Reportage JO de Paris 2024 : plus forte que la polémique, la boxeuse Imane Khelif assure une première médaille à l’Algérie depuis 2016

La boxeuse algérienne n'a pas tremblé, samedi, pour dominer la Hongroise Anna Luca Hamori et se hisser en demi-finales du tournoi olympique dans la catégorie des moins de 66 kg.
Article rédigé par Simon Bardet
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Imane Khelif, après sa victoire qui la propulse en demi-finale olympique et lui assure une médaille, le 3 août 2024 à Villepinte. (MEHMET MURAT ONEL / AFP)

Les coups, Imane Khelif les a rendus sur le ring. La boxeuse algérienne s'est qualifiée pour les demi-finales du tournoi olympique de boxe, samedi 3 août, en dominant la Hongroise Anna Luca Hamori par décision à l'unanimité des cinq juges. Un succès synonyme de médaille assurée pour l'Algérie, une première dans ces Jeux olympiques de Paris. Et un événement que le pays attend même depuis 2016 et le doublé argenté 800 m-1500 m de Taoufik Makhloufi à Rio.

Imane Khelif ovationnée lors de son entrée sur le ring, le 3 août 2024 aux Jeux olympiques.
Imane Khelif ovationnée lors de son entrée sur le ring, le 3 août 2024 aux Jeux olympiques. Imane Khelif ovationnée lors de son entrée sur le ring, le 3 août 2024 aux Jeux olympiques. (Simon Bardet / franceinfo: sport)

Dans une ambiance survoltée, Imane Khelif n'a jamais laissé le moindre espoir à son adversaire. Plus mobile, plus rapide, plus précise, elle a fait rugir le public d'une Arena Paris Nord complètement acquise à sa cause. "Les Algériens qui habitent en France, et même ailleurs en Europe - en Allemagne, en Italie, en Belgique - sont tous là pour la soutenir", assure Omar Djemai, journaliste sur la première chaîne algérienne.

"Elle a beaucoup travaillé depuis son élimination en quarts de finale à Tokyo, pour montrer qu'elle est la numéro 1 à Paris."

Omar Djemai, journaliste algérien

à franceinfo: sport

Les drapeaux algériens étaient agités en nombre, dès son entrée sur le ring. Son adversaire, elle, a pu ressentir l'hostilité d'une salle qui l'a copieusement huée.  Une réponse à ses déclarations sur les réseaux sociaux avant ce rendez-vous. "J’ai mis toute ma vie pour être ici aux Jeux olympiques et peut-être qu’un homme arrêtera mon rêve. Peut-être qu’il m’empêchera de gagner une médaille olympique."

Anna Luca Hamori huée par le public de l'Arena Paris Nord, le 3 août 2024 à Paris.
Anna Luca Hamori huée par le public de l'Arena Paris Nord, le 3 août 2024 à Paris. Anna Luca Hamori huée par le public de l'Arena Paris Nord, le 3 août 2024 à Paris. (Simon Bardet / franceinfo: sport)

"Son adversaire a posté quelque chose de très méchant. Le Comité olympique algérien a saisi le CIO, qui a demandé à la Hongroise d'enlever immédiatement ce qu'elle avait posté. Elle l'a fait, mais ce n'est pas sportif de sa part", se désole Yacine Arab, directeur des sports du Comité olympique algérien. 

En pleine tempête depuis un an

Des coups en rafales sur les réseaux sociaux. Des uppercuts venus du monde politique. Si Imane Khelif a l’habitude d'esquiver les assauts de ses adversaires sur le ring, la boxeuse algérienne a dû faire face, ces derniers jours, à de nombreuses attaques en ligne après l’abandon de son adversaire Angela Carini en huitièmes de finale, après 46 secondes de combat.

La grande majorité du public était acquis à la cause d'Imane Khelif, samedi 3 août, lors de son quart de finale olympique. (Simon Bardet / franceinfo: sport)

Ce refus de combattre, ajouté à la disqualification d’Imane Khelif en demi-finales du championnat du monde 2023 à New Delhi (Inde) à cause de tests d'éligibilité de genre non concluants selon la Fédération internationale de boxe (IBA) – qui n’est pas reconnue par le Comité international olympique (CIO) – a fait naître un torrent de commentaires accusant la boxeuse algérienne d’être un homme. "Cette polémique est anecdotique", assure Yacine Arab. "Imane a toujours combattu en tant que fille. Et qu'est-ce qu'elle a fait en arrivant ici, à Paris ? Elle a fait des tests, et ils étaient concluants. On parle d'Imane de cette manière parce qu'ils savent qu'elle va aller très loin.", narre-t-il.

Avant les excuses d'Angela Carini, qui a même "promis à Imane d'aller la voir si elle était en finale", même la Première ministre Giorgia Meloni et le candidat à la présidence des Etats-Unis, Donald Trump, s’en sont mêlés. "Je garderai les hommes hors du sport féminin", a commenté ce dernier sur son réseau Truth Social.

Un combat hors du ring

Si le CIO et son président Thomas Bach en personne sont montés au créneau pour défendre Imane Khelif, la boxeuse a préparé son quart de finale contre Anna Luca Hamori dans une ambiance particulière. Yacine Arab assure qu'elle n'a pas vacillé : "Elle va très bien, elle a un moral d'acier. Quand elle a vu toutes ces choses-là, elle a rigolé. Elle sait que c'est anecdotique. Elle est très forte, il ne faut pas s'en faire pour elle." 

Des rires de façade ? A voir la boxeuse fondre en larmes dès sa descente du ring et lors de son passage en zone mixte, devant une nuée de caméras, la réponse semble évidente. Hassiba Boulmerka, qui a apporté son premier titre olympique à l'Algérie, sur 1 500 m (athlétisme) à Barcelone en 1992, était présente pour soutenir Imane Khelif en quarts de finale. Elle a joué la police en zone mixte, intimant à sa compatriote de sortir de la visée des caméras du monde entier. Pour la protéger, elle a pris la lumière à sa place, et dénoncé les comportements sur les réseaux sociaux.

"Elle est en train de vivre l'enfer, beaucoup de pression, beaucoup d'injustice. Le sport doit unir les peuples, pas les séparer !"

Hassiba Boulmerka, première championne olympique algérienne

à franceinfo: sport

La délégation algérienne espère que le calme va revenir, afin qu'Imane Khelif puisse préparer sereinement sa demi-finale contre la Thaïlandaise Janjaem Suwannapheng, fixée au 6 août. "Je suis la première médaille d'or olympique de l'Algérie et j'aimerais bien qu'il y en ait d'autres, espère Hassiba Boulmerka. Mais déjà, cette médaille, on l'a, elle est à nous !" La boxe est le deuxième sport qui rapporte le plus de médailles au pays, après l'athlétisme (six contre neuf). Imane Khelif peut encore rêver de devenir la première championne olympique de boxe algérienne, et rejoindre au palmarès Hocine Soltani, qui s’est paré d’or à Atlanta en 1996. Elle mettrait alors tout le monde K.-O., adversaires et détracteurs.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.