Facebook a-t-il raison de vouloir racheter Snapchat pour 3 milliards de dollars ?
La start-up américaine, dont l'application permet d'échanger entre mobiles des messages et photos éphémères, a refusé l'offre du réseau social.
Trois milliards de dollars (2,2 milliards d'euros) pour Facebook, 4 pour le chinois Tencent (3 milliards d'euros). L'application Snapchat, qui permet aux internautes d'échanger sur leur mobile des messages et photos éphémères, effacés au bout de quelques secondes, fait tourner les têtes des géants du web. Même Google serait sur les rangs, rapporte le Valley Wag (en anglais). Leurs offres d'achat semblent ne pas connaître de limite. Au point que la start-up américaine se paie le luxe de refuser leurs avances, comme celles de Facebook, récemment éconduit, selon le Wall Street Journal (en anglais).
Pourquoi une telle frénésie ? Cette application vaut-elle vraiment de telles sommes ? Éléments de réponse.
Oui, car l'application cartonne
Lancée en 2011 par deux jeunes d'à peine 20 ans, Evan Spiegel et Bobby Murphy, Snapchat a connu une ascension fulgurante en 2013, avec son arrivée sur le système d'exploitation Android, majoritaire sur les smartphones. En octobre 2012, 20 millions de messages et photos ont été échangés sur l'application, rappelle Techcrunch (en anglais). En juin 2013, ce chiffre a bondi à 200 millions, avant d'atteindre les 350 millions en septembre, selon la société.
Pourquoi un tel succès ? Alors que les débats sur la conservation des données et la vie privée agitent régulièrement la toile, le service promet des contenus éphémères, supprimés quelques secondes après leurs consultations. Comme nous l'expliquions en février, il propose rien moins que de communiquer à la manière de Mission : Impossible. La photo ridicule/dénudée/compromettante que vous envoyez s'autodétruit une fois consultée dans un délai de 10 secondes maximum.
Oui, car Facebook s'essouffle
A l'inverse, même s'il reste confortablement installé au sommet de la hiérarchie des réseaux sociaux (1,1 milliard d'utilisateurs en mai 2013, selon Associated Press, en anglais), Facebook s'essouffle. Le réseau social est régulièrement accusé de pousser ses utilisateurs à révéler publiquement le plus de contenus possibles, au point de provoquer des phénomènes de panique, comme le vrai-faux bug d'octobre 2012.
Des accusations qui contaminent les autres services du groupe. Racheté en avril 2012 par Facebook, Instagram a sérieusement entamé la confiance des internautes avec la présentation de nouvelles conditions d'utilisation contestées en décembre 2012. Et le clone de Snapchat, Facebook Poke, lancé fin 2012, est un échec, raconte Business Insider (en anglais).
Ce problème d'image commence à se traduire dans la fréquentation du site. Fin octobre, le directeur financier du groupe a reconnu "une baisse de l'usage quotidien" du réseau par les adolescents américains, "spécialement parmi les plus jeunes".
Non, car les photos ne sont pas vraiment éphémères
Snapchat n'est pas non plus à l'abri des polémiques sur la conservation des données des utilisateurs. En mai, comme le raconte Le Monde.fr, un chercheur de l'entreprise américaine Decipher Forensics a découvert un moyen de récupérer l'ensemble des photos reçues par un utilisateur sur un téléphone Android, conservées en réalité dans un dossier caché sur le disque dur de l'appareil.
Dans un post de blog (en anglais), la compagnie a réagi en assurant que les photos stockées sur le smartphone étaient bien détruites une fois consultées. Mais elle a reconnu qu'"avec le bon logiciel, il est parfois possible de récupérer des données supprimées". "Donc, gardez cela en tête avant de glisser un secret d'Etat dans vos photos", a ironisé Snapchat, qui a révélé récemment qu'il communiquait les "snapchats" non ouverts à la police si celle-ci le demandait, rapporte The Guardian (en anglais).
Même si vous n'êtes pas recherché par la justice, la suppression de vos photos n'est pas garantie. D'abord parce que le destinataire peut en faire des captures d'écran et les partager, pointe Buzzfeed (en anglais). Même si l'application vous en avertit, le mal est fait. Ensuite parce que d'autres applications, comme SnapHack, proposent tout simplement de récupérer les photos reçues sans que soit envoyée de notification à l'expéditeur. Bref, l'application ne tient pas complètement ses promesses. Et cela pourrait poser problème à terme pour un service utilisé précisément parce qu'il est censé ne pas laisser de traces.
Non, car Snapchat ne gagne pas d'argent
Enfin, malgré son succès, Snapchat n'a pas encore trouvé le moyen de gagner de l'argent. Si d'autres réseaux sociaux, comme Twitter et Facebook, sont passés par là, le problème est un peu plus compliqué à résoudre pour la start-up, puisque les contenus qu'elle pourrait valoriser sont détruits au bout de quelques secondes.
Comme le rapporte Techcrunch (en anglais), l'entreprise y travaille et teste plusieurs systèmes, comme des liens vers des albums de musique en ligne ou des achats à l'intérieur de l'application. Mais la monétisation de Snapchat n'en est qu'à ses balbutiements. L'application n'est donc pas près de rapporter à un éventuel acheteur les milliards de dollars qu'il aura dépensés pour l'acquérir.
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