Témoignages "Ça devenait dangereux" : quand le dernier passage de la flamme olympique à Paris a tourné au fiasco en 2008

Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Lors de son dernier passage à Paris, en 2008 avant les JO de Pékin, le parcours de la flamme olympique avait été émaillé d'incidents de la part de manifestants pro-Tibet. (PATRICK KOVARIK / AFP)
Des relayeurs de la flamme olympique en 2008, avant les Jeux de Pékin, racontent leurs souvenirs de la traversée chaotique de la capitale.

Cela pouvait difficilement plus mal se passer. La flamme olympique est de retour dans les rues de la capitale les 14 et 15 juillet, 16 ans après son passage aussi express que tourmenté. La dernière fois que la torche a traversé Paris, le 7 avril 2008, avant les Jeux olympiques de Pékin, son parcours a été semé d'embûches. De nombreux manifestants pro-Tibet ont profité de l'occasion pour dénoncer la répression des rassemblements à Lhassa par les autorités chinoises, tuant plus de 200 Tibétains en mars 2008. En amont des Jeux olympiques chinois, le voyage hors norme de la flamme - plus de 137 000 kilomètres à travers 23 pays des cinq continents - avait été perturbé à plusieurs étapes, comme à Paris.

Itinéraire modifié voire interrompu, policiers débordés, relayeurs chahutés... Les incidents se sont enchaînés le long du parcours de 28 km à travers Paris, entre la Tour Eiffel et le stade Charléty en passant par l'Hôtel de Ville. La torche a été mise à l'abri quatre fois dans un bus sécurisé et la flamme a même été éteinte un moment avant d'être rallumée. Le long de son parcours, des manifestants ont brandi des drapeaux tibétains et ont tenté de s'en approcher. L'ONG Reporters sans frontières a mené des actions toute la journée en des lieux emblématiques de la capitale pour appeler au boycott des Jeux de Pékin, en déployant des drapeaux où les anneaux olympiques sont représentés par des menottes. 

Les officiels chinois, mécontents du déroulé des événements, ont finalement décidé d'annuler la cérémonie qui devait avoir lieu à l'Hôtel de Ville de Paris. Près de la moitié du journal de 20 heures de France 2 de ce lundi 7 avril 2008 est consacrée à l'évènement (jusqu'à 22'40'') :

Une ambiance anxiogène

Dès le début de la traversée parisienne, le premier relayeur, Stéphane Diagana, double champion du monde d'athlétisme, n'a pu courir qu'une quinzaine de mètres au pied de la Tour Eiffel avant d'être confronté au premier incident d'une longue série. Un élu municipal écologiste a tenté de lui arracher la flamme des mains, sans succès. À partir de là, le flambeau a été encadré par un important service d'ordre chinois et les forces de l'ordre françaises.

Un cordon de sécurité très important autour de lui et "un environnement assez hostile", dont se rappelle Arnaud Di Pasquale, ancien tennisman, médaillé de bronze au JO de Sydney en 2000 et l'un des 80 relayeurs de la flamme en 2008. Seize ans après, ses souvenirs sont "partagés", avec d'un côté "la fierté de participer à cette fête" et de l'autre "ce moment perturbant dans une ambiance anxiogène". "Certains y voyaient un soutien politique à ce qui se passait en Chine, se désole Arnaud Di Pasquale, qui se rappelle s'être fait "insulter et cracher dessus" alors qu'il était "content de participer au relais en tant que sportif et ancien médaillé". "On m'avait même arrêté car ça devenait dangereux", ajoute l'ancien joueur de tennis.

La flamme éteinte

Le passage de relais entre les judokas David Douillet et Teddy Riner a lui aussi été perturbé, quand le champion olympique en 1996 et 2000 s'est vu éteindre son flambeau par des officiels chinois. "Ils étaient complètement paniqués, c’était aberrant, se souvient l'ancien judoka, interrogé par franceinfo en juin 2023. Au final, on a rallumé la flamme et je l'ai filée à Teddy plus loin, mais tout était assez désordonné."

"J'ai un souvenir à la fois unique et amer de cette journée complètement étrange."

Pascal Bildstein, relayeur de la flamme olympique en 2008

à franceinfo

Pour Pascal Bildstein, un autre relayeur, ce 7 avril 2008 "est un rendez-vous raté avec la flamme". Le triathlète se rappelle "d'une journée d'attente et d'incertitude" qu'il a passée dans un bus avec d'autres sportifs, comme Marie-Josée Pérec. "On avait un peu peur parce que derrière le symbole de la flamme, c'était nous qui étions critiqués par les manifestants. On se sentait cernés, ce n’était vraiment pas agréable", se remémore-t-il.

Finalement, le relayeur a fait partie "d'un tronçon qui n'a jamais vu la flamme en tant que telle, souligne-t-il. "On l'a attendue toute la journée", se souvient-il avec une pointe d'amertume, plus de 16 ans après. Même si elle n'a jamais été allumée, Pascal Bildstein a gardé la torche de Pékin : "C'était un peu le chaos, on est partis du bus en emportant nos torches. C'était très étrange, on avait l'impression de voler quelque chose".

La tenue qu'arborait Pascal Bildstein, comme tous les relayeurs de la flamme en 2008, avant les Jeux olympiques de Pékin. (PASCAL BILDSTEIN)

Ailleurs qu'à Paris, les contestations des défenseurs des droits de l'homme en faveur du Tibet avaient également été particulièrement marquées, à Londres ainsi qu'à San Francisco. Sur le sol français, cette dernière expérience de la flamme a laissé un mauvais souvenir. Cette année, la flamme olympique est désormais entourée tout au long de son parcours par une "bulle" de 115 policiers et gendarmes, et une centaine de forces mobiles.

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