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La rivalité Montebourg-Moscovici en cinq épisodes

Entre les deux ministres de Bercy, chaque dossier ou presque se transforme en pomme de discorde. Dernier en date, la nationalisation. 

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg (à g.), et le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, le 17 octobre 2012, lors d'une conférence de presse à Bercy. (FRED DUFOUR / AFP)

Entre ces deux-là, rien ne va plus. Depuis qu'ils sont arrivés au pouvoir, Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg, les colocataires de Bercy, cohabitent dans une ambiance délétère. A tel point que chaque dossier sensible devient une pomme de discorde entre le ministre de l'Economie et celui du Redressement productif. Tour d'horizon de leurs différends.

Une opposition de styles

"Il ne m'énerve pas. Il m'agace." Voilà comment, en privé, Pierre Moscovici parle de son collègue Arnaud Montebourg. Selon Le Monde (article payant), qui a rapporté cette confidence, le discret Moscovici est exaspéré de voir le flamboyant Montebourg et son cabinet "s'arroger des victoires, à ses yeux largement survendues". Pendant que lui, prudent, voire effacé, tente de ne pas effrayer les marchés.

Par presse interposée, les deux hommes se sont envoyés ces derniers mois d'innombrables piques. Dans le sillage de Montebourg, il y aurait ainsi, selon Moscovici, "beaucoup trop de zélotes qui passent plus de temps à faire de la propagande négative qu'à sauver des entreprises en difficulté ou à en créer de nouvelles", rapporte Marianne.

Fin novembre, dans une interview à L'Express, Pierre Moscovici décrivait sa vision du poste de ministre de l'Economie : "Je conçois mon rôle comme celui d'un homme qui (...) fait valoir ses opinions dans les délibérations du gouvernement ou auprès du président de la République. Je m'oppose donc à toute fuite et je résiste à l'excès d'ego." Un véritable anti-portrait de Montebourg. Interrogé sur son bouillant collègue, qu'il qualifie d'homme "créatif", Moscovici enfonçait le clou : "Comme nous sommes tous les deux ministres à Bercy, j'ai la conviction que ça marche mieux si chacun reste sur ses propres compétences. François Hollande nous a certainement choisis pour que nos différences s'enrichissent, pas pour qu'elles se combattent."

PSA, le premier accroc

Dès cet été, le premier gros dossier sensible que le gouvernement a dû affronter, le plan social annoncé par PSA Peugeot-Citroën, avait donné lieu à des escarmouches entre les deux hommes. D'abord, Pierre Moscovici a peu goûté les déclarations tonitruantes de son collègue contre le PDG du groupe, Philippe Varin. D'autant que le site historique de PSA, à Sochaux (Doubs), est situé sur sa circonscription électorale.

Quelques mois plus tard, le dossier PSA a à nouveau troublé leurs relations. S'ils se sont accordés pour sauver la banque interne de l'entreprise, menacée de dégradation par les agences de notation, Moscovici a estimé que des contreparties de la part de la direction n'étaient pas nécessaires, raconte Libération. Ce qui a énervé Montebourg.

Banque publique d'investissement, une polémique révélatrice

Fin août, alors que le gouvernement est en train de mettre sur pieds la Banque publique d'investissement, censée financer les PME innovantes, une polémique éclate. Le ministère de l'Economie a en effet choisi de faire conseiller la future BPI par la Banque Lazard, dont le patron n'est autre que Matthieu Pigasse. Un homme d'affaires également propriétaire des Inrockuptibles, dont Audrey Pulvar, alors en couple avec Arnaud Montebourg, vient d'être nommée rédactrice en chef.

La droite crie au conflit d'intérêt. Arnaud Montebourg, furieux, affirme publiquement qu'il regrette le mandat attribué à la banque Lazard, et qu'il "n'a pas été informé de ce choix". En plus de se retrouver au cœur d'une polémique, le ministre du Redressement productif se rend compte qu'il a été soigneusement laissé sur la touche dans ce dossier.

Montebourg tacle le Trésor, Moscovici fait l'inverse

Les remèdes proposés par Arnaud Montebourg pour redresser l'économie française ne cadrent pas toujours avec l'orthodoxie de la toute-puissante direction du Trésor de Bercy. "Le Trésor n'est pas loyal avec la pensée du gouvernement. Son orientation est clairement ultralibérale. Les modèles économiques qu'il utilise pour bâtir ses prévisions sont libéraux. Il propose toujours les mêmes recettes, aux dirigeants de droite comme de gauche, et prétend gouverner à la place des ministres", avait taclé le ministre du Redressement productif, selon L'Express.

L'affaire aurait pu en rester là. Sauf que dès le lendemain, Pierre Moscovici fait parvenir une lettre élogieuse aux agents du Trésor, louant "leur loyauté et leur compétence", "leur expertise et leur intégrité". Pour mieux désavouer Montebourg.

Après Florange, chacun sa petite musique

Le dossier Florange a surtout mis en lumière le différend entre Arnaud Montebourg et le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Mais, alors que la question de la nationalisation a été tranchée, les escarmouches continuent. Dans un entretien au Monde, mardi, le ministre du Redressement productif ne s'avoue pas vaincu : "L'arme de la nationalisation temporaire est (...) sur la table, et durablement. (...) La nationalisation temporaire est une solution d'avenir. (...) Il y a aujourd'hui une unité nationale autour de l'idée de la nationalisation temporaire", lance-t-il.

Bien sûr, Pierre Moscovici n'a pas manqué, mercredi matin sur RTL, de revenir sur les propos de son collègue. "Pour des problèmes de compétitivité isolés, non, je ne crois pas qu'il faille une nationalisation temporaire. (...) Ça peut être une arme dissuasive dans une discussion. C'était le cas chez Mittal. Ça ne doit pas être une finalité en soi. Voilà ce que je réponds par rapport à 'c'est l'avenir'. C'est une partie de l'avenir. Ce n'est pas tout l'avenir." Ou comment, une fois de plus, se démarquer d'Arnaud Montebourg.

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