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Guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis : quatre questions sur la suspension des relations entre Google et Huawei

Le géant américain a suspendu ses relations commerciales avec la firme chinoise, placée sur la "liste noire" des entreprises par Washington.

Article rédigé par franceinfo
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Une employée de Huawei à un événement de la firme à Shenzhen (Chine), le 6 mars 2019. (WANG ZHAO / AFP)

Coup dur pour Huawei. Google a indiqué, dimanche 19 mai, qu'il suspendait ses relations commerciales avec l'entreprise chinoise, soupçonnée par les Etats-Unis d'espionnage pour le compte de Pékin. D'autres entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies et la téléphonie ont fait des annonces similaires, lundi. Quelles sont les conséquences de ces décisions pour les consommateurs ? Pourquoi Huawei est-il mis au ban par les Etats-Unis ? Franceinfo fait le point sur cette situation.

1Pourquoi Google suspend-il ses relations commerciales avec Huawei ?

Donald Trump a signé, jeudi 16 mai, un décret interdisant aux entreprises américaines de se fournir en équipements auprès de groupes dont les activités sont jugées "à risque" pour la sécurité nationale américaine. " [Des] adversaires étrangers exploitent de façon croissante des vulnérabilités dans les services et les infrastructures technologiques de l'information et de la communication aux Etats-Unis", explique la Maison Blanche, citée par Les EchosSi le décret ne parle pas nommément de Huawei, la firme chinoise est directement affectée par ce décret. 

Le département américain du Commerce a en effet placé Huawei et ses filiales sur la liste d'entreprises suspectes du Bureau de l'industrie et de la sécurité. Conséquence : les firmes américaines doivent désormais obtenir une autorisation du gouvernement pour commercer avec le groupe chinois. "Cela évitera que des technologies américaines ne soient utilisées par des entités étrangères à des fins qui nuiraient à la sécurité nationale des Etats-Unis ou à leurs intérêts de politique étrangère", a justifié le secrétaire américain au Commerce.

Google, ainsi que d'autres entreprises de la technologie, ont suspendu leurs relations commerciales avec Huawei en application de ces décisions de la Maison Blanche. "Nous nous plions à ce décret et examinons ses implications", a indiqué Google à l'AFP, pour justifier son annonce. "Nous avons connaissance de l'interdiction [de commercer] décidée par le département du Commerce concernant Huawei, et nous coopérons", a également déclaré Xilinx, qui fabrique des composants électroniques, au site TechCrunch (en anglais).

2Qu'est-ce que cela va changer pour Huawei ?

Huawei payait jusqu'ici une licence à Google, afin d'équiper ses smartphones de la dernière version du système d'exploitation mobile du géant du web, Android. Mais le groupe américain ne fournira désormais plus de logiciels, de matériel informatique ou de services techniques à la firme chinoise, précisent Les Echos. Huawei n'aura accès qu'à la version gratuite et en libre accès (en "open source") de son système d'exploitation, l'Android Open Source Project (AOSP). Cette dernière est mise à jour moins fréquemment que la version payante et ne permet pas de préinstaller tous les services de Google, comme le moteur de recherche.

Google n'est pas la seule entreprise américaine à avoir annoncé la suspension de ses relations avec le groupe chinois. Selon Bloomberg (en anglais), les fabricants de puces Intel, Qualcomm, Wilix et Broadcom ne fourniront plus non plus l'entreprise chinoise, jusqu'à nouvel ordre. Lumentum, qui produit des pièces pour les téléphones portables, a également indiqué suspendre toutes ses livraisons à Huawei. La firme avait toutefois anticipé ce cas de figure et dispose de trois mois de réserve de puces, précise Bloomberg.

Ces difficultés d'approvisionnement pourraient néanmoins avoir un impact conséquent sur Huawei, qui importe 11 milliards de dollars de composants américains chaque année, selon Les Echos. Elles pourraient notamment "obliger la Chine à retarder la construction du réseau de la 5G jusqu'à ce que l'interdiction soit levée". Selon TechCrunch, certains opérateurs téléphoniques américains pourraient également être contraints de remplacer les équipements Huawei déjà installés ou de trouver d'autres fournisseurs pour déployer la 5G.

3Quelles sont les conséquences pour les consommateurs ?

La situation est assez floue. Les détenteurs d'un smartphone Huawei ou Honor (une filiale du groupe) ne devraient pas être affectés dans un premier temps, indique Le Parisien"Google Play et le système de sécurité Google Play Protect continueront à fonctionner sur les appareils (...) existants", a ainsi précisé un porte-parole de Google. Les utilisateurs pourront donc continuer à mettre à jour leurs applications. On ignore en revanche s'ils pourront bénéficier des prochaines mises à jour d'Android ou basculer sur le nouveau système d'exploitation de Google, Android 10 Q.

Le changement le plus important concerne les nouveaux smartphones Huawei. Ils n'auront plus accès à Google Play, "la principale boutique d'application mobile en Occident", selon Le Figaro. Une situation problématique pour la firme chinoise, devenue le deuxième vendeur de smartphones dans le monde, derrière le Sud-Coréen Samsung. La firme sera par ailleurs obligée d'équiper ses nouveaux appareils de la version libre de droits d'Android, AOSP, mais les utilisateurs n'auront plus accès aux services de Google (YouTube, Google Maps ou encore Gmail). "Pour Huawei, le risque est que les consommateurs occidentaux décident, à l'avenir, d'opter pour une autre marque afin de profiter de tous les services habituellement proposés sur les smartphones Android", précise Le Figaro.

4Huawei a-t-il des solutions ?

Huawei pourrait décider de développer sa propre boutique d'applications pour compenser l'impossibilité d'accéder au Google Play. Mais "encore faudra-t-il que son catalogue soit aussi étoffé que celui" d'Android, indique Le Figaro. La décision de Google pourrait également "inciter Huawei à suivre l'exemple d'Apple et proposer son propre système d'exploitation", estime l'AFP. Avec 203 millions d'appareils vendus dans le monde en 2018, le groupe est aujourd'hui incontournable sur le marché des smartphones. Les développeurs d'applications seraient donc obligés de développer une version de leur produit dédiée à Huawei, sous peine de se priver de nombreux clients potentiels. "Un monde sans Android par Google est possible, comme en Chine, où 80 % des smartphones tournent dessus alors que Google est interdit", souligne Ulrich Rozier, cofondateur du site spécialisé FrAndroid, dans les colonnes du Parisien.

Dans un court communiqué publié lundi 20 mai, Huawei assure pour l'instant qu'il reste "un partenaire clé d'Android". Le groupe "continuera de fournir des mises à jour de sécurité et des services après-vente" sur tous ses smartphones et tablettes existants, y compris ceux qui ne sont pas encore vendus. Le ministère chinois des Affaires étrangères a par ailleurs indiqué qu'il suivait attentivement le dossier et que Pékin "soutient les entreprises chinoises pour prendre des mesures légales afin de défendre leurs droits légitimes".

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