Jeu vidéo : "Le jeu Starcraft 2 m'a permis de vivre du streaming"
A l'occasion de l'annonce par Google de la sortie de la plateforme de diffusion de jeux vidéo YouTube Gaming, francetv info est allé à la rencontre d'un professionnel du secteur.
"Bonjour tout le monde ! Désolé pour le léger retard, mais un journaliste est venu me poser des questions !" Lorsqu'il s'empare de son micro-casque et prend l'antenne, Pierre-Marie Humeau est seul dans le petit bureau du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), aménagé en studio vidéo. Plusieurs dizaines de personnes écoutent pourtant déjà le jeune homme, impatientes de le voir s'entraîner sur Heroes of the Storm, un jeu vidéo de bataille en arène.
Connu sous le pseudonyme de "YoGo", ce grand brun diffuse presque quotidiennement ses parties en direct sur Twitch, une plateforme de streaming uniquement dédiée au jeu. Google a annoncé, vendredi 12 juin, vouloir la concurrencer avec la création d'un nouveau service, YouTube Gaming. L'occasion pour francetv info de rencontrer l'un de ces passionnés, à mi-chemin entre l'animateur télé et l'expert en jeux vidéo.
De simple amateur à diffuseur professionnel
A seulement 26 ans, Pierre-Marie Humeau fait presque partie des vieux routards du streaming. "J'ai commencé à diffuser mes premières parties de Warcraft 3 à l'été 2009. A l'époque, j'étais étudiant en maths à Angers, et les méthodes pour streamer étaient vraiment artisanales, aucun service n'était dédié au jeu vidéo", se souvient-il. La structure de joueurs français Millenium, qui l'accueille, doit même alors mettre la main à la poche pour acheter de la bande passante supplémentaire aux plateformes vidéos dont elle surcharge les serveurs pour diffuser des matchs sur internet à quelques initiés.
La situation change un an plus tard avec la sortie du jeu de stratégie Starcraft 2. "De plus en plus de joueurs amateurs ont voulu observer les techniques des meilleurs, et face à la demande, Millenium a décroché un contrat publicitaire avec la plateforme française Dailymotion", explique Pierre-Marie Humeau. La structure a dès lors pu commencer à rémunérer ses joueurs-animateurs, qui, lorsqu'ils ne s'entraînent pas sous le regard de centaines d'internautes, commentent les grandes compétitions internationales à la manière d'un Jean-Michel Larqué du jeu vidéo.
"Je finis parfois par ne plus avoir de voix"
Désormais, YoGo, qui a abandonné les études pour vivre de sa passion, streame entre deux et trois heures par jour en moyenne. Et entre les explications à fournir pendant les parties et les réponses aux questions que les internautes lui posent via un chat adossé à ses vidéos, l'exercice lui demande une concentration de tous les instants.
Cela n'aide pas à devenir un meilleur joueur : cet après-midi, la première partie jouée par Pierre-Marie Humeau se solde par une nette défaite. "Tous ceux qui streament le savent : tu as beau être très bon, le niveau chute quand tu dois faire plusieurs choses en même temps !", s'amuse-t-il devant la caméra, avant de sélectionner un nouveau personnage et de lancer un autre match.
Une quinzaine de minutes, quelques cris et une victoire plus tard, YoGo rend l'antenne. Il salue son audience, et passe le relais en trois clics à un autre animateur, qui diffuse, lui, depuis son domicile. "Les spectateurs viennent autant pour l'expertise que nous pouvons amener que pour notre capacité à faire le show", sourit le jeune homme en enlevant son micro-casque. "Il m'arrive parfois d'avoir la gorge tellement asséchée après des heures de commentaires que je finis par ne plus avoir de voix et par avoir des aphtes plein la bouche. Pour éviter cela, je fais en sorte de boire énormément pendant les pauses pub."
Jusqu'à 16 000 euros par mois
Twitch, qui accueillait, en 2014, 100 millions de visiteurs uniques chaque mois, rémunère ces animateurs d'un nouveau genre notamment par la publicité, dont le montant varie en fonction de la popularité du programme. "Mais notre public est constitué en très large majorité de personnes très à l'aise avec leur ordinateur, et qui utilisent pour la plupart des logiciels pour bloquer les publicités", détaille Pierre-Marie Humeau.
Afin d'obtenir des recettes supplémentaires, la plupart des streamers proposent à leurs spectateurs d'effectuer des dons destinés à leur permettre de continuer leur activité. Ceux qui jouent le jeu sont remerciés à l'antenne, et bénéficient de quelques petits avantages qui diffèrent d'un animateur à l'autre.
L'un des streamers les plus populaires de la plateforme Twitch, Lirik, obtiendrait un salaire avoisinant les 16 000 euros par mois, selon le site spécialisé The Daily Dot (en anglais).
"On est obligés de s'adapter pour durer"
Si YoGo est encore loin d'avoir les mêmes revenus que Lirik, il est, comme les autres animateurs, confronté à la difficulté de devoir s'adapter pour continuer à vivre de sa passion. "Comme dans d'autres domaines, le jeu vidéo est un univers soumis à la mode", explique le Français. "Le jeu Starcraft 2, qui m'a permis de vivre du streaming, n'est par exemple plus aussi populaire qu'il y a deux ans. Si cela ne tenait qu'à moi, je ne jouerais encore qu'à cela, mais on est obligés de changer pour durer, d'autant qu'il y a de plus en plus de concurrents."
L'enjeu est de taille, car le monde du streaming aiguise de plus en plus l'appétit des grands groupes. En août 2014, Amazon n'a ainsi pas hésité à débourser 734 millions d'euros pour chiper Twitch à Google, qui était interessé. En France, le groupe Webedia, qui détient AlloCiné, Pure Médias ou encore Jeuxvideo.com, a racheté en février Millenium, pour laquelle travaille encore Pierre-Marie Humeau. Et YoGo devrait bientôt retransmettre ses parties depuis un vaste studio de diffusion situé à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).
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