Cet article date de plus d'onze ans.

Le bitcoin, la monnaie virtuelle qui inquiète les marchés financiers

Cette monnaie immatérielle, créée par des informaticiens, ne dépend d'aucune institution financière et permet des échanges en tout anonymat.

Article rédigé par Héloïse Leussier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Représentation de bitcoins, évidemment fictive puisque cette monnaie est immatérielle. (ZACH COPLEY / FLICKR)

L'annonce de nouvelles mesures sur la transparence financière par le président de la République, mercredi 10 avril, vous inquiète ? Alors peut-être serez-vous tenté par le bitcoin, une monnaie virtuelle qui permet des échanges en tout anonymat. Avant de vous lancer, francetv info décrypte pour vous ce phénomène.

D'où vient le bitcoin ?

Le bitcoin a été inventé en 2009. Son origine est attribuée à un informaticien utilisant le pseudonyme Satoshi Nakamoto. "En réalité, il s'agit plus probablement d'une œuvre collective", avance un journaliste de l'hebdomataire britannique The Spectator, traduit par Courrier international. Une chose est sûre, le bitcoin part d'un projet plus politique qu'informatique : créer une monnaie ne dépendant d'aucune banque centrale ou institution financière. Chacun peut en acheter via Internet, en échange de sa propre monnaie, puis les revendre en ligne sur une vingtaine de places de marché.

Qu'est-ce qu'une monnaie virtuelle ?

Le bitcoin est une monnaie dématérialisée, cryptographique et fondée sur le peer-to-peer : vous l'avez compris, il faut être un peu geek pour se lancer dans l'aventure bitcoin. "Pas besoin de connaître le détail de la cryptographie", assure pourtant Pierre Noizat, cofondateur de la plateforme de transactions en bitcoins Paynium, sur France Inter. Cependant, quelques explications peuvent s'avérer utiles. Le bitcoin est une monnaie dématérialisée car elle se stocke uniquement sur un disque dur et non dans un porte-monnaie. Elle est cryptographique car elle est créée à partir de morceaux de codes informatiques complexes qui peuvent être générés automatiquement par n'importe quel ordinateur, une fois installé le logiciel requis pour utiliser des bitcoins. Ce logiciel fonctionne en peer-to-peer et ressemble à ça.

Qui "frappe" la monnaie ?

C'est là que les choses se compliquent encore, mais deviennent aussi plus (financièrement) intéressantes. La création et les transactions en bitcoins ne dépendent d'aucune banque centrale. Ce sont les ordinateurs des utilisateurs qui contribuent aléatoirement au processus de "frappe" des bitcoins et à la sécurisation des échanges. Via un logiciel, qui communique avec tous les utilisateurs du bitcoin, les transactions sont regroupées pour subir un traitement cryptographique qu'on appelle "preuve de travail". "Effectuer cette preuve de travail requiert du temps de calcul, et en général, un seul ordinateur du réseau y parvient dans un intervalle de temps d'environ dix minutes", explique le site bitcoin.fr.

Par conséquent, il s'opère une sorte de tirage au sort qui désigne l'ordinateur qui va opérer la transaction. Et c'est là que la chose devient lucrative : si c'est votre ordinateur qui effectue le traitement cryptographique, vous "gagnez" des bitcoins qui viennent s'ajouter à ceux qui sont déjà en circulation. C'est ainsi que s'opère la frappe de la monnaie virtuelle. A noter que le montant de la récompense varie, et que le logiciel est programmé afin que le nombre total de bitcoins en circulation ne dépasse pas 21 millions.

Que peut-on acheter avec des bitcoins ?

Malgré son succès grandissant, le paiement en bitcoins n'est pas encore généralisé. Cependant, bitcoin.fr, qui liste les sites acceptant cette monnaie, nous apprend qu'on peut l'utiliser pour acheter des bières belges, des aliments pour chien ou encore des services informatiques. Le bitcoin peut aussi servir entre particuliers. Un Américain a ainsi affirmé avoir vendu sa Porsche pour 300 bitcoins. Le site arstechnica.com a quant à lui repéré un Canadien ayant mis sa maison en vente en bitcoins.

Mais le bitcoin sert surtout de monnaie de réserve. Stocker ses avoirs en bitcoins peut s'avérer très fructueux, mais aussi risqué. Ainsi, alors qu'un bitcoin valait une quinzaine d'euros au début du mois de février, il s'échangeait, le 10 avril, à près de 190 euros, avant de chuter dans la soirée à 122 euros. L'AFP cite l'exemple de Robert Walker, un créateur numérique londonien qui affirme avoir acheté près de 200 bitcoins en six mois depuis la fin de 2011. Son achat lui a coûté environ 900 dollars et lui rapporterait, selon le cours du début du mois, plus de 27 000 dollars. 

Une nouvelle bulle financière ? 

La récente hausse vertigineuse de la devise, qui pourrait avoir été causée par des investisseurs russes et chypriotes cherchant à mettre leurs euros à l'abri au moment de la crise financière à Chypre, fait craindre une nouvelle bulle financière. Selon Yannick Naud, gérant de portefeuille d'une société d'investissement londonienne, interrogé par l'AFP, la valeur du bitcoin a atteint des niveaux insoutenables. "La bulle éclatera lorsqu'il y aura moins d'entrants [sur le marché bitcoin] que de gens souhaitant le quitter. C'est difficile à évaluer, mais cela ne devrait pas encore durer plus d'un mois à ce prix", prédit-il. Et l'éclatement de la bulle pourrait bien avoir commencé avec le crash de mercredi soir, où le bitcoin a perdu près de la moitié de sa valeur.

Quelles sont les limites du projet ?

Le bitcoin permet l'anonymat des échanges, une discrétion qui serait plébiscitée pour les transactions illégales, comme le trafic de drogue. Le Monde note qu'aux Etats-Unis, début juin 2012, deux sénateurs démocrates ont demandé à l'Etat fédéral de mettre fin à ce dispositif qui encourage, selon eux, le blanchiment d'argent. De son côté, le journaliste du Spectator s'interroge : "Que se passe-t-il quand la démocratie n'est plus une affaire de groupe mais d'individus et que chacun a littéralement le pouvoir de payer ou d'être payé sans que personne ne le sache ? Qu'advient-il de l'Etat qui ne survit que grâce à l'impôt ? Bien malin qui le dira, mais je pense que ça ferait des dégâts."

La monnaie virtuelle a en tout cas encore de beaux jours devant elle, car le bitcoin a fait de nombreux petits : les monnaies litecoin, namecoin, ppcoin ou encore terracoin sont déjà prêtes à prendre la relève.

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