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Les cinq commandements de l'investisseur étranger en France

Avec son "conseil stratégique de l'attractivité", François Hollande veut convaincre les étrangers d'investir en France. Francetv info dresse un petit guide à l'intention de ceux qui seraient tentés par l'aventure hexagonale.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Les investissements étrangers, notamment chinois, vont être plus surveillés, notamment dans le secteur du numérique (STEVEN HUNT / GETTY IMAGES)

La France "n'a peur de rien". Et surtout pas des capitaux venus d'ailleurs. François Hollande a voulu rassurer les investisseurs étrangers, lundi 17 février, en conviant 34 patrons de multinationales à un "conseil stratégique de l'attractivité" de l'économie française à l'Elysée.

Il faut dire qu'il y a urgence, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. D'après ses chiffres, certes provisoires, publiés fin janvier (PDF, en anglais), les investissements directs étrangers se seraient effondrés de 77% en France en 2013, à environ 4,1 milliards d'euros.

Pour l'occasion, francetv info dresse un petit guide à l'intention des investisseurs étrangers qui seraient tentés par l'aventure hexagonale.

1 Ton secteur tu choisiras

Si vous voulez vous épargner une première tracasserie administrative, mieux vaut bien réfléchir au domaine dans lequel vous souhaitez investir. Car les étrangers ne peuvent pas mettre leur argent n'importe où : dans certains secteurs, une autorisation préalable est nécessaire. Pas question, par exemple, pour un étranger hors Union européenne d’investir dans la sécurité privée, le commerce d’armes ou encore certains jeux d’argent sans montrer patte blanche.

Mais les investisseurs étrangers préfèrent miser dans les services aux entreprises, les logiciels, les équipements industriels, le transport ou la chimie. Ces cinq secteurs représentent plus de la moitié des projets portés par des étrangers en 2012, selon une étude du cabinet Ernst & Young (PDF).

Pour changer, pourquoi ne pas investir dans le domaine de l'innovation ? Là, la France se porte très bien, selon Deloitte (PDF, en anglais). 86 entreprises hexagonales figurent parmi les 500 sociétés technologiques à la plus forte croissance en 2013, d'après le cabinet. En tête du classement, la société Ymagis, spécialisée dans le cinéma numérique, affiche un taux de croissance de 59 096% sur cinq ans.

2 L'administration tu affronteras

L’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), chargée de convaincre les étrangers de placer leur argent dans l’Hexagone, se veut rassurante : les démarches sont "simples". Reste qu’avant de vous lancer, il faudra vous enregistrer auprès de l’administration et donc choisir comment vous voulez faire votre arrivée en France, car les possibilités sont multiples.

Pour une implantation durable, vous pouvez choisir entre créer une succursale ou une filiale en France. La première n’a pas d’autonomie juridique, ce qui veut dire que la société mère est responsable de tout, y compris des dettes. Préférez donc la seconde si vous voulez séparer les patrimoines et éviter une déroute financière. Il est aussi possible de simplement prendre une participation dans une société française. Mais attention : l’autorité de la concurrence veille, ainsi que l’autorité des marchés financiers, si l’entreprise concernée est côtée en bourse. Reste enfin l’option de reprendre une entreprise en difficulté, mais là, il vous faudra convaincre le tribunal de commerce.

3 Des subventions tu demanderas

En visite aux Etats-Unis la semaine passée, François Hollande a martelé le message aux chefs d'entreprise qu'il a rencontrés : "Venez investir en France, venez créer des emplois, venez aussi soutenir les start-up françaises." Si cet appel vous séduit, sachez que la France saura vous dérouler le tapis rouge en vous proposant une myriade d'aides financières.

L'AFII dresse une liste alléchante (PDF) : aides à la création d'emplois ou à la formation professionnelle, prêts à taux bonifié, exonérations fiscales, exonérations de cotisations sociales, crédit d'impôt... Le catalogue des aides est épais, mais gare au retour de bâton en cas de faux pas.

L'Américain Amazon a ainsi bénéficié de 1,12 million d'euros accordés par la région Bourgogne pour la création de 250 emplois à Chalon-sur-Saône, rappelle Le Monde. Sauf que l'entreprise est accusée de payer trop peu d'impôts en France : les subventions du géant de l'internet sont désormais entachées par la polémique et certaines régions reculent, comme le Nord-Pas-de-Calais, précise le quotidien. Pas forcément bon pour l'image de marque.

4 Avec les syndicats tu négocieras

Difficile de faire l’impasse sur elles : la CGT, la CFDT, la CGC, la CFTC et FO sont les cinq confédérations aujourd'hui représentatives au niveau national, ce qui leur permet de négocier et de conclure des accords avec les entreprises. Vous aurez donc certainement affaire à elles, mais rassurez-vous, même si le cliché a la vie dure, pas la peine de trop vous inquiéter concernant les grèves.

"Nous avons désormais en France un nombre de jours de grève ou de blocage bien inférieurs à beaucoup de nos voisins européens", assure le PDG de Siemens France au Nouvel Observateur. Dans Le Monde, en 2010, Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS, expliquait que, certes, le salarié français fait plus souvent grève que son voisin allemand, mais bien moins que son homologue danois. La France "n'est pas championne du monde de la grève", concluait-il.

Reste que certaines méthodes, parfois musclées, peuvent faire peur à l’étranger non sensibilisé aux us et coutumes hexagonales. Début janvier, des salariés de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord ont séquestré des dirigeants de l’entreprise. "Ils sont mabouls", a réagi l’Américain Maurice Taylor, un temps candidat à la reprise du site, auprès de RTL. "Aux États-Unis, c'est du kidnapping. S'ils faisaient ça là-bas, ils iraient en prison." Non, les salariés ne sont pas dingues, répond Business Week (en anglais), la séquestration est "un outil de négociation plutôt efficace" en France. Maurice Taylor, lui, hésite toujours à investir dans l'Hexagone.

5 Tes impôts tu payeras (ou tu éviteras)

Des charges trop élevées, des impôts trop importants : c'est l'un des principaux griefs des patrons étrangers. "Nous sommes aujourd'hui dans l'excès fiscal", assure Marc Lhermitte, associé du cabinet Ernst and Young, dans Le Parisien (article payant). "Nous avons réduit les cotisations pesant sur le travail que paient les entreprises", a répondu Jean-Marc Ayrault lundi à l'Elysée. Avec son pacte de responsabilité, François Hollande a promis 30 milliards d'euros d'allégements de charges d'ici à 2017.

Il faudra cependant vous acquitter de l'impôt sur les sociétés, calculé sur vos bénéfices, dont le taux flirte actuellement avec les 37%, rappellent Les Echos. Bien plus que les 12,5% de l'Irlande, eldorado des entreprises. A cela s'ajoutent des impôts locaux, comme la cotisation foncière des entreprises ou la taxe foncière... Mais pas de panique, vous pourrez vous en tirer à bon compte car de nombreuses exonérations existent, rappelle l'AFII. Sans oublier les crédits d'impôt accessibles sous conditions.

Et puis, si vraiment, la pression fiscale vous paraît trop importante en France, vous pourrez toujours pratiquer l'optimisation fiscale, comme certains géants de l'internet. Grâce à une série de montages financiers, baptisés "sandwich hollandais" ou "double irlandais", Google ne parvient ainsi qu'à payer un faible pourcentage d'impôts dans l'Hexagone. Attention, la technique n'est pas sans danger. Car le fisc français peut aussi s'en mêler.

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