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JO 2021 : pourquoi la boxe est une discipline en sursis aux Jeux de Tokyo

Dans le viseur du CIO depuis plus de deux ans, le noble art a bien failli disparaître du programme olympique au Japon. Et son avenir aux JO est loin d'être garanti. Explications.

France Télévisions - Rédaction Sport
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Le Kazakh Bibossinov Saken et le Japonais Tosho Kashiwazaki lors d'un combat pour le test event des Jeux olympiques, le 31 octobre 2019 à Tokyo. (KEITA IIJIMA / YOMIURI / AFP)

Les as du noble art vont pénétrer, samedi 24 juillet, dans le foyer spirituel du sport national japonais, le sumo, pour disputer les premiers rounds de boxe des Jeux olympiques de Tokyo. Dans une Kokugikan Arena qui sonnera creux, huis clos oblige, certains mesureront peut-être le chemin parcouru, alors que leur sport a failli disparaître du programme des Jeux nippons et leur chance de médaille olympique avec.

Il y a un peu plus de deux ans, l'inquiétude était de mise. Empêtrée dans de sérieux problèmes de gouvernance, dont des accusations de corruption de certains de ses arbitres, l'association internationale de boxe amateur (Aiba) s'est vu retirer l'organisation du tournoi olympique par le Comité international olympique (CIO). Une première pour une fédération mondiale, devenue incapable d'organiser son propre sport aux JO.

Gouvernance bancale et crise financière

Mis en cause par le Trésor américain, l'ancien président par intérim de l'Aiba, Gafur Rakhimov, est accusé d'être un "criminel majeur". Des allégations démenties par l'homme d'affaires ouzbek mais qui ont suffi à convaincre le CIO de "geler" ses relations avec la fédération et de brandir la menace d'un retrait de la reconnaissance de l'instance, mettant en grand danger l'avenir de la boxe aux Jeux de Tokyo. Peu de temps après, une commission d'enquête diligentée par les organisateurs nippons était créée pour faire la lumière sur l'ampleur des dégâts.

Car, davantage que le simple cas de Gafur Rakhimov, c'est toute une gouvernance qui laissait à désirer depuis plusieurs années au sein de l'Aiba. Avant lui, son prédécesseur, le Taïwanais Ching Kuo Wu, avait été suspendu puis contraint à la démission pour avoir placé la fédération internationale "au bord de la faillite financière". Une dette qui avoisinait les 17 millions de francs suisses (plus de 15,5 millions d'euros).

Depuis Toulouse, le vice-champion olympique des poids légers, Sofiane Oumiha, ne cachait pas son inquiétude dans les colonnes de La Dépêche du Midi en novembre 2018 : "On ne sait pas comment tout cela va finir, nous sommes dans le noir le plus total, il faut attendre la suite des événements. Mais s'il n'y a pas de boxe aux Jeux, je trouverais cela totalement injuste. Mais nous sommes impuissants..."

  (JULIEN CROSNIER / DPPI MEDIA)

Sous la tutelle du CIO... provisoirement

Juin 2019, 134e session du CIO. La commission exécutive valide à l'unanimité la suspension de l'Aiba. L'organisation du tournoi de boxe, tout comme les compétitions qualificatives, revient au Comité international olympique, toujours selon le même format, à savoir huit épreuves masculines et cinq épreuves féminines pour un total de 286 participants. "La décision a été prise dans l'intérêt des athlètes et de la boxe, commente alors le président Thomas Bach. Nous voulons nous assurer que les athlètes puissent réaliser leur rêve de participer aux Jeux olympiques de Tokyo tout en tirant les conséquences qui s'imposent pour l'Aiba à la suite des recommandations du comité d'enquête." 

Pour autant, si le sort de la discipline pour l'édition 2020 – devenue celle de 2021 – est réglé, le doute subsiste concernant les Jeux 2024 à Paris. Car le CIO n'entend assurer qu'un rôle transitoire dans le gestion de la boxe aux JO, comme le confirmait le président de la commission d'enquête Nenad Lalovic en 2019 : "Pour le moment, nous demandons à leurs athlètes de sauver leur sport et de le pratiquer. Mais il faut une réforme, que les changements se fassent rapidement pour avoir des résultats à long terme."

"L'Aiba doit être prête à s'occuper de son sport après les Jeux de Tokyo. Si cela ne réussit pas, l'avenir s'annonce assez sombre."

Nenad Lalovic

président de la commission d'enquête du CIO

Pour le président de la Fédération française de boxe (FFB) Dominique Nato, le devenir de la boxe aux JO de Paris ne semble toutefois pas compromis. "C'était mon angoisse mais le Comité d'organisation des Jeux de 2024 m'a rassuré en ayant déjà pris des options à Roland-Garros, avec le stade Suzanne-Lenglen qui servirait d'enceinte pour la boxe", explique-t-il avant d'ajouter : "Maintenant les engagements d'un jour ne sont pas forcément ceux de toujours, mais je ne vois pas comment, à trois ans des Jeux, on pourrait revoir le programme olympique".

Des évolutions nécessaires, et en bonne voie ?

En décembre 2020, le secrétaire général de la Fédération russe de boxe, Umar Kremlev, a été élu à la tête de l'Aiba pour remettre de l'ordre dans une maison qui a beaucoup tangué. Durant sa campagne, il n'avait cessé de marteler son objectif de réduction immédiate des dettes de l'instance, ainsi qu'un financement annuel de deux millions de dollars pour les fédérations nationales. Forcément des points positifs. La question de la reconnaissance de l'Aiba, elle, ne sera réexaminée qu'après cet été. 

"Sa légitimité est fragilisée, on le voit", témoigne Dominique Nato. "Pour nous, ce serait une catastrophe de sortir des Jeux. Il y a une aide de la commission d'objectif du ministère qui en découle, elle légitimise une fédération olympique autrement qu'une fédération affinitaire. Cette légitimité olympique nous a donné un crédit important, des moyens, des champions..."

Le boxeur français Samuel Kistohurry lors des seconds Jeux européens à Minsk, en juin 2019. (PHILIPPE MILLEREAU / KMSP / AFP)

>> Premiers JO à Tokyo 2021 : Samuel Kistohurry, l'heure de la revanche a sonné

Pour le président de la Fédération française de boxe (FFB), c'est même une remise en ordre plus globale qui doit avoir lieu, notamment sur la distinction entre monde amateur - celui des JO - et professionnel. Car pour la première fois, à Tokyo, des pros peuvent disputer les Jeux. "C'est comme si on faisait courir des spécialistes du 400 m avec des coureurs de 1 500 m. En Angleterre, on interdisait aux amateurs de s'entraîner avec les pros et maintenant, on fait faire les Jeux aux pros." La France comptera d'ailleurs pour la première fois cet été à Tokyo une boxeuse professionnelle, Maïva Hamadouche, championne du monde IBF des super-plume depuis 2016, dans ses rangs.

Parmi les autres points à faire évoluer, un système de pointage plus fiable - qui doit permettre d'éviter les erreurs comme celles connues par Alexis Vastine à Pékin en 2008 puis Londres en 2012 - doit également être intégré. En définitive, c'est tout un sport qui doit faire sa mue pour s'accrocher encore à sa destinée olympique.

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