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L'armée malienne accusée d'exactions

Les témoignages rapportant des exécutions sommaires commises par des soldats maliens dans les villes conquises sur les jihadistes se multiplient. Les Arabes et les Touareg sont particulièrement visés.

Article rédigé par franceinfo
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Un soldat malien, le 19 janvier 2013 à Niono (Mali). (ISSOUF SANOGO / AFP)

Depuis dix jours, les témoignages se multiplient. Et les détails sont sordides. Les militaires maliens sont accusés par les habitants du Mali d'avoir commis des exactions dans le centre du pays, au cours de l'offensive franco-malienne contre les islamistes. Francetv info revient sur ces accusations.

Des exécutions sommaires

Les derniers témoignages en date ont été recueillis par L'Express, à Sévaré, une ville de 30 000 habitants située dans le centre du pays à 630 km au nord-est de Bamako, où l'armée malienne dispose d'un poste de commandement opérationnel. C'est de cette position-clé qu'est partie, vendredi 11 janvier, l'offensive contre les groupes jihadistes.

Des habitants racontent que des  soldats ont procédé à des exécutions sommaires, vendredi et samedi. "Les soldats ont achevé les rebelles blessés", faits prisonniers. "Les vivants ont été exécutés. Puis ils ont recouvert les corps de pneus et d'essence et les ont brûlés." Les cadavres ont été jeté dans un puits. Selon des témoins, 25 à 30 corps auraient ainsi été enfouis. Le puits a été en partie rebouché, mais la margelle est tachée de sang et l'odeur qui s'en échappe est nauséabonde, rapporte L'Express.  

 Une chasse à l'homme

Un climat de suspicion règne dans la ville où la chasse à l'homme est orchestrée par les soldats. "Si on n'est pas en mesure de présenter sa carte d'identité, on est amené à la gendarmerie, explique un habitant au magazine. Et si aucun habitant de Sévaré ne reconnaît le suspect, on l'exécute." La gendarmerie locale nie ces allégations et assure, pour sa part, que les suspects sont envoyés à Bamako pour y être jugés.

La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a elle aussi fait état d'arrestations récentes et de dix cas de disparitions forcées ou d'exécutions sommaires. Et l'ONG de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a également annoncé être en possession d'informations crédibles sur de graves exactions, dont des meurtres, commises par les forces de sécurité maliennes à l'encontre de civils. Cette fois dans la ville de Niono.

Les Arabes et les Touareg menacés

"Etre arabe, touareg ou habillé de façon traditionnelle, pour quelqu'un qui n'est pas de Sévaré, cela suffit à le faire disparaître", rapportent deux Maliens cités par L'Express.  Des populations touareg ou arabes ont, en outre, déjà fui les villes par crainte de représailles, affirme la FIDH, qui cite des sources locales.

Les Touareg et les Arabes, deux communautés accusés de soutenir les insurgés qui contrôlent aujourd'hui les deux tiers du Mali, sont tout particulièrement visés, selon HRW. "Le gros problème, explique à l'AFP Florent Geel, responsable Afrique à la FIDH, c'est que les populations noires et en particulier songhaï veulent prendre leur revanche sur les populations touareg et sur les groupes armés touareg du Nord"

Une armée malienne humiliée et mal préparée

Ces représailles ont été commises par une armée malienne humiliée par ses défaites contre les groupes jihadistes. La FIDH relève que les forces maliennes sont parties au combat sans avoir reçu une formation les sensibilisant au respect de l'Etat de droit.

Le président malien, Dioncounda Traoré, a lancé à Abidjan (Côte d'Ivoire), lors du sommet ouest-africain sur le Mali, une mise en garde contre les "exactions" lors des opérations militaires en cours. Un appel relayé dimanche par le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius. La France a assuré mercredi qu'elle "ferait tout" pour empêcher les violations des droits de l'homme, non sans rappeler que la responsabilité de protéger les civils incombent prioritairement aux autorités maliennes.

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