Paralympiques 2024 : l'inassouvie quête d'or de Timothée Adolphe, sprinteur maudit des Jeux
Trois centièmes de trop. Une poignée de centimètres qui font basculer de la joie à l'amère déception. Après les sonores "Timothée, Timothée" tombés des tribunes du Stade de France et un départ canon, le Français Timothée Adolphe a été repris par son grand rival, le Grec Athanasios Ghavelas, en finale du 100 m (catégorie T11, non-voyants), jeudi 5 septembre. Le sprinteur de 34 ans a bien failli réaliser son rêve d'or paralympique, après lequel il court depuis huit ans. Accompagné de son guide Charles Renard, Timothée Adolphe s'est contenté de la 2e place en 11"05, à trois centièmes de l'or (11"02), avec trois centièmes d'avance sur le médaillé de bronze chinois Dongdong Di (11"08).
"Ça se joue à pas grand-chose. Il y a de la frustration. On aurait voulu être les premiers des Français olympiques et paralympiques à sonner la cloche au Stade de France [rituel réservé aux vainqueurs], a réagi Timothée Adolphe après sa course, la main sur l'épaule de son fils de 5 ans, Tilem. Maintenant, il faut être lucide, on a six grosses courses dans les jambes. On avait un public en or et on voulait être à la hauteur, mais ça reste une belle médaille."
Sur ses deux courses au programme à domicile, celui qui est licencié au club de Saint-Denis Emotion a donc glané, à 34 ans, deux fois l'argent. Sur le 400 m dimanche, guidé par Jeffrey Lami, il avait été battu plus nettement par le Vénézuélien Enderson German Santos Gonzales (50''75 contre 50"58). Il était resté de longs instants allongé au sol, terrassé par la déception après s'être effondré dans la dernière ligne droite.
"On est déçus, parce qu'on voulait l'or. On a tellement mieux dans les jambes. J'ai la base de vitesse la plus élevée, mais je ne suis pas forcément le plus résistant et cela s'est vu", avait déclaré le coureur. Jeudi encore, il a pointé un calendrier peu propice aux performances chronométriques avec un enchaînement des efforts sur un temps réduit.
Après ces deux nouvelles places de vice-champion paralympique, Timothée Adolphe continue de gonfler sa légende de maudit des Jeux. Le Français compte désormais trois médailles d'argent – il a terminé 2e du 100 m avec le guide Bruno Naprix aux Jeux de Tokyo – et autant de cruelles désillusions.
La poisse colle aux pointes du "Guépard blanc", connu pour ses nombreuses disqualifications aux Jeux, mais aussi dans d'autres compétitions internationales (pour une poussette dans le dos ou encore un dossard oublié) alors qu'il s'y présentait comme favori. A Rio, en 2016, pour sa première expérience aux Jeux, Timothée Adolphe a vu son "rêve se transformer en cauchemar". Sur les demi-finales du 100 m, il se blesse sur le départ et échoue à rejoindre la finale... pour un millième. Sur le tour de piste, dès son entrée en lice, Timothée Adolphe remporte sa course mais se voit disqualifié pour un pied posé à l'intérieur du couloir voisin.
Aux Jeux de Tokyo, c'est un autre point de règlement qui entraîne sa nouvelle disqualification. Alors qu'il domine largement sa série, Timothée Adolphe franchit la ligne sans être relié à son guide Jeffrey Lami, le lien ayant glissé de la main de son binôme. "Ces disqualifications, forcément on y pense, confiait le Français en conférence de presse, avant son entrée en lice. On a travaillé en essayant d'anticiper tous les scénarios catastrophe qui peuvent arriver pour y remédier rapidement, parce que, bien souvent, c'était des erreurs de guidage."
Dernière tentative à Los Angeles
Six fois champion d'Europe, cinq fois médaillé mondial (dont une fois titré), le sprinteur, et par ailleurs rappeur, n'est pas rassasié. "Aux Mondiaux 2023, on a été un trio bronzé [lui et ses deux guides, sur 100 et 400 m]. Cette année, on est argentés. Alors forcément, aux Mondiaux l'année prochaine, on va travailler pour être doré", assurait-il, médaille autour du cou.
Ses Jeux de Paris à peine terminés, Timothée Adolphe avait déjà le regard tourné de l'autre côté de l'Atlantique : "Los Angeles 2028 sera mon dernier challenge si on nous donne les moyens, si on est accompagnés pour aller chercher l'or qui nous manque." Engagé de longue date pour une plus grande professionnalisation du parasport, le Français a profité d'une entrevue avec le président de la République, Emmanuel Macron, juste après sa course, pour plaider sa cause et celle de ses guides.
"Pour monter sur la boîte aux Jeux en catégorie T11, on a besoin de ces athlètes qui, eux-mêmes, peuvent prétendre à une sélection en équipe de France sur les relais 4x100 et 4x400 m, pour tenir le rôle de guide, rappelle le sprinteur. On ne peut pas leur demander d'aller travailler, de s'entraîner individuellement et comme guide. Il faut continuer à valoriser ce rôle de guide." Son binôme sur la ligne droite depuis un an et demi, Charles Renard, partageait les mêmes sentiments mêlés d'amertume et de fierté et se disait déjà "prêt à retourner au boulot, étape par étape vers Los Angeles".
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