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Soixante images par seconde sur YouTube, l'innovation qu'on adore ou qu'on déteste

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Sur les vidéos tournées en 24 images par seconde, les mouvements rapides ont un effet de flou auquel nos yeux sont habitués. (TOR LINDQVIST / E+ / GETTY)

La plateforme héberge depuis début octobre ces vidéos, dont la netteté peut troubler les yeux non préparés.

Attention, expérience perturbante. Ouvrez le navigateur Google Chrome, lancez la vidéo suivante en qualité standard, puis attendez quelques secondes avant de cliquer sur l'icône en forme de molette ("Paramètres", en bas à droite) pour passer le film en HD. 

Sans surprise, l'image est de meilleure qualité, mais ce n'est pas tout. Les mouvements du danseur semblent plus fluides et précis, presque trop pour être vrais. L'explication de cette drôle d'impression est donnée par l'auteur dans la description : "Cette vidéo a été enregistrée avec 60 images par seconde et est prévue pour être regardée ainsi. (...) Cela peut sembler un peu étrange au départ, mais après quelque temps, cela pourra vous paraître très fluide et naturel. Essayez, certains apprécient plus que d'autres." 

Depuis le 29 octobre, YouTube héberge en effet des vidéos dont le nombre d'images par seconde (ou FPS, pour frames per second) peut être jusqu'à deux fois et demi plus élevé que celui d'un film traditionnel projeté au cinéma, rapporte 01net. Francetv info vous dit tout de cette innovation qui risque d'en dérouter plus d'un.

Des images plus précises...

Commençons par un peu de théorie. Contrairement aux idées reçues, l'œil humain est capable de percevoir bien plus que les 24 images par seconde auxquelles nous a habitué le cinéma, et à partir desquelles une vidéo est généralement considérée comme parfaitement fluide. Nos yeux peuvent ainsi saisir l'amélioration de la fluidité d'une vidéo jusqu'à 240 FPS, indique une étude menée par des chercheurs japonais citée en 2012 par Le Figaro. 

"Filmer une scène au-delà des 24 ou 25 FPS habituels peut avoir deux intérêts", explique Bernard Fontaine, directeur de l'innovation de France Télévisions éditions numériques. "Cela permet d'obtenir de beaux ralentis, pendant lesquels l'image ne saccade pas, mais aussi d'améliorer la netteté lorsque la caméra ou ce que l'on voit à l'image bouge rapidement". La différence est particulièrement flagrante sur l'image animée suivante, dans laquelle les trois barres verticales avancent à la même vitesse, mais à un nombre d'images par seconde qui n'est pas le même.

... mais trop fidèles à la réalité pour le cinéma

Le cinéma a déjà essayé de s'emparer de cette innovation, appelée HFR (pour high frame rate). Les films de la trilogie du Hobbit de Peter Jackson ont ainsi été filmés à 48 images par seconde, soit le double de la fréquence utilisée depuis le début du cinéma parlant, dans les années 1920. Un mois avant la sortie du premier opus, à la mi-décembre 2012, le réalisateur promettait aux cinéphiles une expérience révolutionnaire. "Cela ne ressemblera pas aux films que vous avez l'habitude de voir, comme les premiers CD audio ne ressemblaient pas aux disques vinyles", écrivait alors Peter Jackson sur sa page Facebook officielle.

Mais l'expérience n'a pas rencontré le triomphe espéré. Non seulement un nombre très réduit de salles obscures étaient équipées de la technologie nécessaire pour projeter le film en HFR, mais une bonne partie des spectateurs qui ont visionné le film dans ce nouveau format ont été déroutés par l'expérience. Certains journalistes du site Les Numeriques.com ont ainsi évoqué des "images (...) trop fluides, si bien que les personnages paraissent bouger trop rapidement", ou encore une impression de "haut-le-cœur durant certains plans très rapides", alterné avec un "émerveillement le plus total devant la netteté de la plupart des images".

La faute à des habitudes façonnées par près d'un siècle de cinéma cadencé à 24 FPS, affirme Bernard Fontaine : "A force, notre regard s'est habitué au phénomène de flou durant les séquences rapides, qui a fini par devenir naturel." Pas sûr que cela change de sitôt : à part James Cameron, qui a indiqué en février à RTL envisager de tourner les trois suites du film Avatar en HFR, rares sont les réalisateurs qui se risquent à utiliser cette technologie.

Des débouchés pour le sport et le jeu vidéo

Heureusement pour les adeptes d'images nettes en toutes circonstances, l'augmentation du nombre d'images par seconde est mieux acceptée dans les domaines des retransmissions sportives. "Lors de la dernière édition de Roland-Garros, nous avions mis en place un stand où le grand public pouvait suivre la compétition en très haute définition, filmée entre 50 et 60 images par seconde, raconte Bernard Fontaine. Ceux qui passaient devant étaient bluffés par la netteté des mouvements de la balle, et étaient très impressionnés par la qualité des images."

Même constat du côté du jeu vidéo. Dans ce domaine, où les 24 images par seconde sont très fréquemment dépassées, le passage de YouTube à une cadence d'image supérieure permet de rendre compte plus fidèlement de l'expérience originale. Visionné en HD à 60 FPS, cet extrait d'une partie de Mario Kart vous donnerait presque l'impression d'avoir une manette entre les mains.

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