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La Guinée-Bissau, ses coups d'Etat, sa pauvreté, sa cocaïne

Ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, qui connaît une énième tentative de coup d'Etat militaire depuis jeudi, est classé comme narco-Etat par l'ONU.

Article rédigé par franceinfo
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Une saisie de cocaïne, le 21 mars 2012, en Guinée-Bissau. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Un coup d'Etat en pleine campagne présidentielle en Guinée-Bissau. Le président et le Premier ministre du pays ont été arrêtés par des militaires, jeudi 12 avril, et emmenés vers une destination inconnue. Des événements qui viennent rappeler que l'histoire de la Guinée-Bissau indépendante ne constitue pas un modèle de stabilité. Ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, qui traîne la réputation d'être un narco-Etat, est un habitué des putschs et assassinats politiques.

Depuis son indépendance, en 1973, la Guinée-Bissau a connu pas moins de six tentatives de renversement de pouvoir par la violence. Alors, quand le président Malam Bacai Sanha meurt dans un hôpital parisien, le 9 janvier 2012, la pire instabilité est à craindre. Ainsi, jeudi, à la veille du lancement de la campagne pour le second tour, des militaires ont tiré des roquettes sur la villa du Premier ministre et candidat au second tour du 29 avril, Carlos Gomes Junior.

Le trafic de drogue supérieur au PIB

Contrairement à d'autres pays du continent, la Guinée-Bissau ne roule pas sur l'or, ni sur les diamants, le coltan ou encore l'uranium. L'économie est rurale à 90% et l'industrie très faible. Quelque 85% des recettes d'exportation proviennent de la noix de cajou. On y vit de l'arachide, de la pêche et de l'exploitation du bois.

Des ressources pétrolières et minières existent bien, mais elles ne sont pas exploitées et sont convoitées notamment par la Chine, l'Angola et le Venezuela. En attendant, 80% de la population vit avec moins d'un dollar par jour, selon l'ONU. Et les militaires sont mal payés.

Du coup, certains ont trouvé d'autres moyens de se remplir les poches. Comme le titrait encore Slate Afrique en 2009, le trafic de cocaïne représenterait un montant supérieur au produit intérieur brut du pays (PIB), selon l'ONU. La Guinée-Bissau s'est ainsi peu à peu forgée la réputation d'être l'une des principales plaques tournantes de cocaïne à destination de l'Europe sur le continent, comme le relève une enquête du Daily Telegraph (article en anglais) publiée en 2007.

Des paquets de cocaïne remontés par les pêcheurs

Le quotidien britannique raconte ainsi comment des pêcheurs pauvres se sont enrichis après avoir remonté des paquets de poudre blanche. Deux "latinos" munis d'une valise d'un million de dollars ont débarqué en jet privé pour racheter la cargaison égarée. 

"Des avions venus d'Amérique latine larguent la nuit des paquets sur les plages de l'archipel [des Bijagos, qui fait face à la capitale]. Avant que des bateaux de la marine nationale ne viennent les récupérer", écrit Slate Afrique. Certaines îles disposent aussi de pistes de fortune construites par les Portugais pour les nazis pendant la guerre.

Un narco-Etat, selon les Nations unies

Cette situation a valu à la Guinée-Bissau d'être désignée comme un narco-Etat par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, soulignait en 2009 Le Figaro, qui évoquait la possibilité que les cartels colombiens soient impliqués dans l'assassinat en mars 2009 du président alors en exercice, Joao Bernardo Vieira. 

En octobre 2010, La Croix relatait comment le président Sanha cette fois avait été forcé, sous la pression de l'armée, de remettre "à la tête de la marine un officier soupçonné d'être un baron du trafic de drogue"

Une situation en voie d'amélioration ?

Dans un rapport publié en janvier, l'ONG International Crisis Group (ICG) estime toutefois que la situation semble s'améliorer dans le pays, où les saisies sont moins nombreuses, bien qu'"une forte incertitude demeure quant à la situation actuelle du trafic et à son impact politique potentiel". Le pays aurait perdu son rôle de point stratégique, relève Christophe Champin, journaliste spécialisé dans les questions de drogue en Afrique, sur son blog. "Si le transit de poudre blanche continue, c’est de manière beaucoup plus discrète."

Le journaliste relève que "dans ce contexte, deux analyses s’affrontent. La première serait que les trafiquants se sont détournés vers d’autres Etats de la région." Seconde analyse évoquée par ICG : "Le trafic, loin d’avoir diminué, est surtout plus discret et mieux couvert, mieux monopolisé par certains segments de l’Etat."

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