilson, cité dans Forbes (en anglais). Le créateur de la première arme construite grâce à une imprimante 3D a donc mis à disposition les plans du pistolet sur le site internet de son organisation Defense Distributed. Si Cody Wilson reconnaît que "cet outil pourrait servir à blesser des gens", il estime que "ce n'est pas une raison pour ne pas le mettre à disposition. La liberté reste la priorité". Des déclarations qui angoissent les défenseurs d'une réglementation plus stricte sur les armes, dans un pays qui en compte presque autant (300 millions) que d'habitants (315 millions). "Cela retourne l'estomac", a réagi le sénateur démocrate de New York Charles Schumer. "Maintenant, n'importe qui, un terroriste, un malade mental, un conjoint violent peut ouvrir une fabrique d'armes dans son garage. Il faut que cela cesse." Le représentant Steve Israel, également de New York, a proposé un projet de loi interdisant la fabrication maison des armes en plastique. "Les contrôles de sécurité, les réglementations ne serviront à rien si les criminels peuvent imprimer leurs armes en plastique à la maison", a-t-il souligné.

Une menace d'autant plus réelle que d'autres modèles sont déjà en cours de développement, et notamment un fusil AR15, le même modèle que celui utilisé par Adam Lanza, l'auteur de la fusillade de Newtown. L'arme, partiellement "imprimée", de Cody Wilson s'est, elle, cassée au bout de six tirs. Des clés de menottes sont également disponibles. La méthode a cette fois-ci été encore plus simple. La clé originale, commune pour chaque modèle, a été achetée sur internet avant d'être copiée.

Le risque économique

Au-delà des armes, les possibilités offertes par l'imprimante 3D semblent infinies. Comme la machine à vapeur, ou le PC en leurs temps, elle est considérée comme l'invention qui va révolutionner l'industrie, et plus largement l'économie mondiale. Le marché pourrait peser jusqu'à 3 milliards de dollars (2,3 milliards d'euros) en 2016. Plus besoin d'importer de Chine ou d'Inde, les productions pourraient être relocalisées en France, en Europe, aux Etats-Unis. Ces derniers ont donc investi dans ce secteur 30 millions de dollars en 2012 (22 millions d'euros) et les Britanniques 10 millions d'euros. 

Mais les industriels ne se frottent pas les mains pour autant et se rappellent l'arrivée des fichiers MP3 au début des années 90, qui a permis de copier de la musique sans aucun contrôle. "On peut rematérialiser ce qui est dématérialisé. (...) On pourra tout retrouver sur internet et le reproduire, qu’on soit bidouilleur ou simple consommateur. Les individus rentreront en concurrence avec les industries, le risque étant que les premiers subissent la propriété industrielle de plein fouet", explique Benjamin Jean, juriste spécialisé dans la propriété intellectuelle interrogé par Rue89. Le site The Pirate Bay a ainsi créé sa rubrique, baptisée Physibles, qui met en ligne des notices de modèles 3D. Une première plainte en piratage a été déposée en 2011 après la mise en ligne d'un modèle 3D imprimable d'un accessoire central du film Super 8 de JJ Abrams. Une procédure qui va se multiplier avec la démocratisation de l'imprimante 3D.

 Le risque sanitaire

Un autre problème se pose : celui de la qualité des produits répliqués. Réalisés à la maison, ils ne sont pas testés, éprouvés, comme ceux commercialisés. Leur fiabilité peut donc être mise en doute. “Que se passera-t-il si quelqu’un transporte une casserole d’eau bouillante avec un manche défectueux imprimé en 3D et qui lâche ?”, s'interroge ainsi Graham Tromans, un consultant britannique en technologie d’impression tridimensionnelle, interrogé par France 24.

Pour l'instant, aucune mesure n'a été envisagée de la part des constructeurs ou des gouvernements. Cette question viendra sûrement, mais dans quelques années, si les ventes de telles imprimantes s'envolent. Mais avant cela, c'est sans doute la peur que chaque citoyen puisse, chez lui, créer sa propre arme qui animera le débat.

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