: Vidéo "Les adultes n'ont pas conscience de ce que leurs enfants regardent" : un documentaire au cœur du combat de familles contre les réseaux sociaux
Protéger les enfants de la violence du monde numérique et alerter les pouvoirs publics sur la dangerosité des réseaux sociaux. Ce combat, c'est celui mené par des mères de famille aux Etats-Unis et en Europe. Une bataille que l'on peut suivre dans un documentaire intitulé Emprise numérique, 5 femmes contre les Big 5, réalisé par Elisa Jadot et diffusé mardi 10 décembre à 21h05 sur France 5.
Le film relate comment des familles ainsi que de nombreux Etats américains ont décidé d'assigner en justice les principales plateformes utilisées par les adolescents : Meta, Snapchat, Tiktok, X, Discord... Il questionne la responsabilité de leurs dirigeants dans le mal-être et le suicide de certains jeunes utilisateurs, ainsi que les moyens utilisés afin d'accroître leur dépendance à ces réseaux. Le documentaire est ponctué par des extraits de l'audition publique des géants de la tech interrogés par des sénateurs américains en janvier dernier à Washington.
Une addiction avérée aux réseaux
Kathleen et sa fille de 21 ans, Alexis, qui témoignent dans le documentaire, se trouvaient au Sénat lors de ces auditions, comme de nombreuses familles de victimes. Une petite victoire pour les deux femmes, qui ont figuré parmi les premières à porter plainte en 2021 contre le puissant réseau Meta, accusé d'avoir menacé la vie d'Alexis à l'adolescence.
Enfant, celle-ci mène une vie équilibrée au sein d'une famille aimante. Petite fille au tempérament joyeux, elle s'épanouit dans de multiples activités jusqu'au jour où elle convainc ses parents de lui acheter un smartphone. "J'avais 11 ans quand j'ai téléchargé Instagram pour la première fois, et c'est là que tout a commencé", explique-t-elle.
La jeune fille développe rapidement une addiction à ce monde virtuel et se renferme progressivement sur elle-même malgré la vigilance de ses parents. "A cette époque, on ne savait pas vraiment ce qu'était un smartphone et tout ce que l'on pouvait faire avec cet appareil", complète Kathleen.
Des parents démunis
La dépendance de la jeune fille aux réseaux la coupe de ses parents, de ses passions naissantes et commence à affecter sa santé mentale. "Je regardais tout et n'importe quoi, poursuit Alexis. Cela a commencé très innocemment. A force de regarder du fitness, l'application a commencé à me montrer des mannequins. Je me suis dit : 'Voilà à quoi je veux ressembler !'" Elle reçoit rapidement, par le biais des algorithmes, de nombreuses photos de jeunes femmes squelettiques. Alexis développe alors des troubles du comportement alimentaire et devient anorexique.
Ses parents lui font consulter de nombreux médecins. "Mais, à ce moment-là, personne du milieu médical ne savait que l'addiction et les problèmes de santé mentale de ma fille provenaient des réseaux sociaux", affirme Kathleen. Ce qui est encore le cas aujourd'hui en France, déplore la réalisatrice Elisa Jadot auprès de franceinfo.
"Les services médicaux, dans leur grande majorité, ne font jamais le lien entre santé mentale et réseaux sociaux. Lorsque des parents demandent de l'aide pour leurs enfants, les médecins évoquent des troubles liés à la bipolarité ou à la schizophrénie. A aucun moment, les praticiens ne demandent aux parents si leur enfant passe du temps sur les réseaux sociaux."
Elisa Jadot, réalisatrice d'"Emprise numérique, 5 femmes contre les Big 5"à franceinfo
La responsabilité des algorithmes
Alexis a tenté de mettre fin à ses jours. "J'ai posté une photo qui disait que j'avais l'intention de me suicider ce soir-là. C'est comme un cri dans le silence", raconte la jeune femme, qui a été sauvée et a réussi à se reconstruire grâce à l'amour et au combat de ses parents, convaincus de la responsabilité de Meta, propriétaire d'Instagram, dans l'addiction de leur fille. "Les adultes sont tout aussi accros, expose Kathleen. Et pourtant, ils n'ont pas conscience de ce que leurs enfants regardent. Ils pensent qu'ils voient des photos de petits chats mignons, mais ce n'est pas du tout le cas. Ils regardent de l'anorexie, de l'automutilation."
En cause, la faiblesse de la régulation de ces contenus souvent mortifères qui inondent les écrans des adolescents. "Entre le profit et la sécurité, les dirigeants de ces réseaux choisissent le profit, se désole Elisa Jadot. Ils disent qu'ils veulent réguler davantage les contenus qui mettent en danger les jeunes, mais le réseau Meta ne compte que 40 000 modérateurs, alors que près de 3 milliards de personnes se connectent, dont plus d'un milliard d'adolescents. Ce n'est pas suffisant, il faut surtout qu'ils revoient comment fonctionnent leurs algorithmes."
Le documentaire Emprise numérique, 5 femmes contre les Big 5, réalisé par Elisa Jadot, est diffusé mardi 10 décembre à 21h05 sur France 5 et sur la plateforme france.tv.
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