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Panne des numéros d'urgence : "C'est une des premières défaillances majeures qu'on ait rencontrées"

Gérôme Billois, expert en cybersécurité au cabinet de conseil Wavestone, revient jeudi sur franceinfo sur la panne générale qui a touché les numéros d'urgence en France dans la nuit de mercredi à jeudi.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Gérôme Billois, le 11 octobre 2018. (JEAN FRAN?OIS OTTONELLO / MAXPPP)

Alors que les numéros d'urgence ont subi une panne générale en France dans la nuit de mercredi à jeudi, avec plusieurs lignes rétablies à partir de minuit, Gérôme Billois, expert en cybersécurité au cabinet de conseil Wavestone, pointe du doigt jeudi sur franceinfo des "équipements qui peuvent avoir des défaillances, souvent lors d'opérations de maintenance".

franceinfo : Comment en est-on arrivés là ?

Gérôme Billois : La gestion des numéros d'urgence, c'est simple pour les utilisateurs : on appelle le 15, le 18, le 112. Par contre, derrière, c'est une architecture complexe, parce qu'il faut savoir où vous êtes, puis vous mettre en relation avec les pompiers ou le Samu qui est le plus proche de vous. Il y a un système intelligent qui doit faire la correspondance entre votre localisation et l'endroit qui doit vraiment être appelé, le numéro qui doit vraiment être appelé. Et tout ça repose sur une architecture informatique composée de plein d'équipements, dont le fameux routeur dont on nous parle là.

Qu'est-ce qu'un problème de routeur ?

Un routeur, c'est un peu un échangeur, comme on en a sur les autoroutes. Mais c'est un échangeur dans le numérique, c'est à dire que c'est un équipement, une boîte, qui est raccordée à l'électricité, sur laquelle plein de câbles sont branchés. Et quand quelque chose va arriver sur une prise, sur un de ces câbles, il va choisir des directions : si quelqu'un appelle depuis la ville de Lyon, il va le renvoyer vers le Samu de la ville de Lyon. On a souvent l'impression que le numérique, ça marche tout le temps. Mais derrière, c'est des dizaines, des centaines, des milliers d'équipements électroniques qui sont en jeu pour répondre aux services qu'on utilise. Et ces équipements, à un moment ou à un autre, peuvent avoir des défaillances, souvent lors d'opérations de maintenance. On se souvient que TF1 avait eu une défaillance dans son JT de 13 heures exactement pour la même raison. Et des acteurs comme Google, Apple ou encore Amazon ont déjà eu des défaillances de ce type-là. Maintenant, il faut voir comment ça a été conçu et si ces pannes ou ces maintenances avaient été prévues, si des systèmes de secours avaient été déployés comme il fallait.

Justement, comment fonctionne dans notre cas le système de secours ?

Ce qui est quand même notable, c'est qu'il y a eu un système de secours "non-numérique", c'est-à-dire que tout de suite, les numéros ont été communiqués à la population. Maintenant, oui, il doit y avoir des systèmes de secours. Le problème, c'est que ces systèmes de secours dans le numérique sont souvent complexes, parce que souvent, ce qu'on fait, c'est qu'on double : au lieu d'avoir un routeur, qui peut tomber en panne, on en met deux. Le problème, c'est qu'il faut arriver à basculer de l'un sur l'autre quand le premier tombe en panne, et il faut être vraiment en panne pour basculer sur l'autre. Parfois, on bascule sur l'un, on bascule sur l'autre, on bascule sur l'un, et le système qui est fait pour le secours va plutôt dégrader le service. Il est beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions. Et le scénario que j'évoque est un des scénarios possibles. Mais ça va être intéressant et important pour la sécurité de l'ensemble des Français, de savoir ce qui s'est passé et comment tout ça peut être amélioré.

Quelles conclusions tirer de cette panne ?

Il va falloir évidemment attendre l'enquête du gouvernement, qui va être complexe parce qu'elle est à la fois technologique, organisationnelle, et elle va impliquer de nombreux éléments technologiques. À ma connaissance, c'est aussi une des premières défaillances majeures qu'on ait rencontrées, alors que ces numéros existent depuis très longtemps. Il va falloir enquêter en profondeur pour améliorer les systèmes et que ça ne se reproduise pas.

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