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"L'usine PSA d'Aulnay aurait dû fermer plus tôt"

Le consultant et analyste automobile Bertrand Rakoto explique comment le premier constructeur automobile français en est arrivé à devoir supprimer 8000 emplois.

Article rédigé par Julie Rasplus - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'usine de Sausheim (Haut-Rhin) du groupe PSA Peugeot-Citroën travaille sur l'assemblage des C4 et DS4, comme ici le 13 avril 2012.  (SEBASTIEN BOZON / AFP)

C'est la douche froide pour les salariés de PSA Peugeot-Citroën. Le groupe a annoncé jeudi 12 juillet la suppression de 8 000 emplois et la fermeture de son usine d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) à l'orée 2014. Un "choc" sans précédent donc, selon les mots du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Pourquoi PSA se retrouve-t-il dans cette situation ? D'où viennent les problèmes actuels ? FTVi fait le point avec Bertrand Rakoto, consultant et analyste automobile chez R.L. Polk. 

FTVi : De quand datent les problèmes de PSA, et surtout quels sont-ils ? 

Bertrand Rakoto : Il n'est pas évident de donner une date précise. Mais il faut savoir que la situation actuelle est la conséquence de plusieurs non-décisions ou décisions tardives. Chez PSA, avant de s'engager dans une direction, on regarde d'abord si l'idée marche chez les concurrents. Or dans ce secteur, les développements prennent deux à cinq ans ; le jour où on se lance, le voisin en est déjà à la deuxième voire troisième génération d'un produit ou d'une technologie… 

Selon vous, quelles décisions le groupe aurait-il dû prendre ? 

Par exemple, PSA aurait dû s'intéresser à la boîte à double embrayage ou garder un intérêt plus important pour les motorisations essence, plutôt que de développer massivement le diesel qui n'est pas porteur en dehors de l'Europe de l'Ouest. En réalité, PSA souffre d'un complexe permanent face aux Allemands, comme Audi. Le groupe regarde vers le haut de gamme, et c'est d'ailleurs une orientation décidée par le président du directoire, Philippe Varin. Mais avant de réfléchir à aller voir ailleurs, il devrait d'abord être un bon généraliste et renforcer son cœur de gamme. Cela nécessite de cibler les bonnes clientèles, et de positionner son image et ses produits en conséquence.

PSA est un généraliste qui s'est perdu. Le groupe a mis du temps à prendre des décisions, en raison de sa frilosité, de lourdeurs administratives. Et aujourd'hui, il est en retard par rapport à ses concurrents. Il souffre d'une absence de stratégie qui a mené à un manque de diversité et à des produits dont les liens avec les besoins des marchés sont moins évidents que ceux de la concurrence.

Justement, quels sont ces besoins ? Et comment PSA se positionne-t-il sur les marchés, notamment à l'étranger ?

Aujourd'hui, le marché est saturé en Europe. Le taux d'équipement correspond à la population, avec en général deux véhicules par foyer. On appelle cela un marché mature. Pour les constructeurs, cela signifie que pour gagner des parts de marché, il faut en prendre aux voisins. Du coup, on doit être un bon généraliste en Europe de l'Ouest et avoir une politique de croissance vers les marchés émergents, comme le Brésil, la Russie ou encore la Chine. Cela permet d'assurer son avenir. 

PSA est présent sur ces marchés, mais ce n'est pas suffisant. Sa présence à l'international a été longtemps négligée, toujours à cause d'un processus lent. Il fallait plus de dynamisme, à l'image de Volkswagen ou de General Motors en Chine.

Revenons à un niveau plus local. Selon vous, quel est l'avenir du groupe à court terme ? La fermeture de l'usine d'Aulnay était-elle nécessaire ? 

Oui, elle l'était. Je pense même qu'elle aurait dû intervenir plus tôt. C'est délicat d'en parler car cela concerne des milliers de personnes qui se retrouvent sur le carreau. Mais l'usine était sous-utilisée et ses charges n'étaient pas amorties. Malheureusement, PSA en est là aujourd'hui : il faut couper quelques branches pour que l'arbre continue à vivre. Sinon, demain, toute l'entreprise sera concernée… Le groupe se prépare donc à un avenir difficile. Ce matin, on en a vu le début. Mais il va encore falloir des décisions fortes et stratégiques.

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