JO de Paris 2024 : comment l'Argentine et la France sont devenues des rivales sur et en dehors des terrains

Adversaires en quarts de finale du tournoi de football, vendredi, les deux nations ont vu une inimitié naître puis croître depuis maintenant deux ans.
Article rédigé par Andréa La Perna - Avec A-E.C., J.F., J.L., M.L. et A.H-D.
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Lionel Messi et Kylian Mbappé lors de la finale de la Coupe du monde 2022 entre l'Argentine et la France, le 18 décembre, à Doha. (JEAN CATUFFE / AFP)

L'affiche est alléchante et va offrir au tournoi olympique de football un peu plus de lumière dans ces Jeux olympiques de Paris. La France défie l'Argentine en quarts de finale, vendredi 2 août, pour un choc entre deux prétendants assumés à la médaille d'or. Un choc entre deux adversaires à l'inimitié récente, née lors du Mondial 2022, conclu sur une finale remportée par les Argentins aux tirs au but et alimentée depuis. 

Certains diront que le point de départ remonte au huitième de finale de la précédente Coupe du monde, en 2018, lorsque les Bleus avaient éliminé l'Albiceleste au terme d'un autre match de légende (4-3). "Jorge Sampaoli (alors sélectionneur de l'Argentine) avait été désigné comme le responsable de l'échec plutôt que la France", précise Thomas Broggini, journaliste français en Argentine. D'après lui, cette nouvelle rivalité franco-argentine trouve sa source dans une interview de Kylian Mbappé dont les propos "ont heurté les Argentins et même tous les Sud-Américains".

Revanche et chants racistes

L'entretien en question remonte au mois de mai 2022, juste après sa dernière prolongation avec le PSG, et a été donné au media TNT Sports. Interrogé sur ses favoris pour le Mondial, il n'avait pas cité l'Argentine et vexé tout un continent : "L'avantage qu'on a nous les Européens, c'est qu'on joue toujours entre nous. On a des matchs de haut niveau tout le temps, comme en Ligue des nations. Quand on arrive en Coupe du monde, on est prêt, là où le Brésil et l'Argentine n'ont pas ce niveau-là. En Amérique du Sud, le football n'est pas aussi avancé qu'en Europe. Les dernières Coupes du monde, quand vous regardez ce sont toujours les Européens qui gagnent".

"Évidemment, le Mondial 2022 a renforcé la rivalité, mais pas la finale en elle-même, plutôt l'après. Les sifflets contre Messi (sous les couleurs du PSG) sont très mal passés ici, de même que les critiques répétées à l'encontre d'Emiliano Martinez, parce que les deux sont intouchables depuis le triomphe au Qatar", développe le correspondant en Argentine Thomas Broggini, qui voit de la rivalité surtout du côté français. "La France n'est pas vraiment vue comme un rival comme le Brésil ou l'Uruguay par les suiveurs du foot argentins. je pense que la rivalité est amplifiée par les réseaux sociaux plus qu'autre chose", minimise le journaliste argentin Tomas De Micheli.

Il n'empêche que la tension entre les deux pays est montée d'un cran il y a deux semaines sans qu'ils ne s'affrontent sur un terrain de sport. Le 15 juillet, lorsque les Argentins ont remporté la Copa America – l'équivalent de l'Euro en Amérique du Sud –, certains joueurs ont été filmés pendant les célébrations du titre en train d'entonner un couplet d'un chant raciste à l'égard de la sélection française. L'air, qui était déjà chanté par des fans argentins au Mondial au Qatar (au début du tournoi), comprend ce passage : "Ecoutez, faites circuler. Ils jouent en France mais ils viennent tous d'Angola. C'est bien qu'ils courent, ils sont comme des travelos, comme la salope de Mbappé. Sa vieille est nigériane, son vieux camerounais, mais sur ses papiers, il est de nationalité française".

Au premier plan de la vidéo qui a fait le tour du monde, le milieu Enzo Fernandez avait été repris de volée par l'international tricolore Wesley Fofana, son coéquipier à Chelsea. "Le football en 2024 : racisme décomplexé", a-t-il écrit sur X (anciennement Twitter). Jules Koundé lui avait apporté son soutien et les deux hommes avaient ensuite subi une vague de messages racistes, ce qui avait valu à la Fédération française de football de monter au créneau.

Des sifflets aux JO dans d'autres sports que le foot 

En Argentine, le sous-secrétaire d'Etat aux sports Julio Garro a demandé à Lionel Messi, capitaine de l'équipe nationale de "présenter ses excuses pour cette affaire, tout comme le président de la Fédération argentine de football". La situation aurait pu trouver un dénouement apaisé, mais ce dernier a tout simplement remis sa démission après avoir été repris de volée par le président Javier Milei. "Aucun gouvernement ne peut dire quoi commenter, quoi penser ou quoi faire à l'équipe nationale argentine, championne du monde et double championne d'Amérique du sud, ou à tout autre citoyen", a écrit le bureau du président sur X. "Aucun pays colonialiste ne va nous intimider pour une chanson ou pour dire les vérités qu'ils ne veulent pas admettre", avait ajouté la vice-présidente argentine, Victoria Villarruel.

Chelsea a décidé de ne pas sanctionner Enzo Fernandez, joueur-clé de l'équipe depuis son arrivée en janvier 2023. "Enzo Fernandez s'est excusé. Il ne voulait pas blesser les fans français ni personne. Il n'a pas compris quand il a chanté, je lui fais confiance. Parce que je le connais. Je connais Enzo. Il n'est pas raciste", a déclaré Wesley Fofana, mercredi, prêt à enterrer la hâche de guerre.

Mais les Jeux olympiques ont débuté au pic de la tension de cette affaire. Les rugbymen argentins ont par exemple été largement sifflés et hués les 24 et 25 juillet au stade de France. "On sent des regards pas toujours très sympas. Les Français sont comme nous, très orgueilleux. Et cette rivalité s'est étendue à tous les sports, c'est devenu un vrai 'Classique'", observe Agustin, un supporter argentin croisé dans le tramway à Paris jeudi, confiant avoir aussi croisé des Français "très sympas".

L'exemple du rugby n'aura d'ailleurs pas été représentatif. Sacré champion olympique de BMX freestyle, devant le Français Anthony Jeanjean, l'Argentin Jose Torres Gil a bien entendu quelques sifflets... dirigés en réalité contre la note attribuée par les arbitres au Français, et non à sa nationalité.

De la tension, il y en aura forcément plus pour le quart de finale de football à Bordeaux vendredi (21 heures), d'autant que la sélection argentine n'a pas apprécié le "cirque" lors de sa défaite contre le Maroc dès son arrivée sur le sol français, après une interruption de deux heures puis une intervention de la VAR.

Côté français, Thierry Henry a tout simplement dit qu'il "ne parlerait pas de ça". Ses joueurs étaient un peu plus loquaces en zone mixte juste après leur victoire contre la Nouvelle-Zélande mardi. "Avec ce qu'il s'est passé récemment, tous les Français sont touchés", avait reconnu Jean-Philippe Mateta. "Oui, il y a des antécédents forcément, que ce soit avec le Mondial ou les chants qu'on a pu entendre, s'était projeté Joris Chotard. Si ça peut être une petite revanche, à nous de la prendre".

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