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Vous ne comprenez pas tout à la 5G ? On répond à neuf questions sur le réseau qui va révolutionner nos communications

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 16min
La 5G va permettre d'atteindre le niveau de la fibre en multipliant le débit des données par 10 sur appareil mobile.  (BORIS ROESSLER / DPA / AFP)

Cette technologie doit supplanter d'ici à 2023 l'actuelle 4G. Bien plus qu'une amélioration du réseau, elle est censée permettre un bond technologique considérable et fait d'ores et déjà l'objet d'une guerre acharnée entre la Chine et les Etats-Unis.

La promesse est alléchante : plus de débit, pour connecter davantage d'appareils destinés à nous simplifier la vie. Rien que cela. L'avènement de la 5G doit entraîner un bond technologique, une rupture même, à entendre l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). 

Certains experts du secteur des nouvelles technologies mobiles vont même plus loin en prédisant le "bouleversement le plus important depuis l'électricité". Alors que la France vient de lancer, lundi 15 juillet, sa procédure d'attribution des fréquences 5G, franceinfo se branche en haut débit et vous aide à décrypter cette nouvelle technologie que vous ne pourrez bientôt plus ignorer.

1C'est quoi la 5G ?

Il s'agit de la cinquième génération de réseau mobile (5G). Pour ceux qui auraient oublié les versions précédentes : la première génération, en 1986, permettait de passer des appels, la 2G d'envoyer des SMS ou des MMS (au début des années 1990), la 3G de surfer sur le web via son téléphone (2004) et la 4G (2011) de développer l'internet mobile plus largement avec une plus grande rapidité.

Cette fois-ci, la 5G, c'est l'ultra haut débit. Elle doit permettre d'atteindre le niveau de la fibre – jusqu'à 1 Gbps (gigabit par seconde) de débit en réception et jusqu'à 300 Mbps (mégabit par seconde) en émission –, en multipliant le débit des données par 10 et divisant les délais de transmission par 10 également. 

Actuellement, le réseau 4G offre des débits réels aux alentours de 30 Mbps. Plusieurs tests de la 5G en conditions réelles ont mesuré des vitesses allant de 700 Mbps à plusieurs Gbps, selon des tests. Concrètement, un film de 30 Go pourra être téléchargé en vingt minutes, contre 1h40 avec la 4G aujourd'hui, estime Orange.

2Comment ça fonctionne ? 

En matière de réseau téléphonique, tout est question de fréquence. La 5G va utiliser des bandes déjà existantes pour les générations antérieures mais également de nouvelles fréquences qui vont permettre de profiter pleinement du très haut débit.

Dans le détail, de très hautes fréquences dites "millimétriques", à 26 GHz, vont être utilisées. Une première pour des réseaux grand public. Celles-ci sont aujourd'hui réservées à l'armée française, à l'administration chargée de la météorologie ou encore au Centre national d'études spatiales. L'Arcep a lancé des consultations publiques en vue de leur réattribution pour le déploiement de la 5G, prévue pour la deuxième moitié de 2019.

3Faut-il installer de nouvelles antennes ?

Oui, mais elles vont surtout fleurir en ville. Le problème de ces ondes millimétriques, c'est que leur pouvoir de propagation est assez faible. Plus les fréquences sont hautes et moins la portée du signal est élevée. Les ondes millimétriques ont de plus la réputation de mal supporter la pluie et de ne pas traverser les murs. Il faudra alors s'attendre à voir fleurir de petites antennes reliées à une "antenne-mère", un peu partout dans le mobilier urbain, nichées par exemple dans les abribus ou les réverbères.

La 5G reposera sur une nouvelle génération d’antennes, qui orientent les signaux vers les appareils qui en ont besoin. Couplée avec des bandes de fréquences hautes, l’utilisation de ces antennes permettra d’accroître fortement les débits. (ANFR)

Pour atteindre le très haut débit sur votre mobile, la 5G utilisera également des antennes intelligentes, appelées "MIMO". Alors que les anciens réseaux wifi ou les réseaux GSM standards utilisent une seule antenne au niveau de l'émetteur et du récepteur, celles-ci en utilisent plusieurs, aussi bien pour l'émission que pour la réception. En multipliant ces antennes, on augmente ainsi le débit.

Ce type d'antennes permet de diriger le signal radio uniquement vers les utilisateurs quand ils en ont besoin (beam trackingau lieu d'être émis dans toutes les directions de manière constante. Résultat : les ondes ne sont plus dispersées et le débit est augmenté. 

4Quel est l'intérêt de cette nouvelle technologie ?

La principale promesse de la 5G sera d'offrir une connectivité omniprésente, ou "ultra connectivité", selon les termes utilisés par l'Arcep. C'est la possibilité de piloter à distance des milliards d'appareils, machines et engins en tous genres et dans tous les secteurs d'activité.

Exemples d'applications rendues possibles avec la 5G.  (COMMISSION EUROPEENNE)

Pour l'utilisateur lambda, la 5G va offrir plus de confort au quotidien. Il pourra, par exemple, télécharger des films en 4K voire en 8K, mais aussi jouer en ligne sans problème de latence (le délai de transmission dans les communications informatiques). Démonstration avec ce concert réalisé alors que la musicienne et le chanteur sont dans deux pièces différentes. 

Mais outre une navigation plus fluide, de nouvelles offres vont être proposées aux utilisateurs, avec notamment le développement des applications de réalité augmentée et de réalité virtuelle sur les smartphones. Les JO d'hiver de 2018 à Pyeongchang (Corée du Sud) nous en ont donné un avant-goût. L'opérateur télécoms KT avait ainsi équipé les pistes de ski d'une centaine de caméras connectées en 5G pour permettre aux spectateurs de suivre les mouvements des athlètes sous différents angles.

Comme la 5G permettra d'émettre uniquement à l'endroit et au moment où cela est nécessaire, en adaptant la puissance d'émission à l'usage, cela doit permettre également de prolonger considérablement la durée de vie des batteries des objets connectés.

5La 5G, ce n'est que pour le divertissement alors ?

Pas du tout, bien au contraire. La fin de la latence, c'est ce qui manquait jusqu'alors pour le développement des voitures autonomes, par exemple. Grâce à cette technologie, les véhicules pourront interagir en direct entre eux ou avec le mobilier urbain. Les constructeurs ont déjà bien avancé sur la question. Ford, BMW, Peugeot et DS Automobiles se sont notamment alliés au fabricant de puces Qualcomm et multiplient les démonstrations de rapidité du transfert de données de véhicule à véhicule et de véhicule à infrastructure. L'Ile-de-France a déjà consacré 100 millions d'euros pour devenir la première région mondiale du véhicule autonome. Des voies dédiées seront, dès cette année, équipées de systèmes informatiques sur les autoroutes franciliennes.

La 5G va également permettre le développement de la téléchirurgie. Un médecin à Paris pourra ainsi opérer un patient à l'autre bout du monde, via un robot. Selon le South China Morning Post, une première opération à distance sur un animal s'est tenue le 8 janvier en Chine grâce à une communication établie en 5G. 

Dernière avancée en date : la première opération chirurgicale au monde "télémonitorée" sur un être humain a été réalisée par un médecin espagnol en direct de la scène principale du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone le 27 février. Durant cette opération, le docteur Antonio de Lacy a apporté conseil et assistance technique en temps réel, via une télédiffusion réalisée par réseau 5G, à une équipe chirurgicale réalisant une opération sur une tumeur intestinale à l'Hospital Clinic de Barcelone, situé à 5 km de là.

Le docteur Antonio de Lacy donnant ses instructionsen direct lors d'une opération réalisée à 5 kilomètres du Mobile World Congress (MWC) à Barcelona (Espagne).  (PAU BARRENA / AFP)

Et si discuter par téléphone ou par vidéo devenait obsolète au profit des hologrammes ? C'est une autre des promesses de la 5G. Les opérateurs KT (Corée du Sud) et Verizon (Etats-Unis) ont déjà testé un appel de ce type avec succès (lien en anglais)La production manufacturière va sans doute être également bouleversée avec une multiplication des machines ou objets connectés, comme des robots de fabrication ou des drones de livraison.

Les opérateurs devront adapter en temps réel le réseau aux besoins des appareils connectés. "Les réseaux 5G devront s'adapter et se reconfigurer, en fonction de l'usage ciblé. Un réseau 5G, c'est en fait plusieurs sous-réseaux spécialisés qui vont devoir cohabiter. C'est le principe du 'network slicing', explique Sylvain Loizeau, de l'Arcep, interrogé par Le Figaro. Pour en arriver là, le chemin est encore long et des arbitrages devront être rendus pour donner la priorité à certains usages, comme la latence pour les voitures autonomes ou les flux destinés à des opérations médicales.

6Est-ce que je vais devoir changer de téléphone ? 

Forcément, vous allez devoir monter en gamme. Pour capter la 5G, il vous faudra un nouveau modem intégré à votre smartphone capable de prendre en charge les nouvelles fréquences. Pas d'inquiétude, tous les fabricants sont déjà sur les rangs pour proposer leurs modèles, disponibles à partir de la mi-2019. Mais, déjà, les premiers téléphones compatibles font leur apparition. En France, il reste néanmoins inutile d'en acquérir un pour le moment, en raison du délai de déploiement des infrastructures réseau.

7Qui est à la pointe de cette technologie ?

Sans conteste la Chine et son géant des télécoms Huawei. "Ils auraient entre 12 et 18 mois d'avance, estime auprès de franceinfo André Loesekrug-Pietri, fondateur du fonds d'investissement A.CAPITAL et porte-parole de la Joint European Disruptive Initiative (Jedi). Huawei s'appuie sur la Chine, un marché gigantesque, ainsi que sur les pays émergents comme l’Afrique, pour obtenir un effet d’échelle, des couts plus faibles, et investir massivement dans la recherche et le développement. Avec plus de trente opérateurs telecom qui se livrent une bataille des prix en Europe, on a une situation ou le prix est un élément clé qui ne peut que défavoriser des fournisseurs d’équipements comme Ericsson ou Nokia."

Problème : les infrastructures hautement stratégiques de Huawei sont-elles sûres ? De nombreux experts les soupçonnent de pouvoir permettre au renseignement chinois d'espionner les communications des pays qui les utiliseraient. Washington a déjà fait pression sur ses alliés, l'Allemagne notamment, pour stopper les négociations avec Huawei pour l'appel d'offres concernant l'équipement du pays en infrastructures 5G, comme le rapporte le Wall Street Journal (en anglais). Même si aucune preuve n'étaye à l'heure actuelle ces craintes. Reste que Ren Zhengfei, le fondateur de Huawei, est un ancien officier de l'armée chinoise et que sa fille, Wanzhou Meng, également directrice financière de la société, a été arrêtée au Canada au début du mois de décembre, soupçonnée d'avoir, via deux filiales, volé des secrets industriels au groupe de télécoms américain T-Mobile. Pour André Loesekrug-Pietri, l'Europe est désormais confrontée à un dilemme.

La 5G va permettre l'émergence de nouvelles filières industrielles, comme la voiture autonome ou l'usine du futur. Si on se passe de Huawei, et que l'on privilégie la sécurité, l'Europe va forcément prendre du retard sur ces filières essentielles pour notre croissance future.

André Loesekrug-Pietri

à franceinfo

"C’est un dilemme insupportable qui résulte d’un manque de vision stratégique depuis longtemps, poursuit André Loesekrug-Pietri. Et nous risquons d'avoir ce même dilemme dans de nombreux autres secteurs, comme les semiconducteurs, l’espace ou la biologie moléculaire."

Ce qui est certain selon cet expert, c'est que la France ne doit pas commettre les mêmes erreurs que lors des attributions des fréquences 4G. En 2015, les opérateurs avaient dépensé des centaines de millions d'euros au profit de l'Etat pour obtenir des fréquences, alors que ces sommes auraient pu être consacrées à la recherche. 

8Est-ce dangereux pour la santé ? 

La multiplication des antennes et des fréquences utilisées fait naître des craintes sur de potentiels effets néfastes pour la santé. "La 5G augmentera l'exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquence", ont déjà prévenu, en septembre 2017, plus de 170 scientifiques dans un moratoire"Les effets sont : un risque de cancer, de stress cellulaire, d'augmentation des radicaux libres nocifs, de dommage génétique et du système reproducteur, de déficits d'apprentissage et de mémoire, de troubles neurologiques", alertent-ils.

Avant même le lancement de la 5G, la question est d'ores et déjà sensible. En avril dernier, Emmanuelle Anthoine, députée Les Républicains de la Drôme, a demandé, dans un courrier adressé au ministère des Solidarités et de la Santé, sur le fondement du principe de précaution, de "faire réaliser des études indépendantes et approfondies concernant les effets de la 5G" et d'envisager "des mesures de protection pour les populations sensibles", faisant référence aux personnes disant souffrir d'une hypersensibilité électromagnétique.

En réponse, le ministère a rappelé que "les valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques s'appliquent indépendamment de la technologie (2G, 3G, 4G ou 5G)". Les réseaux 5G qui seront déployés par les opérateurs devront donc respecter ces valeurs limites tout autant que les technologies utilisées aujourd'hui.

9Quand cette technologie va-t-elle débarquer en France ?

En France, les ouvertures de réseaux 5G sont planifiées pour 2020. Mais cela ne concernera dans un premier temps qu'"au moins une grande ville", selon la feuille de route du gouvernement. Les principaux axes de transport devront être connectés d'ici à 2025, conformément aux recommandations européennes. Pour le moment, plusieurs sites expérimentent la 5G. C'est le cas à Belfort, Bordeaux, Douai, Grenoble, Lannion, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Toulouse, Sophia Antipolis et en Ile-de-France, comme le détaille l'ArcepA Ouistreham (Calvados) par exemple, l'objectif est d'établir un lien haut débit entre les côtes normandes et deux navires de la société Brittany Ferries qui relient les ports d'Ouistreham et Portsmouth (Royaume-Uni).

Les analystes d'Ericsson Mobility tablent déjà sur un développement dès 2021, principalement dans les pays d'Asie et du Pacifique, puis en Amérique du Nord, et enfin dans le reste du monde, dont l'Europe de l'Ouest.

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