Le gouvernement a-t-il déjà enterré le futur rapport Gallois ?
Plusieurs ministres relativisent la portée du rapport commandé à l'ancien patron d'EADS, qui préconisera un choc de compétitivité que le gouvernement est peu disposé à mettre en œuvre.
ECONOMIE – Ses premières préconisations à peine dévoilées dans la presse et, déjà, le rapport tant attendu prend un sérieux coup dans l'aile. Plusieurs membres du gouvernement ont en effet pris leurs distances, samedi 20 et dimanche 21 octobre, après l'information du Figaro selon laquelle le rapport sur la compétitivité, qui doit être rendu le 5 novembre par Louis Gallois, se prononcerait en faveur d'un allégement de charges sociales en contrepartie d'une hausse de TVA ou de CSG. Une proposition qui n'est pas du goût du gouvernement.
"C'est un rapport qui engage son auteur, qui n'engage pas le gouvernement, pas le président de la République", avait prévenu François Hollande dès vendredi, estimant qu'il devait "aider à prendre les décisions". Et le chef de l'Etat d'affirmer qu'il y aura "sûrement beaucoup d'éléments à reprendre de ce rapport". Comprendre : tout ne sera pas repris.
Le gouvernement prend ses distances avec le rapport
Tout le week-end, les membres du gouvernement ont cherché à relativiser la mini-bombe contenue dans le futur rapport. En marge d'un forum économique à Berlin, samedi, Pierre Moscovici a d'abord démenti les informations du Figaro : "Je suis ici avec Louis Gallois qui m'assure qu'il ne s'agit même pas de fuites mais de déformation. (...) Ce rapport, nous l'attendons pour le 5 novembre". Pour son collègue du ministère du Travail, Michel Sapin, "le rapport Gallois est un élément, et qui sera extrêmement sérieux, mais ce n'est pas le seul point de vue qui compte".
Ces déclarations tranchent avec la position développée il y a encore quelques semaines par les membres du gouvernement. En juillet, Jean-Marc Ayrault expliquait avoir confié ce rapport à l'ex-patron d'EADS "afin de préparer la mise en œuvre d'actions concrètes, d'ici la fin de l'année" concernant la compétitivité des entreprises. "Nous devons veiller à ce que leur environnement réglementaire, administratif et fiscal soit propice à leur développement et les freins qui existent encore aujourd'hui doivent être levés", ajoutait-il.
S'attaquer au coût du travail, trop risqué pour la gauche
A l'époque, le gouvernement semblait ne vouloir fermer aucune porte. Lorsque les ministres, invités à la radio ou à la télévision, étaient interrogés sur les mesures à mettre en œuvre pour améliorer la compétitivité, la réponse était toujours plus ou moins la même : il était urgent d'attendre le rapport Gallois.
Mais ce rapport est vite devenu dérangeant pour le gouvernement, comme le raconte Le Figaro. Un transfert de cotisations sociales vers des impôts larges comme la TVA, la CSG ou une taxe sur le diesel serait une décision risquée. Politiquement, car la gauche n'a pas eu de mots assez durs contre la "TVA sociale" décidée sous Nicolas Sarkozy, abrogée par le nouveau pouvoir. Economiquement, car un choc de compétitivité toucherait au porte-monnaie des ménages, ce qui pourrait gripper la consommation.
Du coup, le gouvernement préfère insister sur la compétitivité "hors coût", c'est-à-dire les mesures qui ne concernent pas le coût du travail. "La compétitivité, c'est la recherche, c'est l'innovation, les partenariats", déclarait ainsi Jean-Marc Ayrault le 15 octobre.
Et si le rapport Gallois réconciliait tout le monde ?
Un proche de Louis Gallois, cité par Les Echos, regrette que le choc de compétitivité ait cristallisé toute l'attention "alors que le véritable enjeu, ce sont les réformes structurelles, comme le soutien à l'innovation et le marché du travail". Selon le quotidien économique, le rapport Gallois devrait donc insister sur les mesures de compétitivité "hors coût" pour remédier à la spécialisation insuffisante de l'industrie française et renforcer l'innovation, la qualité et les services des entreprises.
Louis Gallois et Jean-Marc Ayrault seront-ils, en réalité, sur la même longueur d'onde ? Tout dépendra de la manière dont sera interprété le document une fois qu'il sera connu dans son intégralité. "Le rapport Gallois, il va falloir le lire avant de le commenter", a lancé Arnaud Montebourg lundi matin. Il va surtout falloir apprendre à y lire ce que l'on veut bien lui faire dire.
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