Paris 2024 : le succès des Jeux olympiques a-t-il (enfin) relancé les ventes des tickets pour les Paralympiques ?
La théorie du ruissellement tient toujours. Les têtes pensantes des Jeux de Paris 2024 l'ont toujours assuré : le succès des Jeux olympiques, qui se sont achevés dimanche 11 août, allait entraîner dans son sillage celui des Jeux paralympiques (28 août-8 septembre). La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a ainsi utilisé la comparaison avec les JO de Londres 2012, la référence en la matière, en guise de preuve dans un entretien à La Croix fin mai : "A Londres, un million de billets pour les Jeux paralympiques avaient été vendus à l'occasion des JO."
A l'issue de la première semaine des JO, Tony Estanguet, le patron du Comité d'organisation, avait sorti sa boule de cristal et évoqué "un frémissement" des ventes, rapporte Le Monde. Etienne Thobois, son bras droit, avait quant à lui lâché du bout des lèvres un chiffre, mercredi 7 août sur franceinfo : "Il y avait un peu plus de 2,8 millions de billets à vendre, on en est à 1,3 [million de places vendues]. Ca va se faire naturellement. (...) La ferveur se met en place dans le prolongement des JO." Franceinfo est allé vérifier sur le terrain si l'engouement pour les Jeux olympiques allait effectivement se répercuter sur les Paralympiques.
"Il y a plein de sessions où toutes les places sont déjà parties"
Le match de hockey sur gazon entre l'Espagne et les Pays-Bas ne fascine guère Catherine, une Parisienne passionnée de photographie, venue chercher l'ambiance et le soleil à la fan zone de Vincennes (Val-de-Marne), mardi 6 août. "Faute de tickets, je fréquente assidûment les fan zones. Ce que je recherche, c'est cette ambiance des Jeux." Elle scrolle régulièrement sur la plateforme de ventes de billets pour les Paralympiques, en quête d'un sésame pour l'expérience d'une vie. "Je tourne autour depuis plusieurs jours, mais je vais finir par craquer pour le dressage des Jeux paralympiques, au château de Versailles. Ca va faire des photos formidables !"
Sophie, elle, aurait bien troqué ses photos de vacances au bord de la mer pour un ou deux selfies dans les gradins des JO. Cette Parisienne regrette amèrement d'avoir "cédé au scepticisme ambiant". Anticipant le bazar dans les transports, elle a revendu les places pour les Jeux olympiques qu'elle avait achetées à prix d'or – à l'époque de la vente par packs, début 2023. "Et maintenant, je passe une bonne partie de mes vacances dans le Sud à regarder les JO devant la télé...", soupire-t-elle.
Pour ne pas avoir l'impression d'être passée à côté de la ferveur Paris 2024, elle s'est décidée pour un rattrapage aux Paralympiques, avec des épreuves se déroulant au Grand Palais. "Je n'y connais rien en sport, mais je suis sûre que l'expérience sera comparable". Ce qui lui faisait peur, c'était de se retrouver dans une enceinte vide. "Je regarde souvent, et il y a plein de sessions où toutes les places sont déjà parties. C'est bon signe, non ?"
"On va se chauffer au dernier moment"
Selon le Comité d'organisation des Jeux, le rythme des ventes des billets pour les Paralympiques est "cinq fois supérieur" à ce qu'il était avant la cérémonie d'ouverture des JO, a dévoilé Michaël Aloïsio, directeur général délégué de Paris 2024, à Ouest France, le 5 août. Mais la marge de progression reste énorme. Victor, maillot de foot des Bleus sur le dos, et Arnaud sortent d'une session de tennis de table, sans toutefois avoir envie de remettre le couvert dans deux semaines. "Très honnêtement, je ne connais aucun athlète… Attendez, Marie-Amélie Le Fur, elle participe encore ?" Raté, la nonuple médaillée paralympique en athlétisme est désormais présidente du Comité paralympique et sportif français. "J'ai aussi un problème d'identification. Quand je regarde Roland-Garros, j'ai envie de faire du tennis, glisse leur ami Anis, venu les rejoindre. Là, si je regarde du tennis fauteuil, ça va me laisser froid."
Cette méconnaissance des athlètes ou même des règles des disciplines n'est pourtant pas spécifique aux seuls Paralympiques : combien de spectateurs ont-ils acheté de billets pendant la quinzaine des JO, pour des épreuves qu'ils découvraient avec des athlètes devenus leurs héros ? Sans oublier qu'un des objectifs des "Paras" est de faire d'Alexis Hanquinquant – le paratriathlète choisi comme porte-drapeau – un sportif reconnu dans la rue, comme Félix Lebrun ou Léon Marchand, de l'aveu même de Tony Estanguet en début d'année.
Un peu plus loin sur un muret, Clément, Benoît, Charles et Pierre, une autre bande de copains, qui a assisté à une trentaine d'épreuves des JO, discutent de l'opportunité de remettre ça courant septembre. "Je pense qu'on va se chauffer au dernier moment, avance Clément. Mais ça sera plutôt ‘on se fait une épreuve sous la tour Eiffel' que 'on va aller voir du para-volley'." Clairement, les Paralympiques semblent encore loin dans l'esprit des Franciliens.
Christophe, venu faire une pause à la fan zone de Vincennes, a lui aussi tout misé sur les JO. Au sens littéral du terme. "On faisait le compte hier soir : 3 900 euros pour 32 billets", calcule celui qui chapeaute les vacances olympiques de sa famille de six. Et pour les Paralympiques ? "On a pris quelques billets, pour le cécifoot et le tennis fauteuil. Des places pas chères, entre 20 et 40 euros. Mais je ne suis même pas sûr d'y aller", avoue-t-il.
Un problème de date plus que d'envie
Dans la fan zone nichée au pied de l'Hôtel de Ville de Paris, les enfants sont invités à tester le basket fauteuil, un sport phare des Jeux paralympiques. "C'est vachement dur de bouger le fauteuil en appelant le ballon !", constate Raphaël, 10 ans, essoufflé après une quinzaine de minutes d'effort. De là à donner envie au garçon de proposer à ses parents de passer une tête à Bercy pour encourager Sofyane Mehiaoui, et ses coéquipiers de l'équipe de France de basket fauteuil, pendant les Jeux ? Pas sûr. "C'est quand les Paralympiques ? En septembre ? Mais j'aurai école, non ?"
S'il fallait retenir un seul écueil qui se dresse entre l'élan populaire des Jeux olympiques et les Paralympiques, ce sont bien les 17 jours qui séparent les deux compétitions. Philippe et Lise sont venus de Montbéliard passer une semaine à vibrer derrière les champions des JO. "On serait volontiers revenus pour les ‘Paras', avancent-ils, abrités à l'ombre d'un des écrans géants de la fan zone. Mais on travaille dans un secteur, l'industrie, où on n'a pas la main sur nos dates de vacances. L'usine redémarre le 19 août, et nous avec."
Croisé au Club France, haut lieu de la célébration des champions tricolores, Pierre, supporter venu de Bordeaux, ne cache pas non plus ses regrets. "Je reprends le travail lundi, mais après avoir vécu cette ambiance, j'aurais adoré revenir fin août ! Pourquoi pas pour voir le Grand Palais, que j'ai raté cette semaine. Mais ça ne sera malheureusement pas possible..."
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