SÉRIE. Le carnet de bord des Jeux paralympiques de Paris 2024 - épisode 6 : un engouement grandissant
Quel est le quotidien d'un athlète paralympique ? Comment se prépare-t-il à une échéance comme les Jeux de Paris 2024 ? Est-il possible de faire changer le regard sur le handicap à travers un tel événement ? Ces questions – et bien d'autres – ont conduit la rédaction de franceinfo: sport à proposer un format dans lequel la parole reviendrait directement aux sportives et sportifs tricolores qui visent les Jeux paralympiques.
Pour le sixième épisode de ce carnet de bord mensuel, Gwendoline Matos (goalball) et Thibaut Rigaudeau (paratriathlon) évoquent leur quotidien et l'engouement qui s'amplifie autour de la tenue prochaine des Jeux dans la capitale.
Gwendoline Matos • 29 ans • goalball (maladie génétique rare de la rétine depuis ses 7 ans)
"Les sollicitations montent en puissance depuis quelques semaines."
Tout va bien. Je suis partie en Finlande et au Japon depuis la dernière fois pour des camps d'entraînement, c'était vraiment chouette ! En Finlande, on a fait 3-4 jours de stage entre nous avec beaucoup de technique. C'est une nation contre laquelle on a toujours eu un peu de mal en compétition, même si on est assez proches au niveau du jeu.
A Tokyo, on était avec les équipes de Corée du Sud et du Japon pendant quasiment deux semaines. Elles sont toutes les deux qualifiées pour les Jeux paralympiques, donc ça a été l'occasion de bien bosser en face à face. On a fait un petit tournoi entre nous à Yokohama, avec également l'équipe d'Israël. On était au centre paralympique créé pour les Jeux de Tokyo, les conditions étaient géniales. C'est un complexe aménagé avec une salle de sport immense, un terrain de goalball avec des caméras qui filmaient au-dessus du terrain, un écran en temps réel... Ça nous a permis de bien bosser la défense et les points de départ au niveau de l'attaque.
La sélection de l'équipe de France devait être annoncée en début d'année, mais elle a été repoussée à mi-juillet. Du coup, les joueuses retenues le savent juste avant les échéances, il faut s'organiser un petit peu. Fin avril, on a une semaine de stage au Creps [Centre de ressources d'expertise et de performance sportives] à Wattignies [Nord] avec les Bleues. Une compétition est prévue en Suède en mai, normalement.
Au niveau professionnel, j'arrive à tenir mon mi-temps en tant que référente handicap au service des sports du département du Doubs. Ça me permet aussi de couper. J'ai pas mal de sollicitations sur les réseaux ou par e-mail, notamment de la part d'établissements scolaires ou de structures médicales. C'est l'année des Jeux, on veut mettre en avant des sports, des athlètes, c'est normal. Je sens que ça monte en puissance depuis quelques semaines. Je dois quand même faire des choix, malheureusement, sinon je ne serais plus au boulot ou je ne m'entraînerais pas autant. J'essaie aussi quand je peux de couper avec le côté goalball, compétition, Jeux, etc. C'est déjà assez présent au quotidien.
Thibaut Rigaudeau • 33 ans • paratriathlon (maladie génétique rare de la rétine depuis ses 8 ans)
"La pression, pour l'instant, je ne l'ai pas."
L'engouement autour des Jeux est vraiment important depuis janvier. On n'a pas l'habitude de ça, on est beaucoup plus visibles pour tout le monde et c'est très bien. Je suis excité, on a tous envie de courir sur nos terres et faire de belles performances. La pression, pour l'instant, je ne l'ai pas. Il faut quand même valider la qualification, je dois confirmer sur un top 4 lors de la prochaine course à Yokohama [Japon] le 11 mai.
Je travaille avec mon guide, Cyril Viennot, avec lequel je fais toutes mes courses depuis 2019. On est liés du début à la fin des courses, et j'ai le même guide pour les trois disciplines. En natation, on a un lien entre nos deux jambes. Il fait la trajectoire et moi, je le suis. A chaque bouée, il va me taper sur le dos pour que je prenne le virage, ensuite on ré-axe la trajectoire. A la sortie de l'eau, on enlève le lien et on va faire la transition vers le vélo. On a tout préparé, mes chaussures sont là, mon casque aussi, et on part en tandem.
On a mis en place des choses : la montée sur le vélo, on la fait en mouvement. On a créé cette transition, que tout le monde fait maintenant. Il saute, je pousse le vélo et, quand il a mis le pied dans les chaussures, je saute à mon tour et je cale mes pieds. Ça nous a permis de gagner des secondes. On a aussi fait une étude en soufflerie. On roule entre 42 et 50 km/h, c'est important d'avoir des gains marginaux à cette vitesse. Et en course à pied, c'est important d'avoir de la communication. On a un lien entre nos deux bustes. Cyril m'indique les virages en amont, les écarts avec les autres binômes, l'allure au kilomètre, pour me réguler.
On doit tout répéter des dizaines de fois sur les transitions pour que ce soit ancré et fluide le jour J. Il hésitait à arrêter à Tokyo, mais il y avait les Jeux de Paris et il a décidé de pousser avec moi. On a créé un lien sportif et humain qui fait qu'on se comprend plus vite.
L'équipe de France est très forte et a beaucoup évolué grâce au soutien de la fédération. On a fait huit médailles aux championnats du monde l'année dernière, toutes catégories de handicaps confondues, donc ça augure de belles choses pour les Jeux. Avec Alexis Hanquinquant, par exemple, on est sparring partner en natation et en course à pied et c'est trop intéressant de confronter nos handicaps.
C'est vrai qu'on parle beaucoup de la qualité de la Seine concernant notre épreuve de natation. Je n'ai pas d'inquiétude par rapport à ça, on a l'habitude de nager dans des endroits pas toujours évidents. On sait que la qualité de l'eau est de plus en plus propre et que tout va être mis en place pour qu'on puisse nager sans risques cet été. Il y a des précautions à prendre, oui, mais il n'y a pas de raison que ça se passe mal.
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