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Législatives: qu'est-ce qu'on s'ennuie...

Campagne trop longue, candidats inconnus, beau temps dissuasif, les électeurs semblent avoir peu d'intérêt pour les législatives. A moins de deux semaines du premier tour, tentative d'explication.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La longue campagne présidentielle a lassé nombre d'électeurs. (CHRISTOPHER HOPE-FITCH / GETTY IMAGES)

Economisez le marc de café et les entrailles d’un quelconque animal sacrifié. Pas besoin d’être devin. Les 10 et 17 juin prochains, vous avez peu de chance de faire la queue devant les bureaux de vote à l’occasion des deux tours des élections législatives. Depuis 1958, la désignation démocratique des députés déplace de moins en moins les foules. En 2007, on a même atteint un record avec un taux d’abstention de 40%.

  (POLITIQUEMANIA.COM)

Pour 2012, l'estimation du taux d’abstention se situe entre 38% et 42% selon un sondage Ipsos-Logica Business Consulting pour France Télévisions, Radio France et Le Monde. Une étude publiée mardi 29 mai où l’on apprend que 57% des personnes interrogées trouvent que la campagne des législatives n’est "pas intéressante". Pourquoi tant de mépris ? Le destin du palais Bourbon n’intéresserait plus les Français ? Tentative d’explication d’une histoire de désamour politique.

• Une looooooongue campagne présidentielle

Depuis le début de la primaire socialiste, en septembre 2011, pas un jour sans qu’un candidat ou qu’une candidate, en costume-cravate ou en tailleur, explique aux Français comment il compte "changer" ou "protéger" la France. Et neuf mois de petites phrases, de promesses, de débats, de meetings, de scandales et de polémiques, ça use. "La campagne était longue. Trop", analyse ainsi Yves Thréard, directeur adjoint du Figaro, sur le site de La Voix du Nord.

Pour beaucoup de citoyens, l’élection de François Hollande était la ligne d’arrivée d’une course cycliste épuisante. Les législatives apparaissent alors comme un épilogue synonyme de crampes, de fringales dans les côtes et donc de peu d'intérêt.

• Le quinquennat m’a tué

Le référendum du 24 septembre 2000 a lourdement handicapé le scrutin des législatives. Voilà douze ans que la durée du mandat présidentiel est alignée sur celle du mandat de député, et que les législatives suivent directement la présidentielle, leur donnant une allure de troisième tour. C’est "l’effet de souffle", décrit par le site diplomatie.gouv.fr, qui offre au parti du nouveau président le statut de grand favori des législatives.

Le but de l’instauration du quinquennat était de réduire le risque de cohabitation, situation susceptible de contredire la "lecture gaullienne de la Constitution". Comme en témoignent l’augmentation des chiffres de l’abstention depuis 2002, c’est surtout l’intérêt pour les élections législatives qui a été sacrifié.

Voter ou bronzer ?

Après une fin d’hiver rude et un printemps pourri, les Français attendaient le soleil avec impatience à la veille de l’été, comme le relatent les quotidiens, à l’image du Parisien, ou les JT des chaînes de télévision, comme le 13 heures de France 2. La plupart des ponts du mois de mai ayant été pluvieux, les Français seront nombreux à s’accorder un week-end au soleil en juin, malgré les deux dimanches d’élections législatives.

Les plus positifs opposeront la solution de la procuration, très en vogue pour la présidentielle, créant parfois même des embouteillages dans les commissariats et les gendarmeries, comme le raconte La Voix du Nord. Mais malgré les encouragements du PS ou de l’UMP, pas sûr que les électeurs réitèrent leurs efforts pour les législatives.

• Mon nom est personne, et je suis candidat

Les législatives sont presque partout l’occasion de découvrir les visages de ceux qui font la vie politique locale. Et sont du coup de parfaits inconnus pour la plupart des électeurs de leur circonscription. La solution consiste alors à associer le visage du candidat aux législatives avec le portrait du candidat à la présidentielle, ou avec son nom, sur les affiches et tracts de campagne. Comme Véronique Gathercole, candidate FN en Ardèche.

 

  (SITE DE CAMPAGNE DE VERONIQUE GATHERCOLE)

Bien sûr, les candidats les plus médiatiques, les ministres ou les têtes d'affiche d’un parti subissent moins ce problème d'anonymat. Et encore. Henri Guaino, candidat UMP dans les Yvelines, distribue des tracts sans qu’on le reconnaisse, comme le rapporte Le Monde, malgré son récent passé de conseiller spécial de Nicolas Sarkozy.

• Le député pour les nuls

"Créer du lien entre les territoires" pour Rémy Rebeyrotte dans Le Journal de Saône-et-Loire ; être "un instigateur de projets" pour Laurent Feutry dans La Voix du Nord. Le rôle du député est souvent expliqué à son électorat avec des mots flous, voire fourre-tout, par les candidats. Du coup, difficile pour ceux qui votent de s’attarder sur l’'élection d'un parlementaire dont ils se demandent souvent à quoi il sert, comme le souligne Le Berry républicain. En même temps, rappeler que la base du boulot, c’est voter une loi en fonction de la ligne du parti, ce n’est pas toujours vendeur non plus. 

• Et pourtant…

Malgré ce pessimisme politique, les élections législatives restent un rendez-vous primordial dans la vie républicaine française. D’abord parce leurs résultats orienteront grandement les futurs choix du nouveau président et de son gouvernement. Une forte percée du Front de gauche ou d’Europe Ecologie-Les Verts influerait forcément sur les futurs textes adoptés à l'Assemblée.

Ensuite parce qu'une victoire de la droite aurait encore plus de retentissement, en contredisant le choix de la présidentielle. Dans l’autre sens, une lourde défaite déclencherait une guerre de succession sanglante à l’UMP, première étape de la présidentielle de 2017. Un raz-de-marée rose aurait pour conséquence de donner à la gauche la majorité à tous les échelons politiques du pays (présidence, Assemblée, Sénat, conseils généraux et régionaux). Des noms célèbres menacés de défaite, comme François Bayrou ou Jack Lang, pourraient par ailleurs effectuer leur dernière campagne.

Enfin, si vous n’êtes pas passionné par la politique, ces élections législatives peuvent être l’occasion de découvrir que les Français ont le sens de l'humour, comme Alessandro Di Giuseppe, candidat loufoque de l’Eglise de la Très Sainte Consommation, dans le Nord.

Les trublions plus sérieux pourront également rejoindre les rangs du Parti pirate ; les plus subversifs s’intéresseront à Céline Bara, ancienne actrice X et candidate du MAL, le Mouvement antithéiste et libertin, en Ariège. A l'image des contributeurs du blog des Lolgislatives, qui ont décidé d'en rire, chaque citoyen peut donc trouver son compte dans cette élection.

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