La TVA sociale, à peine officialisée et déjà très décriée
La mesure, annoncée par Nicolas Sarkozy dimanche soir, suscite une levée de boucliers à gauche, mais aussi dans les rangs de la majorité.
C'était la principale annonce de l'intervention télévisée de Nicolas Sarkozy, dimanche 29 janvier : pour alléger le coût du travail, le chef de l'Etat a indiqué que les entreprises bénéficieront d'une exonération totale des charges patronales sur les salaires compris entre 1,6 et 2,1 fois le Smic. En contrepartie, le taux de TVA sera relevé de 1,6 point, passant de 19,6 % à 21,2 %. Une mesure qui devrait rapporter un peu plus de 10 milliards d'euros à l'Etat, mais qui suscite de vives critiques, à gauche comme à droite.
• Ce qu'en pensent les économistes
Avant même l'officialisation de ce dispositif, les économistes ont fait part de leur scepticisme. Nicolas Bouzou, du cabinet Astères, estime qu'il s'agit d'une augmentation trop faible, parlant d'une "mini-TVA sociale" qui n'aura selon lui "aucun effet significatif sur la consommation ou le chômage". Marc Touati redoute pour sa part que "l'augmentation de la TVA va mécaniquement peser sur la consommation qui est déjà extrêmement faible, et donc aggraver la récession". Quant à la baisse des charges des entreprises, elle ne pourra avoir d'effet que lorsque la croissance aura redémarré. "En attendant, nous ne verrons que les effets négatifs de ces mesures", assure-t-il.
Pour limiter les risques d'inflation, les entreprises baisseront-elles leurs prix parralèlement à la baisse de leurs charges sociales ? "Il faudra que les entreprises jouent pleinement le jeu. Tout dépendra donc de leur comportement de marge", confirme Matthieu Plane, de l'OFCE. Or, ces mêmes économistes soulignent que lorsque la TVA a baissé dans la restauration, cela ne s'est pas vraiment vu sur l'addition.
• Ce qu'en pensent les syndicats
Si le patronat est favorable à la mesure, les syndicats de salariés, eux, y sont fermement opposés. "Ce n'est pas avec un ou deux points de TVA qu'on va concurrencer les produits chinois", estime Jean-Claude Mailly (Force ouvrière). A la CGT, Bernard Thibaut dénonce "une arnaque, la plus importante de ce début d'année. Ce n'est pas parce qu'on la qualifie de sociale qu'elle l'est, bien au contraire".
Même son de cloche du côté de la CFDT, qui voit dans cette TVA sociale "un système anti-redistributif", qui "pèse proportionnellement plus sur les classes inférieures et moyennes, qui épargnent peu. Et, avec une économie au bord de la récession, ce n'est pas le moment de plomber la consommation, notre seule source de croissance".
• Ce qu'en pense l'opposition
A gauche, François Hollande pense qu'"augmenter la TVA [est] un mauvais principe et un mauvais instrument, mauvais principe parce qu'aujourd'hui les Français connaissent un début de récession, [parce que] la consommation est très modeste. Amputer encore le pouvoir d'achat des Français de un ou deux points me paraît tout à fait inopportun".
La candidate écologiste Eva Joly, elle, dénonce "une mesure inefficace" et "un gros cadeau aux entreprises qui sera payé par les consommateurs". "Qui peut croire qu’il y aura une répercussion à la baisse sur les prix de vente ?", s'interroge-t-elle.
Au centre, François Bayrou critique "une mesure de dernière minute qui n'aura aucun effet sur le coût du travail", soulignant notamment "le caractère trop faible" de la hausse de la TVA envisagée.
• Ce qu'en pensent les élus UMP
Officiellement, l'UMP est unie pour dire qu'il faut doper la compétitivité française, et que baisser les charges qui pèsent sur le travail est un impératif. Mais la TVA sociale apeure une bonne partie des députés de la majorité. A quelques semaines de la présidentielle, puis des législatives, beaucoup craignent de payer la mesure dans les urnes.
"Les Français vont entendre 'augmentation du taux de TVA', donc 'augmentation des prix', donc 'baisse du pouvoir d'achat'", redoute une députée UMP. Rapporteur général de la commission des Finances, son collègue Gilles Carrez prévient lui aussi que la mesure "va inquiéter beaucoup de monde : tous ceux qui vont subir l'augmentation des prix".
A tel point que certains envisagent de ne pas monter au charbon pour faire réélire Nicolas Sarkozy, en privilégiant leur propre réélection au mois de juin. "Nous, les députés, on va se recentrer sur la proximité ! Alors que ça va déjà être très difficile pour nous, on projette d'augmenter la TVA, ce que les Français vont prendre pour une perte de pouvoir d'achat", explique par exemple la députée de Seine-et-Marne, Chantal Brunel. Dénonçant "une réforme absurde" et "un suicide électoral", son collègue Lionnel Luca, élu dans les Alpes-Maritimes, est lui aussi furibond : "On nous dit qu'il s'agit de prendre une mesure courageuse. Mais les kamikazes japonais aussi étaient courageux, et on sait ce qui leur est arrivé !"
Des déclarations qui résument à elles seules toute l'ampleur de la tâche qui attend l'exécutif sur cette question dans les prochaines semaines.
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