Italie. Enrico Letta forme un gouvernement d'union entre la gauche et la droite
Après deux mois d'impasse, le démocrate Enrico Letta a proposé une équipe de coalition , avec le chef du parti de Silvio Berlusconi comme numéro 2. Décryptage.
Cela lui aura pris un peu plus de deux jours d'intenses tractations. Enrico Letta, le numéro deux du parti démocrate, a informé, samedi 27 avril, le président Giorgio Napolitano qu'il était en mesure de former un gouvernement de coalition en Italie, près de deux mois après les élections législatives. C'est un proche de Silvio Berlusconi qui en sera numéro deux. Il prêtera serment dimanche matin à 11h30 et devrait se présenter lundi matin devant l'Assemblée pour demander un vote de confiance.
Un gouvernement gauche-droite
Le gouvernement comporte six ministres issus du Peuple de la liberté (PDL, droite) et cinq du Parti démocrate (PD, gauche) dont est également issu Letta, ainsi que trois indépendants et une centriste. Signal très fort de cette "large entente" encore mal acceptée par nombre de militants du PD, Angelino Alfano, le chef du PDL et proche du Cavaliere, sera vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur.
Le parti fondé par Berlusconi obtient également les ministères des Infrastructures et des Transports (Maurizio Lupi), de la Défense (Mario Mauro), de l'Agriculture (Nunzia Di Girolamo), de la Santé (Beatrice Lorenzin) et des Réformes constitutionnelles (Gaetano Quagliariello).
Du côté gauche de l'échiquier politique italien, les démocrates décrochent l'Éducation (Maria Chiara Carrozza), l'Environnement (Andrea Orlando), les Politiques culturelles (Bray Maximale), les relations avec le Parlement (Dario Franceschini) et l'Égalité des chances et du sport (Josefa Idem).
L'ex-commissaire européenne Emma Bonino, issue du Parti radical, devient ministre des Affaires étrangères et le directeur de la Banque d'Italie Fabrizio Saccomanni est nommé ministre de l'Economie. Enfin, Annamaria Cancellieri, une indépendante qui était ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de Mario Monti, est nommée elle ministre de la Justice, un maroquin sensible alors que Silvio Berlusconi apparaît dans de nombreuses affaires.
Une alliance précaire
"C'est un gouvernement politique, l'unique possible", a commenté le président de la République à l'issue de sa rencontre avec le futur président du Conseil. Réélu presque contre son gré à 88 ans, il a plaidé pour "une rénovation, un changement générationnel et une forte présence féminine". Une façon de répondre au besoin de changement exprimé par les Italiens, notamment par le succès inattendu de Beppe Grillo, qui a vu dans les tractations tous azimuts un "mépris pour les huit millions d'Italiens" ayant voté pour lui. De son côté, Enrico Letta a formulé sa "sobre satisfaction" et s'est surtout félicité du "record de présence féminine et le rajeunissement de l'équipe".
Le futur chef du gouvernement s'est fixé pour principal objectif des réformes institutionnelles : "réduire le nombre de parlementaires, modifier le bicaméralisme et voter une nouvelle loi électorale" afin d'éviter que ce se reproduise l'impasse politique des deux derniers mois. Reste ensuite à les faire voter par un Parlement des plus divisés.
Ce que l'on sait des tractations
La tâche de l'élu de centre-gauche Enrico Letta était compliquée : il s'agissait de faire travailler ensemble deux forces qui ont multiplié les attaques mutuelles depuis des années. La gauche répétait sur tous les tons ces dernières semaines qu'elle n'accepterait jamais de gouverner avec son ennemi juré, Silvio Berlusconi. Majoritaire à la Chambre des députés, mais pas au Sénat, elle n'avait pu trouver l'appui nécessaire pour former un gouvernement.
Samedi, Enrico Letta s'est entretenu avec son ex-patron au Parti, Pier Luigi Bersani, puis, pendant plus de deux heures, avec une importante délégation du Peuple de la Liberté (PDL, droite). Son fondateur Silvio Berlusconi, le dirigeant du PDL Angelino Alfano, et le conseiller spécial du Cavaliere, qui n'est autre que son oncle, Gianni Letta, étaient présents.
Il Cavaliere, redevenu indispensable alors qu'on le croyait fini il y a encore quelques mois après maints procès et scandales, a fait monter les enchères. Après l'annonce du gouvernement, il a pourtant affirmé avoir agi "pour la formation du gouvernement sans poser aucune condition, sans exclure des personnes qui avaient été ministres dans de précédents gouvernements."
De son côté, l'ex-comique et contestataire Beppe Grillo, du Mouvement cinq étoiles, a qualifié la création de cette coalition droite-gauche d' "orgie digne du meilleur des bunga bunga", ces fêtes privées organisées par Berlusconi.
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